La grève : un droit essentiel pour les salariés

Les employeurs et les salariés peuvent entrer en conflit sur toute question se rapportant au régime du travail, à l’emploi ou à la protection sociale. Dans ce cas, les salariés peuvent notamment utiliser la grève.

 

La grève est un instrument d’expression et de défense pour les salariés qui constitue un moyen de pression sur l’employeur car elle engendre des perturbations dans le fonctionnement d’une entreprise ou d’un service. La grève est donc un soutien essentiel au syndicalisme et à la négociation collective afin d’inciter l’employeur à modifier la rémunération et les conditions de travail ou pour qu’il entre en négociation.

Le droit de grève est un droit constitutionnel reconnu à l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946.

Seul un mouvement répondant à la définition juridique de la grève permet aux salariés de bénéficier de son régime protecteur et notamment de l'immunité disciplinaire. Néanmoins, l’employeur a la possibilité de riposter à une grève.

Le Code du travail ne définit pas la grève. La jurisprudence la définit comme consistant en la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles[1].

 

Un salarié souhaitant exercer son droit de grève doit donc :

  • Arrêter de travailler : l’arrêt doit être franc et total, quelle que soit sa durée ;
  • Exercer collectivement ce droit individuel : chaque salarié est libre de se joindre à un mouvement en cours ou de le quitter pour reprendre le travail. Le caractère collectif du mouvement n’implique, en revanche, aucun caractère majoritaire et la participation de deux salariés suffit ;
  • Avoir des revendications professionnelles : des revendications ayant pour but l’amélioration des conditions de travail, le respect des règles en vigueur et la contestation des décisions de l’employeur ou des institutions publiques.

 

Précisions à propos des revendications professionnelles

La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de rappeler que les "grèves de solidarité" (mouvements visant à protester contre des mesures disciplinaires frappant un collègue) ne correspondent pas à la définition juridique de grève car elles ne comportent pas de revendications professionnelles[2].

Dans cette affaire, les collègues d’un salarié licencié pour faute grave ont indiqué par lettre à leur employeur qu’ils contestaient ce licenciement et cessaient le travail, sollicitant la réintégration de leur collègue. Pour la Cour de cassation, l’arrêt de travail de ces salariés ne constitue pas l’exercice du droit de grève. En effet, dans leur lettre, ils se contentent de contester point par point les fautes imputées au salarié et la décision de l'employeur de le licencier. La cessation du travail n'est donc pas fondée sur une revendication professionnelle.

Selon la jurisprudence, les "grèves de solidarité" et les "grèves politiques" (protestation contre la politique du Gouvernement) ne constituent pas des grèves licites, car elles n'ont pour objet ni un intérêt collectif professionnel, ni la modification ou l'amélioration des conditions de travail. Toutefois, ces grèves sont licites si elles s'accompagnent de revendications professionnelles qui intéressent l'ensemble du personnel.

Cas particulier de la grève dans le secteur public

En matière de grève, il existe des règles spécifiques au secteur public. Elles sont fondées sur la conciliation entre le droit de grève et le principe de continuité du service public. La grève dans les services publics peut porter préjudice aux usagers, donc le législateur a soumis la grève à des conditions plus restrictives, dans ses conditions d’exercices et dans ses effets. Ainsi, le Code du travail établit un régime particulier d’exercice du droit de grève dans les entreprises en charge d’une mission de service public[3].

Il est à noter que la jurisprudence a précisé que les dispositions relatives à l'exercice du droit de grève dans le service public ne s'appliquent au sein d'une entreprise privée gérant un service public qu'au seul personnel affecté à cette activité de service public.

 

Une des spécificités de la grève dans le secteur public est le préavis de grève. Lorsque le personnel affecté à un service public exerce son droit de grève, l’arrêt de travail doit être précédé d’un préavis déposé par un syndicat représentatif[4].

La Cour de cassation a rendu récemment un arrêt important concernant l’exercice du droit de grève au sein des services publics[5]. Dans cette affaire, un syndicat a déposé un préavis de grève courant du 22 avril 2015 au 31 décembre 2015. Le 8 juin 2015, seul un salarié cessait le travail dans le cadre de cette grève (les autres grévistes ayant repris le travail). L’employeur l’a alors mis en demeure de reprendre le travail, ce que le salarié n’a pas fait. L’employeur l’a alors licencié pour faute grave justifiée par un abandon de poste au motif que le retour au travail des autres salariés grévistes signifie la fin de la grève. La Cour de cassation rappelle que la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentatif. Ce préavis doit mentionner l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail. Les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis. Il en résulte que l'employeur ne peut, durant la période définie dans le préavis, déduire du fait que l’ensemble des salariés grévistes (à l’exception d’un) soient retournés travailler que la grève est terminée. La décision de mettre fin à une grève ne peut être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève. Par conséquent, un salarié qui cesse le travail pour appuyer des revendications professionnelles, pendant la pendant la période de grève définie dans le préavis, exerce son droit de grève, tant que le préavis de grève n’a pas été levé par le syndicat représentatif l’ayant déposé et peu important qu’il soit seul à s’être déclaré gréviste.

La protection apportée par le droit de grève

L’exercice régulier du droit de grève apporte une protection aux salariés grévistes. La grève ne met pas fin au contrat de travail, il n’est que suspendu et son exécution reprend dès la fin du mouvement.

Le Code du travail précise que toute sanction disciplinaire ou tout licenciement prononcé·e à l’encontre d’un salarié exerçant normalement son droit de grève est automatiquement considéré comme injustifié et comme ne s’appliquant pas au salarié concerné[6]. Par ailleurs, il est interdit à l’employeur de prendre des mesures discriminatoires à l’encontre d’un salarié gréviste[7].

Néanmoins, l’employeur est en droit de sanctionner un salarié gréviste s’il a commis une faute lourde telle que la violence, la séquestration, l’atteinte à la liberté de travail des non-grévistes.

Le contrat de travail étant suspendu pendant la grève, les parties sont dispensées d’exécuter leurs obligations contractuelles principales. Dès lors que le salarié arrête de travailler, l’employeur n’est plus tenu par son obligation de payer le salaire. Dans le secteur privé, la règle est que la retenue de salaire est strictement proportionnelle à la durée de cessation du travail. Pour les salariés des entreprises gérant un service public, il convient d'appliquer le régime des retenues qui s’applique en fonction de la durée de la cessation du travail résultant de la grève[8].

La riposte de l’employeur

Il est interdit à l’employeur de remplacer les salariés grévistes en engageant des salariés en contrat à durée déterminée[9] ou en faisant appel à des travailleurs temporaires[10].

La fermeture de l’entreprise en riposte à une grève est illicite. Toutefois, l’employeur en cas de situation contraignante, lui étant non imputable et qui rend impossible la fourniture de travail aux salariés non-grévistes, a le droit de fermer l’entreprise.

 


[1] Cass. soc., 4 nov. 1992, n° 90-41.899

[2] Cass. soc., 6 avril 2022, n° 20-21.586

[3] art. L. 2512-1 du Code du travail

[4] art. L. 2512-2 du Code du travail

[5] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.402

[6] art. L. 1132-2 du Code du travail

[7] art. L. 2511-1 du Code du travail

[8] art. L. 2512-5 du Code du travail et art. 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982

[9] art. L. 1242-6 du Code du travail

[10] art. L. 1251-10 du Code du travail

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