+3.8 % de hausse des salaires mensuels moyens en 2022 face à une inflation à 5.9 %, selon la Banque de France. Une inflation attendue à 5% en 2023 et des prévisions floues au-delà, tant elles dépendent d’arbitrages géopolitiques à l’échelle mondiale.
Dans ces conditions, le salaire réel continuera à baisser en France en 2023. Face à cette inflation généralisée, l’urgence des revalorisations et de nouvelles NAO est plus que pressante. Un rattrapage s’impose.
Or, le gouvernement multiplie les effets d’annonces en exhortant d’autres que lui à desserrer les cordons de la bourse : industriels agro-alimentaires, distributeurs, stations-service, énergéticiens… Mais soit le rapport de force le contraint à reculer, soit les mesures prises se résument à des bouts de ficelle.
À titre d’exemple, le bilan de la "prime de partage de la valeur" est dérisoire : à peine un salarié sur 5 concerné en 2022, un montant en moyenne très insuffisant, une prime exonérée de cotisations sociales et défiscalisée, et surtout des "primes" versées en lieu et place d’augmentations de salaire pérennes !
Ironie du sort ou preuve du "cynisme à l'œuvre", pour reprendre les termes d’E. Macron, désormais l’inflation repose essentiellement sur la hausse des marges des entreprises, et peu sur la hausse des coûts des achats intermédiaires et des salaires. Autrement dit, les entreprises ont profité de la situation pour augmenter leurs marges, bien au-delà de la hausse des coûts subie. Particulièrement visibles dans les secteurs de l’industrie, de l’énergie et de l’agroalimentaire, ces effets d’aubaine sont à l’origine d’une boucle "prix-profit".
Le partage de la valeur se fait ainsi largement au détriment des salariés, et au grand profit des actionnaires. Au premier plan des "super-profiteurs" et des plus "généreux" avec ses actionnaires : TotalEnergies. Au total, les entreprises du CAC 40 ont versé 67.5 milliards d’euros de dividendes en 2022, soit 10 milliards de plus qu’en 2021… et près de 25 milliards d’euros en rachats d’actions.
C'est le même montant d’argent public qui a été mobilisé entre 2021 et 2023 à travers différents dispositifs pour limiter l’inflation et tenter de préserver le pouvoir d’achat (bouclier tarifaire, indemnité inflation / carburant…) !
Pour la majorité des Français, c’est la double peine : exclus de la redistribution de la valeur ajoutée créée grâce à leur travail et ponctionnés via l’inflation. In fine, les inégalités s’accentuent : selon une récente étude Oxfam sur les inégalités salariales au sein des 100 plus grandes entreprises cotées, les grands patrons gagnent 97 fois le salaire moyen pratiqué dans leur entreprise… et jusqu’à 163 fois le salaire moyen dans celles du CAC 40.
À la question des inégalités salariales, s’ajoute celle de la précarité sous ses diverses formes. L’INSEE recense 9 millions de Français en privation matérielle et sociale en 2022, soit une frange croissante de la population qui renonce à certains produits ou services, comme se chauffer correctement, partir en vacances, faire 3 repas par jour, etc.
Le sujet est alarmant. La preuve en est : la multiplication des appels au secours et au soutien financier des associations, telles que les Restos du cœur et la Croix-Rouge. Dans l’impasse budgétaire, elles n’ont plus les moyens d’assurer leurs missions. Si TotalEnergies ou encore la famille Arnault font étalage de leurs dons, – une goutte d’eau au vu des fortunes et profits amassés au pic de l’inflation –, c’est aussi le désengagement de l’État qui est à interroger. Loin de ruisseler, il se défausse… encore.
La conférence sociale salariale, qui se profile à la mi-octobre, ne saurait éluder ces questions structurelles.