Congés payés pendant un arrêt de travail : présentation des nouvelles règles

La loi du 22 avril 2024, visant à mettre en conformité les dispositions françaises sur les congés payés avec le droit européen, est entrée en vigueur le 24 avril 2024. Face aux nombreuses interrogations suscitées par son application, nous souhaitons vous apporter des éclaircissements complémentaires.

 

Article extrait de Décodage n°37 | Octobre 2024


 

Rappel des règles d'acquisition des congés payés

Tout salarié a droit à 2.5 jours ouvrables (soit 2.08 jours ouvrés) de congés payés par mois de travail effectif. Un mois de travail effectif correspond à une période de 4 semaines de travail ou 24 journées ouvrables de travail (article L. 3141-4 du Code du travail).

Sur une année complète de travail, tout salarié a donc droit à 30 jours ouvrables (soit 25 jours ouvrés). Cela équivaut à 5 semaines de congés, sauf accord ou usage mieux-disant.

Le salarié acquiert ses congés payés pendant une période de référence (période d'acquisition des congés payés).

La période de référence peut être déterminée par accord collectif. À défaut d'accord, cette période est comprise entre le 1er juin de l'année précédente et le 31 mai de l'année en cours (art. L. 3141-11 et R. 3141-4 du Code du travail).

 

Calendrier d'acquisition et de prise des congés payés (en l'absence d'accord collectif)


Les règles d'acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail

Nombre de congés payés que peut acquérir un salarié pendant un arrêt de travail pour accident ou maladie

 

AVANT le 24 avril 2024 (Pratique des entreprises en application du seul droit français mais contraire
au droit européen)

APRÈS le 24 avril 2024

AT/MP

2.5 jours ouvrables par mois, soit 5 semaines par an, dans la limite d'une durée d'arrêt ininterrompue d'1 an

2.5 jours ouvrables par mois, soit 5 semaines par an et suppression de la limite d'1 an

Accident ou maladie non professionnelle

0 jour ouvrable (sauf accord ou usage mieux-disant)

2 jours ouvrables par mois, soit 4 semaines par an

 

Article L. 3141-5 du Code du travail :

Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;

3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 ;

5° Les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque ;

7° Les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n'ayant pas un caractère professionnel.

 

Article L. 3141-5-1 du Code du travail :

Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 3141-3, la durée du congé auquel le salarié a droit au titre des périodes mentionnées au 7° de l'article L. 3141-5 est de deux jours ouvrables par mois, dans la limite d'une attribution, à ce titre, de vingt-quatre jours ouvrables par période de référence mentionnée à l'article L. 3141-10.


L'indemnisation des congés payés acquis pendant un arrêt de travail

Les règles générales en matière d'indemnisation des congés payés 

Un salarié en congés est rémunéré par une indemnité de congés payés, dont le montant dépend du calcul retenu entre :

  • La règle du 1/10e de la rémunération brute totale: l'indemnité correspond au 1/10e de la rémunération brute totale perçue durant la période de référence (période pendant laquelle les congés payés ont été acquis).
  • La règle du maintien de salaire: l'indemnité est équivalente à la rémunération que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler pendant ses congés.

Pour déterminer le montant de l'indemnité de congés payés à verser, il faut choisir la méthode la plus avantageuse.

 

L'incidence d'un arrêt de travail sur l'indemnisation des congés payés acquis pendant un arrêt de travail

La nouvelle législation n'affecte pas l'indemnisation des salariés ayant acquis des congés payés pendant un arrêt de travail dû à un accident ou une maladie d'origine professionnelle.

Cependant, elle influe sur l'indemnisation des salariés ayant acquis des congés payés pendant un arrêt de travail dû à un accident ou une maladie d'origine non professionnelle.

Pour ces salariés, la rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence, prise en compte pour indemniser les absences pour accident ou maladie d'origine non professionnelle est plafonnée à 80 %, dans le calcul de l'indemnité de congés payés selon la règle du 1/10e.

Dans ces conditions, la méthode du maintien de salaire devrait s’avérer plus avantageuse.

 

Article L. 3141-24 du Code du travail :

I.-Le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :

1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;

2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

3° Des périodes assimilées à un temps de travail par l'article L. 3141-4 et par les 1° à 6° de l'article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement ;

4° Des périodes assimilées à un temps de travail par le 7° du même article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement, dans la limite d'une prise en compte à 80 % de la rémunération associée à ces périodes.

Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.

II. -Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :

1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;

2° De la durée du travail effectif de l'établissement.

III. -Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d'application du présent article dans les professions mentionnées à l'article L. 3141-32.

 

Comparaison des droits selon l'origine de l'accident ou de la maladie :

 

Accident ou maladie d'origine non professionnelle

Accident ou maladie d'origine professionnelle

Indemnité de congés payés selon la règle du 1/10e

N.B. : Pour l'indemnité de congés payés, en cas d'application de la règle du maintien de salaire si elle est plus avantageuse, il n'y a pas de différence

Prise en compte du salaire de référence à hauteur de 80 %

(ce plafond s'applique uniquement dans le cadre de la règle du 1/10e)

Prise en compte du salaire de référence à hauteur de 100 %

Nombre de jours de congés payés acquis

2 jours ouvrables (soit 4 semaines par an)

2.5 jours ouvrables (soit 5 semaines par an)

 


La prise des congés payés après un arrêt de travail (d'origine professionnelle ou non)

Les informations sur les droits à congés payés à fournir au salarié de retour d'un arrêt de travail

Lorsqu'un salarié a été absent pour cause d'accident ou de maladie, son employeur a 1 mois à compter de sa reprise de poste pour lui transmettre un certain nombre d'informations.

L'employeur doit informer le salarié, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :

  • du nombre de jours de congé dont il dispose;
  • de la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

 

Les congés payés non pris en raison d'une maladie ou d'un accident peuvent être reportés

Les salariés n'ayant pas pu poser leurs congés payés en raison d'une maladie ou d'un accident (d'origine professionnelle ou non) peuvent les prendre lorsqu'ils reprennent le travail.

Ils bénéficient d'une période de report de 15 mois qui débute en règle générale à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations que l'employeur doit lui fournir.

Un accord collectif peut fixer une durée de report supérieure.

 

Report de congés payés acquis avant un arrêt de travail

 

Le point de départ de la période de report diffère selon la durée de l'arrêt

Pour un salarié ayant été en arrêt maladie de courte durée (inférieur à 1 an) :

À la date de fin de la période d'acquisition, la période de report de 15 mois débute à la date à laquelle il est informé, à la suite de sa reprise du travail, de ses droits acquis et de la période qui lui reste pour les prendre.

Dans cette situation, le salarié perd les congés payés qu'il a acquis, dès lors qu'il :

  • ne prend pas ses congés payés pendant la période de report ;
  • a repris le travail ;
  • a été informé de ses droits acquis et de la période qui lui reste pour les prendre.

 

Pour un salarié ayant été en arrêt maladie de longue durée (supérieur ou égal à 1 an) :

À la date de fin de la période d'acquisition, la période de report de 15 mois débute à la date à laquelle se termine la période d'acquisition des congés payés.

Si le salarié reprend le travail avant l'expiration de la période de report, alors elle est suspendue jusqu'à ce qu'il reçoive les informations sur ses droits à congés payés. À compter de cette information, la période de report redémarre mais uniquement pour le temps restant.

Dans ce cas, le salarié perd les congés payés qu'il a acquis, dès lors qu'il :

  • n'a pas repris le travail à l'issue de la période de report de 15 mois ;
  • n'a pas pris ses congés payés alors qu'au cours de la période de report :
    • il a repris le travail,
    • a été informé de ses droits acquis et de la période qui lui reste pour les prendre.

 

Congés payés acquis pendant un arrêt de travail de longue durée (≥ à 1 an) si le salarié reprend le travail AVANT l'expiration du délai de report :

 

Congés payés acquis pendant un arrêt de travail de longue durée (≥ à 1 an) si le salarié reprend le travail APRÈS l'expiration du délai de report, ils sont perdus :

 

Article L. 3141-19-3 du Code du travail :

Au terme d'une période d'arrêt de travail pour cause de maladie ou d'accident, l'employeur porte à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :

1° Le nombre de jours de congé dont il dispose ;

2° La date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

 

Article L. 3141-21-1 du Code du travail :

Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de la période de report supérieure à celle prévue à l'article L. 3141-19-1.

 

Article L. 3141-19-1 du Code du travail :

Lorsqu'un salarié est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report de quinze mois afin de pouvoir les utiliser.

Cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l'article L. 3141-19-3.

 

Article L. 3141-19-2 du Code du travail :

Par dérogation au second alinéa de l'article L. 3141-19-1, lorsque les congés ont été acquis au cours des périodes mentionnées aux 5° ou 7° de l'article L. 3141-5, la période de report débute à la date à laquelle s'achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l'accident.

Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n'a pas expiré, est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l'article L. 3141-19-3.


L'application rétroactive des nouvelles règles d'acquisition des congés payés

Détail des règles s'appliquant de manière rétroactive

En cas d'arrêt dû à un accident ou une maladie d'origine non professionnelle

Les dispositions relatives à l'acquisition des congés payés, à l'indemnité de congés payés, au report sont rétroactives à compter du 1er décembre 2009.

Les effets de la rétroactivité sont limités à l'acquisition de 4 semaines de congés payés par année (2 jours ouvrables par mois), pour chacune des périodes d'acquisition concernées (depuis le 1er décembre 2009).

 

En cas d'arrêt dû à un accident ou une maladie d'origine professionnelle

La nouvelle disposition qui supprime la limite d'1 an de l'arrêt de travail donnant droit à l'acquisition de congés payés n'est pas rétroactive.

Néanmoins, la disposition relative au report des congés payés n'ayant pas pu être pris en raison d'un accident ou d'une maladie est rétroactive.

La loi n'apporte pas de précisions au sujet du nombre de jours de congés payés acquis pendant un arrêt de travail à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui dure au-delà d'1 an.

Au regard du droit européen, qui est d'applicabilité directe, les salariés ayant été en arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle ne peuvent pas avoir moins de droits que les salariés ayant été en arrêt de travail d'origine non professionnelle. Il conviendrait de considérer qu'au-delà de la limite d'1 an, ces salariés acquièrent 2 jours ouvrables de congés payés par mois.

 

Délai maximal pour réclamer les congés payés non pris après une absence pour accident ou maladie

Si les salariés sont toujours en poste

Ils ont 2 ans (jusqu'au 23 avril 2026 minuit) pour faire valoir leurs droits et réclamer les congés qui auraient dû être acquis au cours de périodes d'arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009.

 

Pour les salariés dont le contrat de travail est rompu

La loi ne modifie pas les règles de prescription de droit commun de 3 ans de l'action en paiement des salaires.

Si la rupture du contrat de travail de ces salariés a été notifiée avant le 24 avril 2021, leurs demandes de rappel relatives à leurs droits à congés sont prescrites.

 

Limitation de la rétroactivité des nouvelles règles d'acquisition des congés payés

Les congés supplémentaires acquis grâce à la rétroactivité ne peuvent pas conduire le salarié à bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de congés payés pour chaque période de référence (après prise en compte des congés payés déjà acquis).

 

Article 37 II. de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 :

II. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d'acquisition des droits à congés, le 7° de l'article L. 3141-5, les articles L. 3141-5-1 et L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3 et le 4° de l'article L. 3141-24 du code du travail sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Toutefois, pour la même période, les congés supplémentaires acquis en application des dispositions mentionnées au premier alinéa du présent II ne peuvent, pour chaque période de référence mentionnée à l'article L. 3141-10 du code du travail, excéder le nombre de jours permettant au salarié de bénéficier de vingt-quatre jours ouvrables de congé, après prise en compte des jours déjà acquis, pour la même période, en application des dispositions du même code dans leur rédaction antérieure à la présente loi.

Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l'octroi de jours de congé en application du présent II doit être introduite, à peine de forclusion, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

Article L. 3245-1 du Code du travail :

L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.


Les effets de la nouvelle loi sur les accords collectifs qui contenaient des clauses plus favorables entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024

Les accords collectifs applicables avant l'entrée en vigueur de la loi relative à l'acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail, à savoir le 24 avril 2024, et dont l'application est plus favorable que la nouvelle loi, doivent bien être appliqués.

La loi nouvelle n'anéantit pas les droits passés plus favorables. En revanche, à compter du 24 avril 2024, les nouvelles dispositions suivantes s'imposent car elles sont d'ordre public (il ne peut pas y être dérogé) :

  • nombre de congés payés acquis durant un arrêt de travail pour accident ou maladie ;
  • l'indemnité de congés payés.

Régularisation des congés payés pendant un arrêt de travail : guide pratique

Les salariés concernés peuvent faire une demande de régularisation par courrier ou dans le cadre d'un contentieux.

Pour les salariés toujours en poste, cette régularisation consistera à ce qu'ils prennent les congés payés qu'ils n'ont pas pu prendre.

Pour les salariés dont le contrat de travail est rompu, cette régularisation consistera en un versement d'une indemnité compensatrice de congés payés (somme d'argent versée par l'employeur à son salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, qui correspond au nombre de jours de congés payés acquis et non pris à la date de rupture ou de fin du contrat de travail).


Si vous souhaitez être formé sur le sujet, nous pouvons vous accompagner. N'hésitez pas à nous contacter.

 

 

 

 

Partager cet article