Hausse du coût des ruptures conventionnelles : quel effet sur le taux d'emploi des séniors ?

La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a fait l'objet d'une forte contestation car elle est, notamment, considérée comme portant une réforme des retraites injuste. Toutefois, cette loi ne comporte pas seulement des mesures relatives à la réforme des retraites : elle modifie également les cotisations sociales sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.

 

Article extrait de Décodage n°26 | Juin 2023


 

Des ruptures conventionnelles en hausse et qui touchent les salariés les plus âgés

La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de déterminer en commun les conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie.

Depuis plusieurs années, le nombre de ruptures conventionnelles est croissant comme le montre le graphique ci-dessous. Leur nombre s'élève à 502 000 en 2022, après un tassement en 2020 du fait de la crise sanitaire et des mesures qui l'ont accompagnée.

Évolution du nombre annuel de ruptures conventionnelles

Source : Dares, 2023

 

De plus, l'on constate que le nombre de ruptures conventionnelles connait un sursaut aux alentours de 59 ans, certes moins important dans les dernières années qu'au moment de la mise en place du dispositif, mais néanmoins très clair comme le montre le graphique ci-dessous.  

 

Source : Dares, 2022

 

À l'origine de ce phénomène, on peut trouver plusieurs raisons :

  • des salariés séniors lassés de leur travail et des conditions dans lesquelles il s'exerce, qui jusqu'à récemment pouvaient bénéficier de leurs droits au chômage pendant 36 mois à compter de 55 ans, durée ramenée à 27 mois depuis le 1er février 2023, qui s'ajoutent à l'indemnité de rupture conventionnelle, soit au minimum l'indemnité légale de licenciement.
  • mais aussi des entreprises qui d'une part, estiment que les séniors sont moins productifs, moins adaptables et coûtent trop cher, et d'autre part cherchent à bénéficier de conditions de rupture plus avantageuses que le départ en retraite sur le plan des contributions sociales.

Vers une harmonisation du coût des ruptures conventionnelles et des départs en retraite

Fort de ce constat, afin de faire baisser le nombre de ruptures conventionnelles des salariés dont l'âge est proche de l'âge légal de départ à la retraite et d'augmenter le taux d'emploi des séniors, le gouvernement a décidé d'aligner le régime social de la rupture conventionnelle avec celui de la mise à la retraite. Ainsi la rupture conventionnelle sera plus coûteuse pour l'employeur, elle ne sera pas plus avantageuse que la mise à la retraite et cela évitera que les salariés ne soient au chômage avant de liquider leur retraite.

En effet, les indemnités versées à l'occasion de la rupture conventionnelle et de la mise à la retraite ne suivaient pas jusqu'à présent le même régime social :

  • L'indemnité de mise à la retraite était jusqu'alors soumise à la contribution patronale spécifique au taux de 50 %, qui a pour but de financer la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
  • L'indemnité de rupture conventionnelle était soumise au forfait social au taux de 20 % sur la partie exonérée de cotisations sociales, ceci seulement lorsque le salarié n'avait pas l'âge légal de départ à la retraite. Si le salarié pouvait bénéficier d’une pension de retraite de base, alors l'indemnité de rupture conventionnelle n'était pas soumise au forfait social mais aux cotisations sociales dans leur intégralité, ainsi qu'à la CSG et la CRDS.

À compter du 1er septembre 2023, la contribution patronale spécifique sera fixée à 30 % et seule la part de l'indemnité de mise à la retraite exonérée de cotisations sociales sera soumise à cette contribution (et non plus le montant total de l'indemnité).

De plus, l'indemnité de rupture conventionnelle ne sera plus soumise au forfait social. En revanche, sa part exonérée de cotisations sociales sera soumise à la contribution patronale spécifique de 30 %. Cette mesure s'appliquera à tous les salariés, quel que soit leur âge (la différenciation de régime selon que le salarié a l'âge légal de départ en retraite ou non n'existera plus).

En clair, les deux modes de rupture seront soumis au même régime social.

Le régime fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle demeure inchangé :

  • Si le salarié n'a pas l'âge légal de départ à la retraite, l'indemnité de rupture conventionnelle est en partie exonérée d’impôt sur le revenu selon le montant le plus avantageux entre :
    • L'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi,
    • 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite maximale de 6 fois le montant du PASS (soit 263 952 € en 2023),
    • La moitié de l'indemnité versée si ce montant est supérieur au double de la rémunération annuelle, dans la limite maximale de 6 fois le montant du PASS (soit 263 952 € en 2023).
  • Lorsque le salarié a atteint l'âge légal de départ à la retraite, l’indemnité de rupture conventionnelle est imposable.

Cela résoudra-t-il le problème du taux d'emploi des salariés séniors ?

On peut s'interroger sur l'efficacité de cette mesure.

Un grand nombre de syndicats et de commentateurs soulignent le fait que cette mesure ne sera pas assez dissuasive. Elle n'empêchera pas les employeurs d'entreprises de taille intermédiaire ou de grandes entreprises de rompre le contrat de travail de leurs salariés séniors.

En effet, le forfait social en cas de rupture conventionnelle s'applique jusqu'à deux fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 87 984 €, donc le passage d'un forfait social de 20 % à une contribution de 30 %, soit 10 points supplémentaires, représente un montant maximum de 4 399 € pour l'employeur, ce qui n'est pas réellement dissuasif.

En revanche, ces nouvelles dispositions risquent de pénaliser tous les salariés qui souhaitent rompre leur contrat de travail par rupture conventionnelle, quel que soit leur âge.


Pour résumer : régime social de l'indemnité de rupture conventionnelle

 

JUSQU'AU 31 AOUT 2023

À COMPTER DU
1ER SEPTEMBRE 2023

COTISATIONS SOCIALES (RÉGIME SOCIAL)

Salarié qui n'a pas l'âge légal de départ à la retraite :

  • Indemnité exonérée de cotisations sociales pour
    sa part non imposable,
    dans la limite de 2 PASS
    (soit 87984 € en 2023),
    si son montant est inférieur
    à 10 PASS (soit 439920 €
    en 2023)
  • Si le montant de l'indemnité dépasse 10 PASS (soit 439920 € en 2023), indemnité soumise intégralement aux cotisations sociales.

Salarié qui a atteint l'âge légal de départ à la retraite : indemnité soumise intégralement aux cotisations sociales.

Quel que soit l'âge du salarié, l’indemnité de rupture conventionnelle inférieure à 10 PASS sera exonérée de cotisations sociales pour sa part non imposable, dans la limite de 2 PASS (soit 87984 € en 2023).

L'indemnité de rupture conventionnelle dont le montant dépasse 10 fois le PASS (soit
439920 € en 2023) sera toujours intégralement soumise aux cotisations sociales.

FORFAIT SOCIAL / CONTRIBUTION PATRONALE SPÉCIFIQUE (RÉGIME SOCIAL)

Lorsque le salarié n'a pas l'âge légal de départ à la retraite, indemnité soumise au forfait social au taux de 20 % sur la partie exonérée de cotisations sociales.

Lorsque le salarié a atteint l'âge légal de départ à la retraite, l'indemnité de rupture conventionnelle n'est pas soumise au forfait social mais intégralement aux cotisations de Sécurité sociale.

L'indemnité de rupture conventionnelle ne sera plus soumise au forfait social.

Quel que soit l'âge du salarié, l’indemnité sera soumise à la contribution patronale spécifique
au taux de 30 %.

CSG/CRDS (RÉGIME SOCIAL)

Salarié qui n'a pas l'âge légal de départ à la retraite :

  • Indemnité exonérée de CSG et de CRDS dans la limite du montant de l’indemnité de licenciement prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi, si son montant est inférieur à 10 PASS (soit 439 920 € en 2023). La part soumise à CSG et CRDS ne peut être inférieure au montant soumis aux cotisations sociales.
  • Si le montant de l'indemnité dépasse 10 PASS, alors est soumise intégralement à la CSG et à la CRDS.

Salarié qui a atteint l'âge légal de départ à la retraite : indemnité soumise à la CSG et la CRDS.

Quel que soit l'âge du salarié, l’indemnité de rupture conventionnelle inférieure à 10 PASS sera exonérée de CSG et de CRDS, pour la part exonérée de cotisations sociales, dans la limite du montant de l’indemnité de licenciement prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel
ou à défaut par la loi.

L'indemnité de rupture conventionnelle dont le montant dépasse 10 fois le PASS (soit
439920 € en 2023) sera toujours intégralement soumise à la CSG
et à la CRDS.

 

 


QUELQUES RAPPELS

LES COTISATIONS ET CONTRIBUTIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

LA MISE À LA RETRAITE

LA RUPTURE CONVENTIONNELLE

Les cotisations de Sécurité sociale qui financent la retraite du régime général (assurance vieillesse de base) sont à la charge du salarié et de l'employeur.

D'autres cotisations et contributions sociales sont uniquement à la charge de l'employeur comme le forfait social et la contribution patronale spécifique qui a pour but de financer la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

Le montant de ces cotisations et contributions se calcule selon un taux particulier.

L'employeur a la possibilité de mettre à la retraite un salarié ayant atteint 67 ans jusqu'à ses 69 ans (art. L. 1237-5 du Code du travail). Il interroge alors par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse.

 Lorsque le salarié atteint 70 ans, l'employeur peut le mettre d'office à la retraite sans avoir à recueillir son accord.

La mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement mais il peut avoir droit à une indemnité conventionnelle plus favorable (art. L. 1237-7 du Code du travail).

L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie (art. L. 1237-11 du Code du travail). Il s'agit de la rupture conventionnelle individuelle.

À l'issue de la rupture de son contrat de travail, le salarié a le droit à une indemnité spécifique de rupture conventionnelle dont le montant ne peut être inférieur à celui de l'indemnité légale de licenciement.

 

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