En ce début d'année, les élus des CSE sont souvent consultés sur le plan de formation de leur entreprise. Il est important aussi de réfléchir au plan de formation des élus du CSE fraîchement élus. Pour vous guider dans vos réflexions, nous avons interrogé Alexandra Lekkakos-Allemand, responsable de la formation au sein du groupe 3E, afin qu'elle nous rappelle les droits des élus en la matière et les démarches à entreprendre.
Article extrait de Décodage n°24 | Mars 2023
Les CSE se sont mis en place récemment. Quelles sont les formations auxquelles les élus ont droit en début de mandat ?
Selon la taille de l’entreprise, deux catégories de formations doivent obligatoirement être dispensées aux membres du CSE :
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les membres titulaires du CSE élus pour la première fois bénéficient de la formation économique et financière (art. L. 2315-63 CT). Celle-ci a pour objectif de les sensibiliser au fonctionnement du CSE et de les initier notamment à l’analyse des comptes de l’entreprise au moyen d’un module juridique et d’un module financier. Cette formation peut notamment porter sur les conséquences environnementales de l'activité des entreprises. Il est également possible d'y intégrer un module sur la politique sociale, qui fait désormais l'objet d'une consultation récurrente.
La durée de cette formation ne peut excéder 5 jours et le temps consacré à cette formation est pris sur le temps de travail et est rémunéré comme tel par l’employeur.
Quant aux suppléants, peuvent-ils suivre la formation économique et financière ?
Si l’article L. 2315-63 du Code du travail définit une obligation pour l’employeur destinée aux titulaires, les suppléants ne sont pas pour autant exclus de la formation comme le pensent de nombreux élus et surtout les employeurs.
Le premier réflexe est de vérifier si des dispositions ont été négociées dans l’accord de mise en place du CSE ou dans l’accord sur le dialogue social.
Si rien n’a été négocié concernant la formation des suppléants, ces derniers pourront se former :
- en utilisant une journée de congés ou de RTT,
- autre possibilité, que le CSE rembourse avec son budget de fonctionnement à l’entreprise le salaire équivalent au temps de formation du suppléant (salaire et cotisations).
La seconde formation à laquelle ont droit les membres du CSE concerne la formation santé sécurité et conditions de travail. Ce droit s’applique quelle que soit la taille de l’entreprise.
Même en présence d'une commission santé, sécurité et conditions de travail, tous les membres, qu’ils soient titulaires ou suppléants, ainsi que le référent "harcèlement sexuel et agissements sexistes" bénéficient de cette formation nécessaire à l’exercice de leurs missions (art. L. 2315-18 CT).
Lors du premier mandat des membres de la délégation du personnel, la durée minimale de la formation est de 5 jours.
En cas de renouvellement du mandat, la formation est d'une durée minimale de :
- 3 jours pour chaque membre de la délégation du personnel, quelle que soit la taille de l'entreprise ;
- 5 jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail dans les entreprises d'au moins 300 salariés.
Cette formation leur permet d’acquérir un certain nombre de compétences et notamment :
- développer leur aptitude à déceler et à mesurer les risques professionnels et leur capacité d'analyse des conditions de travail ;
- les initier aux méthodes et procédés à mettre en œuvre pour prévenir les risques professionnels et améliorer les conditions de travail.
Pouvez-vous nous rappeler ce que l’employeur doit prendre en charge : les coûts pédagogiques, les frais de déplacement des salariés ?
Les modalités de financement des formations des membres varient selon le type de formation dispensée.
S’agissant de la formation économique et financière, le financement de la formation, sauf disposition plus favorable, est pris en charge par le budget de fonctionnement du CSE (art. L. 2315-63).
Les frais de formation économique doivent être déduits du budget de fonctionnement du CSE.
Ce budget est alimenté par une subvention de fonctionnement versée annuellement par l’employeur, dont le montant varie selon l’effectif de l’entreprise :
- Entre 50 et 2 000 salariés : 0,20% de la masse salariale brute ;
- 2 000 salariés et plus : 0,22% de la masse salariale brute.
S’agissant de la formation santé sécurité et conditions de travail, la charge financière de la formation (frais de déplacement, frais de séjour et le financement de la formation) incombe à l’employeur dans une certaine limite.
- Frais de déplacement : l’employeur prend en charge les frais de déplacement à hauteur du tarif d’un billet de train de 2e classe permettant d’effectuer le trajet directement jusqu’au lieu de dispense de la formation.
- Frais de séjour : sont pris en charge à hauteur du montant de l'indemnité de mission fixée en application de la réglementation applicable aux déplacements temporaires des fonctionnaires (art. R. 2315-20).
- Frais relatifs à la rémunération des organismes de formation : l’employeur prend en charge la rémunération des formateurs à concurrence d’un montant qui ne peut dépasser, par jour et par stagiaire, l’équivalent de 36 fois le montant horaire du salaire de croissance (SMIC). En 2023, cela équivaut à 405.72 € par jour et par stagiaire.
Bien évidemment, le CSE peut sur son budget de fonctionnement, compléter ces dépenses notamment celle concernant les frais de séjour.
Je tiens par ailleurs à rappeler que chaque membre du CSE a le choix de l’organisme de formation agréé auprès duquel il souhaite suivre sa formation, qu’il s’agisse de la formation économique ou de la formation santé sécurité et conditions de travail des élus du CSE.
Quelles sont les démarches à remplir pour un départ en formation ?
Au moins 30 jours avant le début de la formation, chaque membre du CSE est tenu d’adresser une demande individuelle de formation à l’employeur faisant mention d’un certain nombre d’informations :
- Date du congé pour formation,
- Durée du congé pour formation,
- Informations relatives à l’organisme de formation,
- Tarif de la formation.
Le congé de formation étant un droit, il peut être considéré comme accepté par l’élu à défaut de réponse de l’employeur. Celui-ci a 8 jours pour refuser par écrit à compter de la réception de la demande. L'employeur ne peut prendre sa décision qu'après avoir obtenu l'avis conforme du CSE (il doit respecter l'avis du CSE lorsqu'il prend sa décision). Il faut savoir que l’employeur peut refuser la demande de formation à un membre du CSE, s’il estime que l’absence du salarié pourrait entraîner des conséquences sur la marche de l’entreprise. La formation pourra alors être reportée dans la limite de 6 mois.
Quelles formations recommandez-vous aux membres du CSE et/ou futurs élus en amont des élections ?
Il peut être intéressant d’aborder la thématique sur les élections professionnelles afin de préparer et d’anticiper le renouvellement du CSE mais aussi pour comprendre les règles et enjeux des élections. Sur le terrain, on constate que les élus reprennent souvent le même protocole d’accord préélectoral que celui des élections précédentes. L’intérêt de cette formation ne se réduit pas à l’aspect technique : il s’agit aussi et surtout de dresser un constat sur le mandat écoulé, sur ce qui a fonctionné et sur les points à améliorer. Ce bilan doit permettre de préparer au mieux le nouveau mandat, en renégociant le protocole d’accord préélectoral, le règlement intérieur ou tout autre accord.
Dans le même ordre d’idée, la formation sur la communication du CSE avec les salariés est une formation dont l’objectif, encore une fois, consiste à identifier et analyser pourquoi on communique, avec qui, pour qui, quand et comment, afin de trouver des pistes d’amélioration pour bien préparer et mener son mandat.
Quelles formations recommandez-vous aux membres du CSE nouvellement élus ?
Il ne faut pas négliger la formation sous prétexte que l’on a déjà eu des mandats dans le passé.
La formation est non seulement un droit, mais également un devoir vis-à-vis des salariés qui ont voté pour les élus.
Si un élu veut se faire respecter par la direction et peser de tout son poids lors des réunions, il faut qu’il sache où trouver l’information, comment l’analyser afin d’argumenter pour être force de proposition et savoir communiquer auprès des salariés.
Tout cela passe par la formation, bien évidemment ! On ne cesse de constater lors des formations que les dispositions résultant de la loi Rebsamen sur les délais de consultations par exemple ou sur les consultations, que celles-ci soient récurrentes ou ponctuelles, sont loin d’être maitrisées par les élus.
Quant aux formations que je recommande, je répondrai à votre question en deux temps.
Tout d'abord, outre le fait que les élus doivent se saisir des formations de début de mandat, le contexte actuel ne doit pas occulter que la vie en entreprise continue. Il est donc important de suivre des formations sur les questions d'actualité, notamment sur les salaires ou l'égalité professionnelle femme/homme et les négociations associées, mais aussi sur les nouvelles compétences du CSE en matière d’environnement. À titre d’exemple, les élus sont encore peu nombreux à savoir que la direction doit les informer dans le cadre des consultations récurrentes sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise et que la mission de l’expert-comptable porte également sur les éléments d’ordre environnemental en plus des éléments d’ordre économique, financier et social. De même, le comité doit être informé et consulté sur les conséquences environnementales pour toutes les mesures intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.
Au-delà, je dirais que dans le contexte de crise sociale et économique que nous connaissons, il est primordial pour les IRP de se former sur les aspects de santé sécurité et conditions de travail, ainsi que sur la manière dont peuvent être appréhendées les éventuelles difficultés des entreprises. Je m’explique : il ne faut pas attendre que la direction annonce une réorganisation par exemple pour se former sur les dispositifs afférents, au risque qu'il soit trop tard.
C'est pourquoi, outre les formations déjà citées, je recommande les sessions sur les inaptitudes au travail qui constituent la première cause de licenciement, les risques psychosociaux, le télétravail, ou encore une formation sur le Code du travail pour se familiariser avec cet outil au travers d’exercices pratiques.