La loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été adoptée le 17 novembre 2022, mais n'est pas encore promulguée, dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi le 18 novembre 2022 sur plusieurs points.
Elle aborde plusieurs thématiques en rapport avec le travail et l'emploi :
- présomption de démission en cas d'abandon de poste,
- assurance chômage,
- contrats dits "précaires",
- validation des acquis de l’expérience,
- élections professionnelles.
La présomption de démission en cas d'abandon de poste
Les parlementaires ont souhaité étoffer la loi en créant un nouvel article dans le Code du travail qui assimile l'abandon de poste à une présomption de démission[1].
L'abandon de poste n'est pas défini par le Code du travail, mais il s'agit de l'absence répétée et sans autorisation d'un salarié à son poste de travail. Toutefois, certaines situations se distinguent de l'abandon de poste car elles sont considérées comme des motifs d’absence justifiée ou légitime. Cela peut, notamment, concerner l'absence sans autorisation d'un salarié en raison de son état de santé ou encore l'absence dans le cadre de l'exercice du droit de retrait ou du droit de grève.
Selon la jurisprudence[2], l'abandon de poste ne caractérise pas nécessairement une démission.
Dès lors, en l'absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, il appartient à l'employeur qui lui reproche un abandon de poste de le licencier. Par conséquent, les salariés qui effectuent un abandon de poste peuvent être indemnisés au titre de l'assurance chômage.
Les parlementaires estimaient qu'il n'était pas souhaitable qu’un salarié licencié à l’issue d’un abandon de poste dispose d’une situation plus favorable en matière d’assurance chômage qu’un salarié qui démissionne et qui n’est pas indemnisé.
Désormais, le salarié qui abandonne volontairement son poste de travail peut être présumé démissionnaire. Après avoir constaté une absence répétée et non autorisée du salarié, l'employeur doit lui adresser une mise en demeure (par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge). Cette mise en demeure doit demander au salarié de reprendre son poste ou de justifier son absence dans un délai fixé par l’employeur qui ne pourra être inférieur à un minimum déterminé par un décret bientôt publié. Si le salarié ne régularise pas sa situation à l'expiration de ce délai, il sera présumé démissionnaire. Ainsi, l'expiration de ce délai constituera la date à laquelle la démission pourra être considérée comme effective, emportant ainsi la rupture du contrat de travail.
Le salarié qui souhaite contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. Le juge a alors un mois pour rendre sa décision. Selon les parlementaires, le recours devant la juridiction prud'homale apporte des garanties au salarié concerné afin de prévenir les abus. Ils ajoutent néanmoins qu'ils sont conscients que le délai de jugement d'un mois sera certainement difficile à respecter pour de nombreuses juridictions.
On peut s'interroger sur les motivations et les conséquences de l'introduction d'une telle mesure dans le Code du travail.
En effet, tout d'abord, il n'existe aucune statistique sur les abandons de postes et leur coût pour l'assurance chômage.
Par ailleurs, dans la pratique, un employeur a déjà des moyens de gérer un abandon de poste. Il peut mettre en demeure le salarié de reprendre le travail et lui demander de justifier son absence dans un certain délai. Si le salarié ne reprend pas le travail et ne justifie pas son absence, l'employeur a la possibilité d'enclencher une procédure de licenciement pour faute. Étant donné que le salarié ne travaille pas, l'employeur n'a pas à lui verser de salaire. Les entreprises recourent fréquemment dans un tel cas de figure à un licenciement pour faute grave[3], ce qui a pour effet de priver le salarié d'indemnité de licenciement[4]. Par conséquent, si l'employeur réagit rapidement, le licenciement permet de mettre fin à une situation instable et source de désorganisation pour l'entreprise.
De plus, l'abandon de poste n'est pas dénué de risque pour un salarié car l'employeur n'a pas d'obligation de le licencier rapidement, ils courent donc le risque de subir une perte de revenus pendant de longs mois.
Les salariés en arrivent souvent à abandonner leur poste car l'entreprise a refusé leur demande de rupture conventionnelle, alors que ce dispositif a été créé en 2008 par la loi de modernisation du marché du travail – déjà ! –, en partie justement pour remédier à la désorganisation qu'induisaient pour les entreprises les abandons de poste.
Pour en arriver à la solution extrême d'un abandon de poste, il faut que les relations entre le salarié et son employeur soient déjà significativement dégradées et que le salarié soit en grande souffrance, car aucun salarié ne laisse de gaieté de cœur ses collègues, ses clients, ses partenaires dans la difficulté.
Les salariés peuvent aussi abandonner leur poste pour travailler au sein d'une autre entreprise qu'ils doivent intégrer rapidement, car ils n'ont pas réussi à négocier leur préavis, mais dans ce cas, ils ne passent pas par la case assurance chômage.
L'argument selon lequel les salariés qui abandonnent leur poste le font afin d'obtenir l'indemnisation de l'assurance chômage ne tient donc pas dans la grande majorité des cas.
Ainsi, cette loi donne un véritable pouvoir à l'employeur, qui peut désormais décider si un salarié a le droit ou non d'obtenir une indemnisation d'assurance chômage, en contrôlant la qualification de la rupture. S'il décide de licencier le salarié, ce dernier peut bénéficier de l'indemnisation, mais si l'employeur décide d'appliquer la présomption de démission, le salarié ne peut pas obtenir d'indemnisation. Cette situation induit donc une grande inégalité entre les salariés face à l'assurance chômage.
De plus, on peut craindre que les employeurs peu scrupuleux s'engagent à l'avenir de moins en moins dans une rupture conventionnelle, préférant le chantage à l'abandon de poste, via un licenciement pour faute grave, qui leur coûtera moins cher.
On peut également se demander si la présomption de démission ne risque pas d'augmenter le nombre d'arrêts de travail, avec à l'issue des licenciements pour inaptitude.
Les mesures relatives à l'assurance chômage
Un durcissement du cadre de l'indemnisation du chômage
Les parlementaires ont créé de nouvelles dispositions qui visent à priver les salariés d’indemnisation du chômage en cas de refus répétés d'une offre d’emploi en CDI proposée à la suite d'une mission d'intérim ou à l'échéance d'un CDD[5].
En effet, il leur paraissait inacceptable qu'un salarié ayant refusé une offre de CDI à l’issue d’un CDD ou d'une mission d'intérim sur le même poste et avec la même rémunération puisse percevoir des allocations chômage. Ils ont souhaité encourager ces salariés à s'engager dans un emploi stable.
À l'issue de la mission d'intérim ou à l'échéance du terme du CDD, l'employeur ou l'entreprise utilisatrice a la possibilité de proposer au salarié concerné une offre visant à poursuivre la relation contractuelle sous la forme d'un CDI. L'employeur ou l'entreprise notifie cette proposition par écrit au salarié.
Lorsque ce salarié devient demandeur d'emploi, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage peut lui être refusé s'il est constaté qu'au cours des 12 derniers mois précédents, il a refusé à deux reprises une offre d'emploi en CDI. En revanche, s'il s'avère que le salarié a été employé en CDI au cours des 12 derniers mois précédents, il peut bénéficier de l'indemnisation de l'assurance chômage.
Si le salarié était intérimaire, l'entreprise utilisatrice doit lui avoir proposé un CDI pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire et sans changement du lieu de travail. Si le salarié était en CDD, l'employeur doit lui avoir proposé un CDI pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail. En cas de refus du salarié, l’employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.
Néanmoins, le demandeur d'emploi ne peut pas être privé d'indemnisation lorsque la dernière proposition lui ayant été adressée n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), si celui‑ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte. Pour rappel, le PPAE définit la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois que recherche le demandeur d'emploi, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte d'un certain nombre de critères (qualifications, situation personnelle et familiale, situation du marché du travail local, etc.).
Il s'agira d'une double peine pour les salariés en CDD car il existe déjà une mesure qui les prive de la prime de précarité lorsqu'ils refusent d'accepter la conclusion d'un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente[6].
Par ailleurs, le régime d'assurance chômage pallie une perte involontaire d'un emploi. Avec cette loi, l'indemnisation d'assurance chômage devient un moyen de pression à l'égard des salariés en CDD ou intérimaires pour qu'ils travaillent. Ni l'appétence pour l'emploi ni le désir de rechercher de meilleures conditions de travail n'est considéré. En voulant favoriser le retour à l'emploi des salariés précaires, le législateur crée un devoir de travailler. Cette mesure prive ces salariés du droit de choisir leur emploi, le secteur d'activité et les conditions de travail. Il les prive également de rechercher un sens à leur travail.
Une diminution de la durée d'indemnisation
Par ailleurs, les parlementaires ont créé une nouvelle disposition qui prévoit la possibilité de moduler l’indemnisation du chômage (conditions d’éligibilité et durée d’indemnisation) en fonction d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail[7]. Cette mesure a pour objet d'inciter au retour à l’emploi durable en période de croissance de l’emploi et de tension sur le marché du travail.
En conséquence, dès le 21 novembre dernier, le ministre du Travail, du Plein-emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, a présenté aux partenaires sociaux les nouvelles règles qui s’appliqueront à partir du 1er février 2023, de façon transitoire jusqu'au 31 décembre 2023 (décret à venir).
À partir du 1er février 2023, la durée des droits des personnes entrant dans le système d’assurance chômage sera diminuée de 25 %, soit une durée d'indemnisation maximale de :
- 18 mois au lieu de 24 aujourd’hui pour les moins de 53 ans,
- pouvant aller à 27 mois au lieu de 36 pour les plus de 55 ans,
- avec une durée minimale de 6 mois pour les personnes ayant travaillé 6 mois sur une période de référence de vingt-quatre mois.
Si le taux de chômage national dépasse 9 % (calcul INSEE au sens du BIT) ou progresse de 0.8 point sur un trimestre (période rouge), il sera mis en place un "complément de droits" visant à rétablir la durée d’indemnisation initiale (un jour indemnisé pour un jour cotisé).
Par ailleurs, cette modulation devrait être intégrée à la "lettre de cadrage" relative à la négociation des nouvelles règles pour le 1er janvier 2024.
Sous couvert d'aider les entreprises des secteurs en tension à recruter (notion de contracyclicité), cette réforme vise clairement à culpabiliser les chômeurs, et notamment les plus âgés (à l'heure où on parle de repousser l'âge de départ à la retraite), et à les pousser à accepter un travail, quels que soient la qualification, le salaire ou les conditions de travail. Rappelons que, selon Pôle Emploi (étude réalisée fin 2020), les freins dits sociaux au retour à l'emploi toucheraient 30 % des demandeurs d'emploi, qu'il s'agisse du numérique (58 %), de la santé (23 %), de la mobilité (21 %), de la précarité financière (18 %), des contraintes familiales (12 %), de la maitrise des savoirs de base (12 %).
Elle est inéquitable, notamment car elle ne tient compte ni de la localisation géographique des individus – alors que les taux de chômage sont très différents d'un bassin d'emploi à l'autre –, ni du secteur d'activité – à l'exception de l'outremer et des intermittents du spectacle, marins, pêcheurs, dockers et salariés expatriés –, ni du profil du demandeur d'emploi – à l'exception des salariés en contrat de sécurisation professionnelle à la suite d'un licenciement économique –.
L'aménagement du dispositif de "bonus-malus" sur les contributions d'assurance chômage
Le bonus-malus est un dispositif consistant à moduler à la hausse ou à la baisse le taux de contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs, en fonction du nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim donnant lieu à inscription à Pôle emploi de l'ancien salarié ou intérimaire.
L’objectif de ce dispositif est d'inciter les entreprises à allonger la durée des contrats de travail et à éviter un recours excessif aux contrats courts.
Le bonus-malus s’applique aux entreprises de 11 salariés et plus relevant des secteurs d'activités suivants :
- fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;
- transports et entreposage ;
- hébergement et restauration ;
- travail du bois, industries du papier et imprimerie ;
- fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d'autres produits minéraux non métalliques ;
- production et distribution d'eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution ;
- autres activités spécialisées, scientifiques et techniques.
Le législateur a souhaité compléter ce dispositif en permettant aux Urssaf (qui recouvrent les cotisations d'assurance chômage pour le compte du régime d’assurance chômage) de transmettre aux employeurs les données nécessaires à la détermination du nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim donnant lieu à inscription à Pôle emploi de l'ancien salarié ou intérimaire, ainsi que la liste nominative de leurs anciens salariés ou intérimaires inscrits à Pôle emploi.
La détermination par décret des règles d'assurance chômage
Pour rappel, les règles d’indemnisation et de gestion du régime d’assurance chômage sont habituellement déterminées au sein d'une convention d'assurance chômage, conclue entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés, puis elle doit recevoir un agrément du Premier ministre pour pouvoir s'appliquer[8]. En cas d'échec des négociations ou en l'absence d'agrément, les règles d'assurance chômage sont déterminées par décret.
Avec la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, le législateur déroge à la procédure fixée par le Code du travail. Elle autorise le Gouvernement à fixer par décret, pris après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, les règles d’indemnisation et de gestion du régime d’assurance chômage jusqu'au 31 décembre 2023 et à prolonger l'application de la modulation de la contribution patronale d’assurance chômage dit "bonus-malus" jusqu'au 31 août 2024. Il s'agit là d'un coup de canif au paritarisme.
Les mesures relatives aux contrats courts
Expérimentation du contrat court "multi-remplacements"
Les parlementaires ont intégré dans la loi une expérimentation donnant la possibilité aux employeurs de conclure un seul contrat à durée déterminée (CDD) ou un seul contrat de mission afin de remplacer plusieurs salariés. Cette expérimentation déroge aux règles habituelles relatives aux CDD de remplacement, aux contrats de missions de remplacement[9] et à la jurisprudence constante de la Cour de cassation affirmant qu'un CDD ne peut être conclu pour le remplacement de plusieurs salariés[10]. Elle ne sera possible que dans certains secteurs, qui seront définis par décret. En outre, elle ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Sa durée est de 2 ans à compter de la publication du décret susmentionné.
Cette idée d'expérimentation n'est pas nouvelle et avait déjà été mise en place par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel[11]. Cette loi donnait la possibilité pour les entreprises de certains secteurs d'activités, de conclure, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, un seul CDD ou contrat de travail temporaire pour remplacer plusieurs salariés. Ces secteurs étaient au nombre de 11 :
- sanitaire, social et médico-social ;
- propreté et nettoyage ;
- économie sociale et solidaire, pour certaines activités déterminées;
- tourisme en zone de montagne ;
- commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;
- plasturgie ;
- restauration collective ;
- sport et équipements de loisirs ;
- transport routier et activités auxiliaires ;
- industries alimentaires ;
- services à la personne.
Il n'a pas été possible d'analyser les effets de l'expérimentation en raison, d'une part de la publication tardive du décret listant les secteurs d'activités concernés et d'autre part du contexte de crise sanitaire.
Pour autant, les parlementaires ont décidé de renouveler ce dispositif expérimental car ils estiment qu'il est "susceptible de favoriser des durées d'emploi plus longues au bénéfice des salariés en CDD et de limiter le recours au temps partiel. Pour les entreprises, cette mesure est de nature à réduire les coûts de gestion induits par la recherche de salariés à embaucher pour remplacer les salariés absents et par la conclusion de multiples contrats de travail".
Ce dispositif expérimental étant similaire à celui issu de la loi du 5 septembre 2018, il y a de fortes chances pour que les secteurs d'activités concernés, qui seront listés dans un décret à paraître, soient les 11 cités plus haut.
Déplafonnement de la durée des missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire
Les parlementaires ont modifié l'article relatif à la durée totale de la mission du salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire. La durée maximale de la mission d'un salarié en CDI intérimaire n'est désormais plus limitée à 36 mois[12], un CDI intérimaire peut être conclu sans terme.
Les parlementaires "considèrent que l'objectif du CDI intérimaire est de permettre au salarié d'assurer des missions longues au sein de l'entreprise utilisatrice. Le déplafonnement de la durée des missions est donc plus conforme au dispositif. En outre, cette mesure doit permettre de limiter le "turn-over" d'intérimaires au sein de l'entreprise et d'éviter la nécessité pour l'entreprise utilisatrice de former et d'intégrer aux équipes de travail de nouveaux intérimaires. Elle répond en outre aux besoins de main d'œuvre aujourd'hui constatés sur le marché du travail et qui peuvent correspondre à des surcroits temporaires d'activité. Au total, le dispositif proposé contribuera à sécuriser les parcours professionnels des intérimaires et à limiter le recours aux contrats courts".
Les mesures relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE)
Nouveau service public de la VAE
La VAE est un dispositif qui permet à toute personne, quels que soient son âge, sa nationalité, son statut et son niveau de formation, de prétendre à une certification qui peut être un diplôme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle, en faisant valoir son expérience acquise dans diverses activités.
Avec la loi qui vient d'être votée, le législateur supprime les listes précisant les catégories de personnes et d'activité éligibles à la VAE, afin que ce dispositif bénéficie au plus grand nombre[13]. L'objectif du gouvernement est d’atteindre 100 000 parcours de VAE par an (contre 30 000 aujourd'hui).
Désormais, la VAE est donc ouverte à toute personne qui justifie d'une activité en rapport avec le contenu de la certification visée et non plus comme auparavant " Toute personne justifiant d'une activité professionnelle salariée, non salariée, bénévole ou de volontariat, ou inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau mentionnée au premier alinéa de l'article L. 221-2 du code du sport ou ayant exercé des responsabilités syndicales, un mandat électoral local ou une fonction élective locale en rapport direct avec le contenu de la certification visée"
Par ailleurs, la durée minimale d'un an d'expérience professionnelle requise pour que la demande de validation soit recevable est supprimée.
Dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie, la VAE est ainsi un moyen d'obtenir une certification professionnelle, qui s'ajoute à la formation scolaire, universitaire, l’apprentissage et la formation professionnelle continue.
Pour ce faire, il est créé un service public de la VAE dont la mission est d'orienter et d'accompagner toute personne demandant la validation des acquis de son expérience afin d'assurer une prise en charge simplifiée et coordonnée des candidats[14]. Par ailleurs, les acteurs intervenant dans le dispositif sont réunis au sein d'un groupement d’intérêt public (GIP) chargé de mettre en œuvre au niveau national les missions du service public de la VAE[15].
Il en résulte que l'ouverture de la VAE permet, entre autres, de prendre en compte les expériences acquises dans la sphère familiale ou privée. Les proches aidants ou les aidants familiaux pourront faire valoriser leurs compétences dans le cadre de la VAE.
Expérimentation de "VAE inversée"
Il est institué une expérimentation, dans les secteurs rencontrant des difficultés particulières de recrutement, afin d'y favoriser l'accès à la certification et à l'insertion professionnelles. Les secteurs visés sont, notamment, ceux de la santé, du sanitaire, du social et des transports.
Pour une durée de 3 ans à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er mars 2023, les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la validation des acquis de l’expérience.
Le Gouvernement explique que le but de cette expérimentation est de tester l’opportunité de faire du contrat de professionnalisation le support de l’accès à la certification professionnelle, en associant la voie de l’alternance et celle de la VAE, tout en agissant sur l’employabilité à court terme des bénéficiaires. Il s'agit d'élargir le contrat de professionnalisation en y intégrant les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience. En pratique, outre la formation par alternance, le contrat de professionnalisation intégrera un accompagnement à la VAE et des périodes de reconnaissance des acquis des expériences, qu’elles aient été acquises en amont de l’entrée en contrat de professionnalisation ou au cours de ce contrat. La durée du contrat pourra ainsi être raccourcie et le contrat pourra viser un ou plusieurs blocs de compétences.
Les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment les qualifications ou blocs de certifications professionnelles pouvant être obtenus par la VAE, seront déterminées par décret.
La définition de l'électorat et de l'éligibilité aux élections professionnelles
Dans une décision du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article L. 2314-18 du Code du travail relatif aux conditions pour être électeur aux élections professionnelles[16]. Cet article précise que "sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques".
Selon le Conseil, cet article tel qu'interprété par la Cour de cassation prive certains salariés de toute possibilité de participer en qualité d'électeur à l'élection du CSE. En effet, la Cour de cassation juge de manière constante[17] que ne peuvent ni exercer un mandat de représentation du personnel, ni être électeurs les salariés qui :
- soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ;
- soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du
Le Conseil constitutionnel a laissé au législateur jusqu'au 31 octobre 2022 pour réécrire cet article sur les conditions d'électorat.
Le législateur s'est emparé du sujet dans la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail. Il réécrit l'article L. 2314-18 qui précise désormais que "sont électeurs l'ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques". Cette nouvelle définition de l'électorat permet donc d'inclure dans le corps électoral aussi bien les salariés assimilés au chef d’entreprise, car disposant d'une délégation écrite particulière d'autorité, que ceux qui représentent effectivement l'employeur devant le CSE.
Cet article entre en vigueur le 31 octobre 2022, la nouvelle définition des conditions d'électorat est donc rétroactive. On peut s'interroger sur l'application de cette rétroactivité qui peut être source d'insécurité juridique pour les entreprises dans lesquelles les élections professionnelles ont été engagées depuis cette date.
Le législateur en a également profité pour consacrer une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation relative à l'inéligibilité de certains salariés[18]. Il complète l'article L. 2314-19 du Code du travail relatif aux conditions d'éligibilité, en précisant que les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou ceux qui le représentent effectivement devant le CSE, ne peuvent pas se porter candidats aux élections professionnelles.
Il en résulte que les cadres dirigeants, les cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l'entreprise une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise ou encore les salariés représentant l'employeur aux réunions du CSE, peuvent participer au scrutin des élections professionnelles, mais ne peuvent pas exercer un mandat de représentation du personnel.
[1] Nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail
[2] Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.566
[3] Il s'agit d'une faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
[4] Art. L. 1234-9 du Code du travail
[5] Nouveaux art. L. 1243‑11‑1 et L. 1251‑33‑1 du Code du travail ; art. L. 5422‑1 modifié
[6] Art. L. 1243-10 du Code du travail
[7] Nouvel art. L. 5422‑2‑2 du Code du travail
[8] Art. L. 5422-20 et suivants du Code du travail
[9] Articles L. 1242‑2, 1° et L. 1251‑6, 1° du Code du travail
[10] Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-12.243
[11] Article 53 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
[12] Nouvel art. L. 1251-58-6 du Code du travail
[13] Ancien art. L. 335-5 du Code de l'éducation
[14] Nouvel art. L. 6411-1 du Code du travail
[15] Nouvel art. L. 6411-2 du Code du travail
[16] Décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021
[17] Cass. soc., 6 mars 2001, n° 99-60.553 ; Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233
[18] Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233
[19] DC 2022-844
[20] Les personnes cotisant à l'assurance chômage.