Contentieux des élections professionnelles : attention à la proportion femmes-hommes dans les listes de candidats

De nombreux arrêts ont clarifié ces derniers mois la mise en œuvre de la représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats présentées par les organisations syndicales lors des élections professionnelles. À l'aube d'un nouveau cycle électoral, nous faisons ici un point d'actualité sur ce thème.

 

Article extrait de Décodage n°24 | Mars 2023


 

Intérêt de la représentation équilibrée femmes-hommes

Avant la loi dite "Rebsamen" du 17 août 2015, il était prévu une mesure qui devait inciter les organisations syndicales intéressées à examiner les voies et moyens, pour atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats aux élections professionnelles. L'objectif de cette mesure était d'augmenter le taux de féminisation dans les institutions représentatives du personnel.

Cette mesure incitative n’ayant pas produit ses effets, le législateur l'a remplacée en 2017 par une mesure obligatoire.

Désormais, les candidatures aux élections professionnelles doivent représenter la réalité du corps électoral.


Règle concernant la représentation équilibrée femmes-hommes

Les organisations syndicales représentatives sont tenues d'établir des listes de candidats dont la composition est proportionnée au nombre de femmes et d'hommes de chaque collège électoral[1]. La proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole.   
À défaut, elle est fixée par l’employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l’établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales[2].

Lorsque le calcul de la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale pour chaque collège
n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique. La règle prévoit un arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 et un arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.

Exemple : Un collège électoral est composé de 75 femmes et 50 hommes et 6 sièges sont à pourvoir :

 

La proportion de femmes dans ce collège est la suivante : 75/(75+50) = 0.60 soit 60 %.

La proportion d'hommes est la suivante : 50/(75+50) = 0.4 soit 40 %.

Les listes de candidats présentées par les syndicats doivent être composées de 4 femmes (6 x 60 % = 3.6 arrondis à 4 car la décimale est supérieure à 5) et 2 hommes (6 x 40 % = 2.4 arrondis à 2 car la décimale est inférieure à 5).

En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire[3].

Les listes doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes[4]. Autrement dit, sur les listes de candidats, les candidatures de chaque sexe doivent être inscrites l'une après l'autre jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.

Ces dispositions sont d'ordre public. Cela signifie qu'il s'agit de dispositions impératives auxquelles il n'est pas possible de déroger.

Par ailleurs, ces dispositions s'appliquent aussi bien à la liste des membres titulaires du CSE, qu'à celles des membres suppléants.


Protocole d'accord préélectoral et règles de représentation équilibrée femmes-hommes

Les règles de représentation équilibrée femmes-hommes étant d'ordre public, un protocole d'accord préélectoral ne peut pas les aménager. Un protocole d'accord préélectoral ne peut donc pas imposer
des modalités différentes pour les règles de représentation proportionnée
au sein des listes de candidats telles qu'écarter ces règles[5] ou aller au-delà.


Second tour

Les dispositions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes s’appliquent aux organisations syndicales lorsqu'elles constituent leurs listes de candidats au premier tour et au second tour des élections professionnelles. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour[6].

Les candidatures libres du second tour n'ont pas à respecter la représentation équilibrée femmes-hommes

Les dispositions de l'article L. 2314-30 du Code du travail, éclairées par les travaux parlementaires, s'appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s'appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.

Cass. soc., 5 janv. 2022., n°20-17.227


Sexe sous représenté et listes de candidats

Dans le cas où l'application des règles de proportionnalité et d'arrondi aboutit à ce que chacun des deux sexes ait droit à un nombre supérieur à 0.50 candidat sur les listes de candidats, les organisations syndicales sont tenues d'établir une liste mixte, afin que les deux sexes (majoritaire et minoritaire) soient représentés. Dès lors, un des sexes est soit sous-représenté, soit surreprésenté.

Il en résulte que :

  • Il n'est pas possible pour un syndicat de présenter seulement une candidature unique sur une liste de candidats[7].
  • Lorsque deux sièges sont à pourvoir, le syndicat doit présenter un candidat de chaque sexe[8].
  • Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir et que le syndicat présente une liste de candidats incomplète, cette dernière doit comporter un nombre de candidats femmes et hommes qui correspond à la proportion de la part des femmes et des hommes dans le collège électoral considéré[9].

Exemple : Un collège électoral est composé de 75 femmes et 50 hommes et 6 sièges sont à pourvoir, mais le syndicat souhaite présenter 4 candidats :

La proportion de femmes dans ce collège est la suivante : 75/(75+50) = 0.60 soit 60 %.

La proportion d'hommes est la suivante : 50/(75+50) = 0.4 soit 40 %.

La liste de candidats présentée par le syndicat doit être composée de 2 femmes (4 x 60 % = 2.4 arrondis à 2) et 2 hommes (4 x 40 % = 1.6 arrondi à 2).


Listes incomplètes

Les listes de candidats peuvent être incomplètes, c'est-à-dire comprendre un nombre
de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir dans le collège[10], sous réserve de respecter les dispositions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes.

Élections partielles : le respect de la représentation équilibrée femmes-hommes s'applique aux listes de candidats présentées par les syndicats

Une société a organisé des élections partielles afin de pourvoir 6 postes de titulaires et 12 de suppléants car le nombre de membres titulaires a été réduit de moitié. Le protocole d'accord préélectoral ayant été conclu pour les élections professionnelles initiales prévoyait un collège unique dont les proportions de femmes et d'hommes dans ce collège étaient respectivement de 28,1 % et de 71,9 % pour 12 postes à pourvoir.

Dans le cadre de ces élections partielles, un syndicat a déposé une liste de 4 candidats tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d'hommes. À l'issue du second tour, ont été élus sur ces listes 1 homme en qualité de titulaire et 3 hommes, en qualité de suppléants.

La société a alors saisi le tribunal judiciaire en annulation de l'élection de l'élu titulaire et d'un des élus suppléants, au motif que les listes sur lesquelles ils ont été élus ne respectent pas les règles de la représentation proportionnée entre les femmes et les hommes.

La Cour de cassation confirme le jugement du tribunal judiciaire : en cas d'élections partielles des membres du CSE, un syndicat qui présente des listes de candidats doit respecter la représentation équilibrée femmes-hommes lors de l'élaboration de ses listes.

Ainsi, un syndicat qui présente des listes incomplètes composées de 4 hommes doit se référer à la proportion de femmes et d’hommes figurant dans le protocole d’accord préélectoral établi pour les élections initiales, afin de déterminer la part de femmes et d’hommes que doivent respecter les listes de candidats. Le syndicat aurait donc dû présenter une liste composée de 3 hommes et 1 femme et non pas une liste de 4 hommes, tant pour les titulaires que pour les suppléants. Il convenait donc d'annuler l'élection du dernier élu du sexe surreprésenté.

Cass soc., 9 novembre 2022, n° 21-60.183


Sexe ultra-minoritaire et listes de candidats

Dans le cas où l'application des règles de proportionnalité et d'arrondi aboutit à ce qu'un sexe ait droit à un nombre inférieur à 0.50 candidat sur les listes de candidats, cela revient à n'avoir aucun candidat de ce sexe. Ce sexe est donc ultra-minoritaire (et l’autre ultra-majoritaire).

Le Code du travail prévoit que, lorsque l'application du calcul de répartition des sièges conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe ultra-minoritaire. Ce candidat ne peut toutefois pas être en première position sur la liste[11].

Dans un tel cas de figure, les organisations syndicales ne sont pas tenues d'inclure dans leurs listes un candidat du sexe ultra-minoritaire, il s'agit d'une simple faculté[12].

Il en résulte qu'il peut y avoir :

  • Une liste avec un candidat unique du sexe ultra-majoritaire.
  • Une liste avec plusieurs candidats du sexe majoritairement représenté.
  • Une liste avec plusieurs candidats du sexe majoritaire et un candidat du sexe minoritaire[13].

Sanction en cas de non-respect des règles de représentation équilibrée femmes-hommes

Toute personne physique ou morale qui y a un intérêt peut contester l'irrégularité d'une liste de candidats au regard de la règle de représentation équilibrée femmes-hommes, devant le tribunal judiciaire[14].
Elle dispose pour cela d'un délai de 15 jours calendaires suivant l'élection[15]. Ainsi, les personnes pouvant contester les élections professionnelles sont l'employeur, les organisations syndicales et les salariés de l'entreprise (candidats et électeurs).

Non-respect des règles de proportionnalité

Lorsqu'un syndicat ne respecte pas les règles de proportionnalité femmes-hommes au sein de la liste
de candidats qu'il présente, cela peut entraîner l'annulation de l'élection des élus surreprésentés sur
la liste au regard de la part de femmes et d'hommes dans le collège considéré
[16]. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.

Non-respect des règles d'alternance

Lorsqu'une liste de candidats ne respecte pas la règle de l'alternance au regard de la représentation équilibrée femmes-hommes, cela entraîne l'annulation de l'élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions[17].

Néanmoins, si la liste de candidats correspond à la proportion de femmes et d'hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste sont élus, il n'y a pas lieu à annulation[18]. L'annulation de l'élu mal positionné est tout de même encourue lorsque l'alternance est respectée grâce aux ratures[19].

La liste ne présentant que des candidats du même sexe ne respecte pas la règle de représentation proportionnée et non pas celle de l'alternance

Une liste de candidats, présentée par un syndicat, comportant uniquement des candidats masculins alors qu'elle devait comporter 1 femme et 9 hommes, ne respecte pas les règles de représentation proportionnée. Dans une telle situation, aucun mauvais positionnement ne peut être constaté. Ainsi, la sanction applicable est celle de l'annulation de l'élection du ou des élus du sexe surreprésenté et non pas l'annulation du candidat élu mal positionné (qui s'applique en cas de non-respect de la règle de l'alternance).

Cass. soc., 6 avr. 2022, n° 20-23.571


Conséquences de l'annulation de l'élection d'un élu pour non-respect des règles

Le siège du membre du CSE dont le mandat a été annulé pour non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes reste vacant et il ne peut pas être remplacé en utilisant les règles de suppléance (Cass. soc. 22 septembre 2021, n° 20-16.859).

Néanmoins, des élections partielles peuvent être organisées à la suite de l'annulation, si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du CSE est réduit de moitié ou plus[20].


Contentieux post-électoral et préélectoral

Le Code du travail prévoit que le juge judiciaire constate, après l'élection, le non-respect par une liste de candidats de la représentation équilibrée femmes-hommes[21].

La Cour de cassation a précisé que le juge peut également être saisi, avant l'élection, d'une telle contestation et déclarer la liste de candidats irrégulière. Il pourra alors reporter la date de l'élection pour en permettre la régularisation[22].

Par ailleurs, la sanction découlant du contentieux préélectoral, à savoir l'annulation de la liste de candidats irrégulière, ne s'applique pas lorsque le juge constate l'irrégularité après les élections[23]. Dans le cadre du contentieux post-électoral, seule l'élection des candidats élus en violation des règles relatives à la représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidats peut être annulée.


Conséquences de l'annulation de l'élection d'un élu sur le mandat syndical

L'annulation de l'élection d'un candidat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections, pour cause de non-respect de la représentation équilibrée femmes-hommes, n'a pas d'incidence sur la régularité des désignations en qualité de délégué syndical ou délégué syndical central du salarié[24].

Le caractère personnel du score prime, car l'objectif est d'instaurer une proximité entre le délégué syndical et la base électorale.


Conséquences de l'annulation de l'élection d'un élu sur la représentativité

L'annulation de l'élection des membres du CSE pour non-respect des dispositions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes est sans effet sur la condition d'audience électorale nécessaire pour déterminer la représentativité des organisations syndicales[25].

 


[1] Article L. 2314-30 du Code du travail

[2] Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 20-60.246

[3] Article L. 2314-30 du Code du travail

[4] Article L. 2314-30 du Code du travail

[5] Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133

[6] Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-60.222 ; Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-17.306

[7] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-23.513 ; Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-14.225

[8] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-23.513

[9] Cass. soc., 17 avril 2019, n° 17-26.724 ; Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-60.147

[10] Cass. soc., 9 nov. 2016, n° 16-11.622

[11] Article L. 2314-30 du Code du travail

[12] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-26.568, Cass. soc., 11 décembre 2019 n° 19-10.855 et Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-25.012

[13] Dans ce cas le candidat ne peut être en première position sur la liste.

[14] Article R. 2314-23 du Code du travail

[15] Article R. 2314-24 du Code du travail

[16] Article L. 2314-32 du Code du travail

[17] Article L. 2314-32 du Code du travail

[18] Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-60.133

[19] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 19-12.596

[20] Article L. 2314-10 du Code du travail

[21] Article L. 2314-32 du Code du travail

[22] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-26.568

[23] Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-15.974

[24] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-19.379 ; Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.713

[25] Cass. soc., 1er juillet 2020, n° 19-14.222 ; Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-18.613

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