Au cours de l'année passée et en ce début d'année, un certain nombre de décisions intéressant les institutions représentatives du personnel ont été rendues. Nous vous les présentons dans cet article.
Article extrait de Décodage n°38 | Janvier 2025
Élections professionnelles
L'employeur qui invite les organisations syndicales à négocier le protocole d'accord préélectoral (PAP) doit désormais respecter un certain formalisme
Rappel du formalisme pour l'invitation à négocier le PAP Lorsque l'employeur organise les élections professionnelles, il doit inviter les organisations syndicales à négocier le PAP (article L. 2314-5 du Code du travail). Plus précisément, il s'agit des :
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Depuis le 8 juin 2024, est en vigueur un nouvel article D. 2314-1-1 du Code du travail qui institue que l'invitation à négocier doit comporter un certain nombre d'éléments. L'invitation doit préciser :
- Le nom de l'employeur ;
- L'adresse de l'employeur ;
- L'intitulé et l'identifiant de la Convention collective applicable ;
- Le lieu, la date et l'heure de la première réunion de négociation du PAP.
Cette nouveauté émane d'une demande des organisations syndicales afin de clarifier le processus d'invitation.
Sous quelles conditions un syndicat, ses candidats et ses élus peuvent-ils contester le PAP ?
Rappel sur les modalités de contestation d'un PAP Les dispositions du PAP s'imposent à ses signataires. La partie qui a signé un accord électoral n'est pas recevable à en contester l'application (Cass. soc., 10 juin 1997, n° 96-60.118). Un syndicat non-signataire de l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré, et garde donc le droit de le contester même s'il présente des candidats aux élections, à condition de formuler ses réserves sur cet accord lors du dépôt de sa liste de candidats (Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-60.222). |
Un syndicat ayant signé sans réserve un PAP et un syndicat non-signataire mais ayant présenté des candidats sans émettre de réserves ne peuvent pas le contester, quand bien même ils invoquent le non-respect du principe général du droit électoral de l'exercice personnel du droit de vote (Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 23-15.822).
Par suite, les candidats et élus présentés par ces syndicats sur leurs listes, ne peuvent pas, après proclamation des résultats, contester la validation du PAP et demander l'annulation des élections, quand bien même ils invoquent une méconnaissance par le PAP de règles d'ordre public (Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 23-15.822).
Ainsi, quel que soit le motif de contestation, un syndicat qui souhaite contester judiciairement un PAP :
- ne doit pas être signataire du protocole ;
- s'il est signataire ou qu'il a présenté des candidats, il doit avoir préalablement émis des réserves expresses sur ce protocole au plus tard lors du dépôt de ses listes de candidats (en pratique, ces réserves peuvent être mentionnées sur la liste de candidats).
Pour pouvoir contester un PAP, un candidat ou un élu doit avoir été présenté sur la liste d'un syndicat signataire ayant émis des réserves ou sur la liste d'un syndicat non-signataire ayant émis des réserves au plus tard lors du dépôt de sa liste de candidats.
Quelles règles doit respecter un syndicat lorsqu'il établit sa liste de candidats, au regard de la représentation équilibrée Femmes-Hommes ?
Rappel sur les règles de proportionnalité Les organisations syndicales représentatives sont tenues d'établir des listes de candidats dont la composition est proportionnée au nombre de femmes et d'hommes de chaque collège électoral (article L. 2314-30 du Code du travail). Le non-respect de ces règles par un syndicat peut entraîner l'annulation de l'élection des élus surreprésentés sur sa liste au regard de la part de femmes et d'hommes dans le collège considéré (article L. 2314-32 du Code du travail). Le siège du membre du CSE dont le mandat a été annulé pour non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes reste vacant et il ne peut pas être remplacé en utilisant les règles de suppléance (Cass. soc. 22 septembre 2021, n° 20-16.859). La mise en œuvre de cette sanction est stricte. |
Le juge ne peut pas attribuer un siège vacant à la suite de l'annulation de l'élection d'un salarié pour non-respect des règles de représentation équilibrée Femmes-Hommes, en utilisant les dispositions R. 2314-19 à R. 2314-21 du Code du travail (Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 23-60.107). Ces articles définissent les modalités d'attribution des sièges et peuvent permettre au juge de rectifier l'attribution erronée des sièges à l'issue d'un scrutin.
Rappel sur l'incidence de la représentation équilibrée Femmes-Hommes sur le second tour Les dispositions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes s’appliquent aux organisations syndicales lorsqu'elles constituent leurs listes de candidats au premier tour et au second tour des élections professionnelles. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-60.222 ; Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-17.227). |
Lorsqu'un candidat se présente au premier tour sur une liste syndicale ne respectant pas les règles de proportionnalité, mais se présente au second tour en candidat libre après que le quorum n'a pas été atteint, et est élu, son élection ne peut pas être annulée pour non-respect de la représentation équilibrée Femmes-Hommes (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-17.506). Les candidatures libres du second tour n'ont pas à respecter la représentation équilibrée femmes-hommes.
Le non-respect de la représentation équilibrée Femmes-Hommes ne peut pas non plus annuler les élections professionnelles dans leur ensemble (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-17.506).
Par ailleurs, l'annulation au titre du non-respect par la liste de candidats des règles de proportionnalité de l'élection, de l'unique candidat d'un syndicat n'a pas d'influence sur la condition d'audience électorale pour l'acquisition de la qualité de syndicat représentatif (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-17.506).
Dès lors, un syndicat ayant été sanctionné pour non-respect des règles de représentation équilibrée Femmes-Hommes conserve le score électoral acquis, quand bien même il n'a plus d'élus issus de sa liste du 1er tour. Il peut alors revendiquer sa représentativité s'il a recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections quel que soit le nombre de votants et s'il satisfait aux critères de représentativité prévus dans le Code du travail (article L. 2122-1 du Code du travail).
Rappel sur la règle d'alternance Les listes doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes (Article L. 2314-30 du Code du travail). Autrement dit, avec la règle d'alternance, sur les listes de candidats les candidatures de chaque sexe doivent être inscrites l'une après l'autre jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. |
La règle d'alternance n'impose pas de position ou d'ordre pour l'alternance et un PAP ne peut donc pas en déterminer non plus (Cass. soc., 8 janvier 2025, n° 24-11.781). Autrement dit, un PAP ne peut pas imposer qu'il y ait obligatoirement un homme ou une femme en première position sur les listes de candidats.
Quelles sont les conséquences lorsque sont constatées des irrégularités lors du scrutin ?
Les élections professionnelles doivent se conformer aux principes généraux du droit électoral, pour l'essentiel, inscrits dans le Code électoral. Toute violation de ces principes lors de l'organisation ou du déroulement du scrutin peut entraîner l'annulation des élections.
Cependant, la simple existence d'une irrégularité ne suffit pas à justifier cette annulation. Il est nécessaire de prouver une atteinte aux principes généraux du droit électoral ou de démontrer que l'irrégularité a influencé le résultat des élections (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-14.585).
Par exemple, une irrégularité telle qu'un nombre de bulletins de vote supérieur au nombre de votants, si elle n'a pas de répercussion sur le résultat du scrutin, ne justifie pas l'annulation des élections (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-14.585).
Les élections professionnelles par vote électronique doivent également respecter les principes généraux du droit électoral, sous peine d'annulation.
Ainsi, une faille du système de vote électronique empêchant certains salariés d'accéder à la plateforme de vote, porte atteinte à la sincérité et au secret du vote, qui sont des principes généraux du droit électoral (Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 23-16.209). Et ce, malgré les mesures prises par l'employeur pour garantir la confidentialité des votes et des données transmises. Par conséquent, une telle irrégularité justifie l'annulation des élections.
Les prérogatives du Comité Social et Économique (CSE)
L'obligation d'information et consultation du CSE pour l'employeur
Que peut faire un CSE s'estimant insuffisamment informé en vue d'une consultation ? Le fait pour un employeur de ne pas remplir les obligations qui sont les siennes en matière de transmission d'informations au CSE est bien souvent constitutif d'un délit d'entrave de la part de ce dernier. Le délit d'entrave est défini comme l'inobservation des prescriptions légales ou règlementaires relatives au CSE dirigée soit contre le comité lui-même, soit contre un ou plusieurs de ses membres. Le CSE s'estimant insuffisamment informé peut :
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Le droit à l'information des élus dans les entreprises où les salariés interviennent chez des entreprises clientes
L'arrêt du 27 novembre 2024 (Cass. Soc., 27 novembre 2024, n° 22-22.145) évoque une affaire dans laquelle un CSE d'établissement d'une UES rassemblant plusieurs sociétés, a saisi le président du tribunal judiciaire en vue de se faire communiquer un document. L'activité de la société consistait à faire intervenir ses salariés chez des clients pour la réalisation de diverses prestations. Ce qui signifie qu'aucun salarié quasiment, ne travaillait sur site.
Le CSE saisit donc le tribunal judiciaire afin de se faire communiquer la liste nominative des salariés et les sites auxquels ils sont affectés afin de pouvoir les contacter.
Pour la cour d'appel, la demande du CSE d'établissement est fondée.
La Cour de cassation va pourtant casser l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles. Elle se fonde sur :
- L'article 835 du Code de procédure civile ouvrant la possibilité pour le président du tribunal judiciaire de prescrire en référé des mesures s'imposant pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent.
- L'article L. 2315-14 du Code du travail dispose que pour l'exercice de leurs fonctions, les membres du CSE ont la possibilité de se déplacer librement à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise, durant leurs heures de délégation.
Pour la Cour de cassation, il n'est pas possible de faire droit à la demande du CSE d'établissement en raison de la nécessité de caractériser un trouble manifestement illicite pour pouvoir ordonner la communication de la liste nominative des salariés.
Dans cette affaire, l'absence de trouble manifestement illicite résulte du fait qu'il n'est pas établi que les membres du CSE étaient dans l'impossibilité de prendre tout contact nécessaire à l'accomplissement de leur mission auprès des salariés à leur poste de travail dans une entreprise tierce.
La Cour relève également que les membres du CSE disposaient de la liste des sites d'intervention des salariés rattachés au périmètre du comité ainsi que le nombre de salariés présents sur ces sites. De plus, les membres du CSE pouvaient prendre contact avec ces derniers par le biais de la messagerie professionnelle. Ce à quoi la Cour ajoute que les membres du CSE en vertu de leur liberté de circulation à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise, auraient pu se déplacer directement auprès des entreprises tierces.
Il semble opportun de préciser que cette solution ne vaut que si l'entreprise cliente ne refuse pas aux représentants du personnel d'accéder aux locaux (Cass. Soc., 30 janvier 1991, n° 89-17.333). L'employeur doit justifier ce refus et permettre aux salariés détachés de revenir dans l'entreprise temporairement pour s'entretenir librement avec les représentants du personnel (CA Versailles, 14 décembre 2006, n° 05/5775).
La nécessité de consulter le CSE
L'arrêt du 27 novembre 2024 (Cass. Soc., 27 novembre 2024, n° 23-13.806) traite du cas d'un CSE unique au sein d'une UES, ayant fait assigner les différentes associations et sociétés de l'UES devant le président du tribunal judiciaire. Cette assignation trouve comme fondement le non-respect par l'employeur de ses obligations d'information et de consultation du CSE concernant deux projets de réorganisation de service.
Le CSE a donc saisi le président aux fins d'obtenir la suspension de ces deux projets et recommencer les processus d'information-consultation, et en lui transmettant la totalité des documents et informations se rapportant aux deux projets.
Étant rappelé que sur le fondement de l'article 835 du Code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner à l'employeur de procéder à la consultation du CSE ayant été omise. L'employeur devra donc convoquer le CSE dans un certain délai, généralement sous astreinte, en lui communiquant les informations requises et le cas échéant, en ordonnant la suspension de la mesure en cause ou lui faire interdiction de la mettre en œuvre tant que le CSE n'a pas été consulté.
La cour d'appel a néanmoins débouté le CSE de ses demandes. Elle a considéré qu'il n'était pas nécessaire de consulter le CSE au motif que la consultation préalable du CSE ne s'impose que lorsque les mesures envisagées sont importantes et ne revêtent pas un caractère ponctuel ou individuel. Cela suppose donc qu'il faudrait rechercher quelle est l'importance de la décision de l'employeur au regard de l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et si la mesure entraîne ou non des conséquences sur le volume ou la structure des effectifs au niveau de l'entreprise.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le CSE en se fondant sur :
- L'article 835 du Code de procédure civile (voir supra).
- L'article L. 2312-8 du Code du travail interprété au regard de l'article 4 de la directive n° 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne. L'article L. 2312-8 du Code du travail évoque l'information et la consultation du CSE sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ainsi que sur les conséquences environnementales de telles mesures. L'article 4 de la directive du 11 mars 2002 aborde, quant à lui, les modalités de l'information et de la consultation.
Selon la Cour de cassation, l'absence de consultation du CSE lorsqu'elle est légalement obligatoire, est constitutive d'un trouble manifestement illicite. Or, la Cour vient préciser que la consultation du CSE n'est pas requise dans le cadre d'une réorganisation où ne sont en cause que des mesures ponctuelles ou individuelles sans incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, ni de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs au niveau de l'entreprise selon les termes de l’article L. 2312-8 du Code du travail.
Expertise
Le recours à l'expertise L'expertise du CSE ne peut être demandée que dans des cas précis. Dans le cadre des consultations récurrentes, le CSE peut choisir de recourir à une expertise. En tout état de cause, le CSE n'a pas besoin de l'accord de l'employeur pour recourir à une expertise lors d'une consultation récurrente. Le CSE peut également avoir recours à un expert dans le cadre de consultations ponctuelles. Au même titre qu'un expert habilité peut être désigné lorsque :
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Comment un CSE peut-il caractériser l'existence d'un risque grave justifiant le recours à un expert habilité ?
Dans cette affaire, un CSE décide, par délibération, de recourir à une expertise pour risque grave (Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-15.154). L'employeur a saisi le juge judiciaire afin d'annuler cette délibération.
Au cours de l'instance, le CSE a produit de nombreuses attestations anonymisées démontrant une altération des conditions de travail de certains salariés s'illustrant, notamment, par une surcharge de travail. Le CSE avait également transmis au seul tribunal les éléments de nature à identifier les témoins et les relier à leur attestation.
La Cour de cassation considère que lors d'un procès, le CSE peut caractériser l'existence d'un risque grave justifiant le recours à un expert habilité avec des témoignages anonymisés.
Il faut que ces témoignages soient :
- anonymisés afin de protéger les salariés ayant témoigné, d'éventuelles représailles ;
- étayés par d'autres éléments de preuve.
Exemple de recours à l'expertise concernant la situation économique et financière de l'entreprise
L'arrêt du 8 janvier 2025 (Cass. Soc., 8 janvier 2025, n° 23-19.403) porte sur la contestation de la lettre de mission d'un expert. Dans les faits, une UES est mise en place par accord collectif en 2018, composée de sept sociétés. Elle est dotée d'un CSE central et de sept comités sociaux et économiques d'établissement au niveau de chacune des sociétés la composant.
Une information-consultation a eu lieu au sujet de la politique sociale et les conditions de travail et l'emploi, la situation économique et financière de l'entreprise ainsi que les orientations stratégiques. Une élue du CSE central a demandé la désignation d'un expert-comptable. L’expert demandait la communication d’éléments datant de 5 ans.
À cet effet, des sociétés composant une UES ainsi que la présidente du CSE central de l'UES ont assigné le CSE central devant le président du tribunal judiciaire. Les sociétés composant l'UES ainsi que la présidente du CSE central ont assigné le CSE central en raison de deux contestations :
- La première portait sur la lettre de mission de l'expert en son étendue, sa durée et son coût prévisionnel.
- La deuxième portait sur la liste de documents que l'expert sollicitait à savoir des informations portant une période antérieure de trois à cinq ans à la consultation du comité central.
Le président du tribunal judiciaire a débouté les sociétés composant l'UES ainsi que la présidente du CSE central de leur demande, au motif que les axes d'analyse de l'expert étaient en rapport avec la situation économique et financière de l'entreprise. Il était question de la soutenabilité de la rémunération actuelle et passée des salariés et la rentabilité des marges de manœuvre de négociation pour les salariés, liés à l'analyse de la charge représentée par la masse salariale.
Les sociétés composant l'UES et la présidente du CSE central contestaient également l'exigence de la communication d'un plan de formation n'existant pas au jour où l'expert l'a demandé. La cour d'appel a rejeté la contestation au motif que ce document était nécessaire puisqu'il présentait un lien avec les orientations stratégiques de l'entreprise.
La Cour casse l'arrêt rendu par le président du tribunal judiciaire de Paris. Elle se fonde sur :
- L'article L. 2312-18 du Code du travail précise que la BDESE rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du CSE.
- L'article L. 2312-25 du Code du travail concerne la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise.
- L'article L. 2312-36 du Code du travail indique qu'en l'absence d'accord, une BDESE mise régulièrement mise à jour rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du CSE. Cet article fixe, à défaut d'accord, les informations contenues dans cette BDESE.
- L'article R. 2312-10 du Code du travail dispose qu'en l'absence d'accord, les informations présentées dans la BDESE portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et sur les trois années à venir telles qu'elles peuvent être envisagées.
- L'article L. 2315-87 du Code du travail prévoyant la possibilité pour le CSE de recourir à un expert-comptable pour les consultations sur les orientations stratégiques de l'entreprise.
- L'article L. 2315-87-1 du Code du travail définissant les éléments de la mission de l'expert. Ces derniers étant économiques, financiers, sociaux ou environnementaux en lien avec les orientations stratégiques de l'entreprise.
- L'article L. 2315-88 du Code du travail prévoit la possibilité de recours à un expert-comptable pour le CSE en vue d'une consultation sur la situation financière et économique de l'entreprise.
- L'article L. 2315-89 du Code du travail dispose à nouveau que la mission de l'expert pour sur tous les éléments d'ordre économique, financier, social ou environnemental lié à la situation de l'entreprise.
Selon la Cour de cassation, la BDESE rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du CSE. En principe un accord collectif vient définir "l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de fonctionnement" de la BDESE (art. L. 2312-21 du Code du travail).
Néanmoins, à défaut d'accord, les informations contenues dans la BDESE "portent sur les deux années précédentes et l'année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes". Cela permet à la Cour d'affirmer que l'expertise ne peut porter que sur l'année faisant l'objet de la consultation et les deux années précédentes ainsi que sur les éléments d'information relatifs à ces années.
À cela s’ajoute que le CSE qui décide de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise doit nécessairement caractériser en quoi les axes d'analyse de l'expertise constituent des "éléments nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise".
Enfin, la Cour de cassation rappelle que l'expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n'existant pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire pour l'entreprise. En ce sens, le tribunal aurait dû vérifier si l'établissement d'un tel document était obligatoire ou à défaut, s'il existait.
Représentants de proximité
Quelles règles doivent respecter les modalités de désignation des représentants de proximité ?
Rappel des règles de mise en place des représentants de proximité Pour pouvoir mettre en place des représentants de proximité, il faut que l'accord d'entreprise qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts le prévoie (Article L. 2313-7 du Code du travail). Cet accord définit :
Les représentants de proximité sont membres du CSE ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. |
Les modalités de désignation prévues dans l'accord mettant en place les représentants de proximité doivent être strictement respectées par les parties intéressées et il peut être prévu que les représentants de proximité sont désignés par le CSE sur des listes de candidats présentées par des syndicats représentatifs.
Un délégué syndical ne peut présenter de listes de candidats au nom de son syndicat que s'il a été expressément mandaté par ce dernier (Cass. soc., 27 novembre 2024, n° 23-18.687). Dans cette affaire, deux listes avaient été soumises : l'une par un syndicat représentatif et l'autre par son délégué syndical, qui n'était pas habilité. Dans ce cas, le délégué syndical doit avoir reçu un mandat exprès pour pouvoir déposer une liste au nom de son syndicat.
Salariés protégés
Qu'implique le licenciement pour motif économique de salariés protégés ?
Lorsqu'un employeur envisage de procéder au licenciement d'un représentant du personnel, il doit préalablement demander une autorisation à l'inspecteur du travail en raison de la protection attachée à son mandat (Articles L. 2411-1 et suivants du Code du travail). La procédure d'autorisation diffère selon le type de mandat (Articles R. 2421-1 et suivants du Code du travail). Plus précisément, lorsque l'inspecteur du travail instruit une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé, il doit contrôler un certain nombre d'éléments tels que la réalité du motif économique ou les efforts de reclassement. |
Contrôle du reclassement du salarié protégé
Concernant le contrôle des efforts de reclassement, l'inspecteur du travail doit s'assurer que les offres proposées par l'employeur sont précises et incluent toutes les mentions requises (CE, 4e-1re ch., 2 décembre 2024, n° 488033). Il s'agit des mentions suivantes (Article D. 1233-2-1 du Code du travail) :
- L'intitulé du poste et son descriptif ;
- Le nom de l'employeur ;
- La nature du contrat de travail ;
- La localisation du poste ;
- Le niveau de rémunération ;
- La classification du poste.
L'inspecteur doit également vérifier que ces mentions sont aisément accessibles.
Rappel concernant l'obligation de reclassement Avant de procéder au licenciement pour motif économique d'un salarié, l'employeur doit avoir (Article L. 1233-4 du Code du travail) :
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Contrôle de la réalité du motif économique du licenciement d'un salarié protégé employé dans une entreprise appartenant à un groupe
Rappel sur le périmètre d'appréciation du motif économique Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude (Article L. 1233-3 du Code du travail). |
En cas de demande de licenciement économique d'un salarié protégé dans une entreprise d'un groupe, l'inspecteur du travail doit rechercher si la situation du secteur d'activité commun à l'entreprise et aux autres sociétés du groupe établies en France justifie ce licenciement (CE, 4e-1 ère ch., 8 novembre 2024, n° 469696).
Il tient alors compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.
Par conséquent, la spécialisation de l'entreprise qui appartient à un groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu constituant le périmètre pertinent au sein duquel apprécier la réalité du motif économique de la rupture de la relation de travail en cause.
Contrôle de la faute de l'employeur
Lorsque l'employeur invoque, à l'appui d'un projet de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé, les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise, l'inspecteur du travail n'a pas à rechercher si ces difficultés sont dues à une faute de l'employeur.
Toutefois, le salarié protégé a toujours la possibilité d'engager la responsabilité de l'employeur devant les juridictions judiciaires afin de demander la réparation des préjudices que lui aurait causés une telle faute (CE, 4e-1 ère ch., 2 décembre 2024, n° 473678).
Sous quelles conditions l'employeur peut-il modifier le contrat de travail ou changer les conditions de travail d'un salarié protégé ?
Un employeur ne peut pas imposer la modification du contrat de travail ou le changement des conditions de travail d'un salarié protégé (Cass. soc., 10 juillet 2019, n° 18-14.762). Il doit pour cela obtenir son accord. |
Envoyer un salarié protégé en grand déplacement pour une durée de six semaines ne s'analyse pas nécessairement en un changement de ses conditions de travail (Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 23-14.627). Le salarié doit démontrer en quoi un tel déplacement temporaire et exceptionnel (même s'il s'effectuait en dehors de son secteur d'activité) aurait entravé son mandat de représentant du personnel ou porté une atteinte excessive. À défaut, l'employeur n'avait donc pas à recueillir son accord.
De même, la mise à pied disciplinaire du salarié protégé n'est pas subordonnée à l'accord du salarié (Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-13.332). Une telle sanction n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel et n'entraîne ni une modification de son contrat de travail, ni un changement de ses conditions de travail.
Comment l'employeur peut-il démontrer qu'il a respecté son obligation d'adaptation lorsqu'il invoque l'insuffisance professionnelle d'un salarié protégé ?
Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour insuffisance professionnelle d'un salarié protégé, l'inspecteur du travail doit s'assurer que (CE, 4e-1 ère ch., 2 décembre 2024, n° 487954) :
- L'employeur a pris les mesures propres à satisfaire à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail ;
- Qu'il a envisagé, le cas échéant, de lui confier d'autres tâches susceptibles d'être mieux adaptées à ses capacités professionnelles.
À quel moment l'employeur doit-il obtenir l'autorisation de l'inspection du travail pour licencier un conseiller du salarié dans le cadre d'une procédure de licenciement conventionnelle ?
Le conseiller du salarié bénéficie de la protection contre le licenciement, qui ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (Articles L. 1232-14, L. 2411-1, 16° et L. 2411-21 du Code du travail). Pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance (Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-12.982). |
Un employeur, informé de l'existence d'un mandat extérieur du salarié au plus tard lors du dernier entretien préalable au licenciement, requis par la procédure conventionnelle applicable, doit saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation administrative de licenciement (Cass. soc., 27 novembre 2024, n° 22-21.693).
Dès lors que le licenciement du salarié est intervenu sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail alors que l'employeur avait été informé de son mandat de conseiller du salarié préalablement à l'entretien préalable, le licenciement constitue un trouble manifestement illicite.