Élections professionnelles : foire aux questions

Extrait de Décodage n°24 | Mars 2023


 

Organisation des élections

L'employeur ne s'estimant pas prêt, peut-il unilatéralement décider de reculer la date de tenue des élections ?

Le Code du travail ne prévoit pas d'aménagement unilatéral concernant l'organisation des élections si l'employeur ne s'estime pas prêt.

Le seul moyen, pour l'employeur, de reculer la date des élections est de proroger les mandats des membres du CSE. Dans le cas contraire, il est tenu par son obligation d'engager le processus électoral selon un calendrier précis (article L. 2314-5 du Code du travail).

Cette prorogation doit être mise en place par accord unanime, c'est-à-dire un accord signé par l'employeur et l'ensemble des syndicats représentatifs (Cass. soc. 26 juin 2013 n° 12-60.246 ; Cass. soc., 9 nov. 2016, n° 15-29.067). Cet accord doit être passé avant le terme des mandats.

Cet accord unanime doit également être exprès, c'est-à-dire comporter une disposition claire et non équivoque stipulant la prorogation (Cass. soc., 3 mars 1999, n° 97-40.864).

La durée de la prorogation des mandats ne peut pas dépasser 2 ans (au-delà la durée serait abusive).

S'il ne respecte pas cela et décide unilatéralement de reculer la date de tenue des élections, l'employeur commet un délit d'entrave (article L. 2317-1 du Code du travail).


Protocole d'accord préélectoral

Dans le cadre de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral (PAP), que se passe-t-il lorsque d'une part, un nombre égal de syndicats souhaite signer le PAP et d'autre part, un nombre égal de syndicats ne souhaite pas le signer ?

Selon l’article L. 2314-6 du Code du travail, la validité d’un PAP est subordonnée à une condition de double majorité, sauf les dispositions du PAP pour lesquelles une disposition législative contraire existe (cas dans lesquels un accord unanime ou un accord collectif sont nécessaires).

Pour qu’un PAP soit valable, la majorité des syndicats ayant participé à sa négociation doit le signer, dont les syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des syndicats représentatifs dans l'entreprise.

Il en résulte que si un nombre égal de syndicats sont pour et contre la signature du PAP, l’une des conditions de la double majorité ne s’applique pas puisque le PAP ne recueille pas la signature de plus de la moitié des syndicats ayant participé à sa négociation. Il y a alors échec de la négociation du PAP.

Un syndicat peut-il dénoncer un PAP qui ne respecte pas les dispositions légales relatives à la mise en place du collège cadre, dès lors que le nombre de salariés cadres prévus dans le PAP est supérieur au nombre de salariés cadres des listes électorales affichées ?

Sur le non-respect de la règle concernant la constitution du collège cadre :

Selon l'article L. 2314-11 du Code du travail, lorsqu'il y a au moins 25 ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification dans une entreprise, au moment de la constitution ou du renouvellement du CSE, il faut constituer un troisième collège.

Néanmoins, selon l'article L. 2314-12 du Code du travail, un accord unanime, c'est-à-dire signé par toutes les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, peut modifier le nombre et la composition des collèges électoraux.

Par ailleurs, l'employeur est tenu de mener loyalement les négociations d'un PAP notamment en mettant à disposition des organisations syndicales participant à la négociation, les éléments d'information indispensables à celles-ci. Le manquement à l'obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l'accord, ainsi que des élections organisées sur cette base, peu important que le protocole ait été signé valablement aux conditions de double majorité (Cass. soc., 24 sept. 2013, n° 12-60.567 ; Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 19-10.780). L'employeur est donc tenu de fournir aux syndicats participant à la négociation les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes électorales (Cass. soc., 6 janv. 2016, n° 15-10.975) comme le registre unique du personnel ou les déclarations annuelles des données sociales.

Ainsi, les organisations syndicales intéressées doivent pouvoir prendre connaissance de tous les éléments leur permettant de vérifier les effectifs de l'entreprise ainsi que les effectifs par collèges électoraux et la régularité des listes électorales. Elles doivent avoir accès aux informations nécessaires à un contrôle réel de la répartition du personnel et des sièges dans les collèges.

Si l'employeur ne respecte pas son obligation de mener loyalement les négociations du PAP alors les syndicats intéressés peuvent demander l'annulation de ce dernier ainsi que des élections.


Sur la dénonciation du PAP :

Un PAP ne peut pas être dénoncé, car il ne s'agit pas d'un accord collectif classique.

Ainsi, dès lors qu'un syndicat a signé le protocole d'accord préélectoral, il est obligé de l'appliquer (Cass. soc., 20 juill. 1981, n° 81-60.062 ; Cass. soc., 7 janv. 1985, n° 84-60.481). Cependant, une organisation syndicale peut contester l'effectif de l'entreprise tel qu'il est indiqué dans le protocole qu'elle a signé dès lors que cet effectif est le résultat d'une erreur (Cass. soc., 3 mai 1995, n° 94-60.335).

Quel que soit le motif de contestation, un syndicat qui souhaite contester judiciairement un protocole d'accord préélectoral :

  • ne doit pas être signataire du protocole (un syndicat non-signataire de l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré et garde donc le droit de le contester) ;
  • ou s'il est signataire, il doit avoir émis des réserves expresses sur ce protocole au plus tard lors du dépôt de ses listes de candidats (un syndicat qui a signé un accord préélectoral n'est pas recevable à en contester l'application s'il n'a pas émis de réserves) ;
  • s'il n'est pas signataire et qu'il a présenté des candidats, il doit avoir préalablement émis des réserves expresses sur ce protocole (en pratique, ces réserves sont mentionnées sur la liste de candidats).

Quelles sont les conséquences de la contestation par un syndicat de l'élection d'un élu qui a seul été présenté par un autre syndicat sur sa liste de candidats alors que plusieurs postes étaient à pourvoir ? Quelles sont les conséquences de l'annulation de l'élection de l'élu de ce syndicat sur la représentativité du syndicat et sur le siège vacant ?

Sur les conséquences de la contestation :

Les listes de candidats peuvent être incomplètes, c'est-à-dire comprendre moins de noms qu'il n'y a de sièges à pourvoir dans le collège (Cass. soc., 7 mars 1973, n° 72-60.086 ; Cass. soc., 9 nov. 2016, n° 16-11.622), sous réserve de respecter les dispositions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes. Ces dispositions prévoient que les listes de candidats présentées par les syndicats intéressés doivent comporter une proportion de femmes et d'hommes reflétant leur nombre respectif dans les collèges électoraux (article L. 2314-30 du Code du travail). Cette exigence, qui est d'ordre public absolu, s'applique dans chaque collège, à la liste des titulaires et à celle des suppléants.

Étant donné qu'une liste doit toujours comporter au moins un représentant de chaque sexe (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-23.513 ; Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-19.379), les organisations syndicales ne peuvent pas présenter de listes avec une candidature unique. La liste de candidats présentée par une organisation syndicale doit être mixte et présenter une femme et un homme.

Par conséquent, la liste de candidats présentée par un syndicat ne comportant qu'une candidature et étant donc incomplète ne respecte pas la règle de représentation équilibrée femmes-hommes. La liste du syndicat aurait également dû comporter en sus la candidature d'une femme pour être en conformité avec la règle de représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats présentées par des syndicats.

En outre, selon l'article L. 2314-32, le non-respect par une liste de candidats de la représentation équilibrée femmes-hommes entraîne l'annulation de l'élection de l'élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions.

Par conséquent, un syndicat est bien-fondé à contester l'élection d'un candidat figurant sur la liste ne respectant pas la règle de représentation équilibrée femmes-hommes. Cette contestation aurait alors pour effet d'annuler l'élection de cet élu.

 

Sur les conséquences de l'annulation de l'élection de l'élu (pour le siège et la représentativité de son syndicat) :

Le siège du membre titulaire dont le mandat a été annulé pour non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes reste vacant (Cass. soc. 22 septembre 2021, n° 20-16.859).

Selon l'article L. 2121-1 du Code du travail, la représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : le respect des valeurs républicaines ; l'indépendance ; la transparence financière ; l'ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ; l'audience ; l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; les effectifs d'adhérents et les cotisations. 

Le critère de l'audience est lié au résultat électoral. En vertu de l'article R. 2314-24 du Code du travail, la contestation des résultats du premier tour des élections, lorsqu'elle porte sur la détermination des suffrages recueillis par les organisations syndicales, n'est recevable que si elle est faite dans les 15 jours suivant le premier tour ; le délai court à compter de la proclamation des résultats ou de la publication du procès-verbal de carence (Cass. soc. 31 janv. 2012, n° 11-60.139). Si aucune contestation n'est effectuée dans ce délai, il est impossible de contester ce critère.

Par conséquent, l'annulation de l'élection de l'élu n'a pas d'incidence sur la représentativité de son syndicat si aucune contestation n'a été effectuée dans un délai de 15 jours suivant le premier tour.


Liste de candidats

Comment le syndicat doit-il présenter sa liste de candidats ?

Les listes de candidature doivent être présentées séparément pour chaque collège. Les listes de candidature doivent être présentées séparément pour les membres titulaires et les membres suppléants. Par ailleurs, les listes de candidature doivent respecter la représentation équilibrée femmes-hommes :

  • en étant présentées relativement à la proportion de femmes et d'hommes dans l'effectif de l'entreprise ;
  • en comportant alternativement une femme et un homme, sans obligation de commencer la liste par un homme ou une femme et jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de candidats d'un des deux sexes.

Exemple de liste de candidatures

 

Nombre de postes à pourvoir : 5

Part de femmes dans l'entreprise : 60 %
Part d'hommes dans l'entreprise : 40 %

Les listes doivent donc comporter 3 femmes et 2 hommes.

 

Collège "ouvriers et employés" :

  •  titulaires :

M. Y

Mme X

Tous les candidats hommes ayant été présentés, la règle de l'alternance ne s'applique plus. Les candidates femmes restantes peuvent être présentées l'une après l'autre.

M. B

Mme D

Mme V

  • suppléants :

Mme A

M. P

Mme C

M. R

Mme L

 

Collège "agents de maîtrise" :

  • titulaires :

Mme T

M. W

Mme E

M. K

Mme M

  • suppléants :

M. F

Mme I

M. O

Mme Z

Mme G

 

Collège "cadres" (obligation de mise en place d'un collège cadre lorsque le nombre de cadres dans l'entreprise est supérieur ou égal à 25) :

Les listes sont incomplètes mais respectent le principe de représentation équilibrée.

  • titulaires : 

M. YY 

Mme XX 

M. BB 

  • suppléants : 

Mme AA 

M. ZZ → 

 

 

Comment le syndicat doit-il déposer sa liste de candidats ?

Le Code du travail ne prévoit aucune règle sur les modalités de dépôt des listes de candidats. Généralement, le PAP prévoit la règle sur la forme du dépôt des listes de candidats. Il est préférable de prévoir une trace écrite du dépôt de candidature (envoi en lettre recommandée avec accusé de réception, par courriel avec accusé de réception, remise en propre contre récépissé) afin d'avoir une preuve en cas de contestation.

Quelles sont les conséquences du dépôt tardif par un syndicat de la liste de candidats qu'il présente ?

Le Code du travail ne fixe pas de date limite pour le dépôt des listes de candidats. Généralement, le PAP en prévoit une. À défaut d'accord le tribunal judiciaire a la faculté d'en fixer une. À défaut de saisine du juge judiciaire, il revient alors à l'employeur de la déterminer.

La date limite fixée par le PAP s'impose à l'employeur et aux syndicats. Ainsi en cas de candidature tardive, l'employeur est en droit de refuser de tenir compte du dépôt de la liste (Cass. soc., 28 mars 2012, n° 11-19.657).

En cas de date limite fixée par l'employeur, ce dernier ne peut refuser une candidature déposée après la date qu'il a lui-même fixée qu'en justifiant sa décision au regard des nécessités d'organisation du vote (Cass. soc. 19 octobre 1993 n° 92-60.439 ; Cass. soc. 4 mars 2009 n° 08-60.476).

Néanmoins, il est préférable de respecter la date fixée par l'employeur pour éviter toute source de contentieux. Le risque en déposant la liste de candidats après la date fixée par l'employeur est qu'il ne l'accepte pas, ce qui peut entraîner une saisine du juge judiciaire par le syndicat intéressé afin de faire modifier les modalités des élections professionnelles. Or, cette saisine ne suspend pas le processus électoral.

En outre, si le dépôt dans les temps de la liste de candidats est impossible alors un dépôt ultérieur est possible s'il est effectué à une date proche de la date butoir fixée par l'employeur.

Le délégué syndical pressenti qui oublie de présenter sa candidature lors des élections au CSE peut-il demander à ses listiers de refuser par écrit le poste de délégué syndical ?

Pour rappel, afin d'être désigné par un syndicat représentatif en tant que délégué syndical, il faut avoir été candidat aux élections professionnelles et avoir recueilli à titre personnel et dans son collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour, quel que soit le nombre de votants.

En vertu de l'article L. 2143-3, pour que le délégué syndical puisse être désigné par son syndicat sans avoir été élu, il faut que renoncent préalablement et par écrit au mandat de délégué syndical :

  • tous les élus du syndicat désignataire, ayant obtenu 10 % des suffrages ;
  • ainsi que tous les candidats (qu'ils aient obtenu plus ou moins de 10% des suffrages) du syndicat désignataire.

Dès lors, le salarié pourra être désigné délégué par son syndicat soit en sa qualité d'adhérent, soit en sa qualité d'ancien élu ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au CSE.

En pratique, lorsque le syndicat proposera aux élus du syndicat ayant obtenu 10 % des suffrages et aux candidats du syndicat (ayant obtenu plus ou moins de 10 %), le mandat de délégué ou bien avant que le syndicat fasse la proposition, ils doivent émettre leur renonciation. Ils doivent envoyer au syndicat un courrier avec la formule suivante : "Suite à la proposition que vous m'avez faite pour pourvoir au mandat de délégué syndical, je ne souhaite pas y donner suite et y renonce expressément.".


Saisine de la Dreets

L'unique syndicat d'une entreprise s’est présenté à la négociation du protocole d’accord préélectoral mais n’a pas signé l’accord. La direction a soumis cet accord pour avis à la Dreets. Quelles sont les conséquences de cette saisine sur le processus électoral, notamment la présentation des candidats par le syndicat ?

En cas d’échec des négociations du protocole d’accord préélectoral et si au moins un syndicat s'est présenté à la négociation du protocole préélectoral, le Code du travail ne prévoit pas de saisir la Dreets afin qu’elle donne son avis sur l’accord n’ayant pas été signé. Dès lors, l’employeur se doit de poursuivre le processus électoral et il doit alors saisir la Dreets pour qu’elle décide de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges (art. L. 2314-13) et de la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges (art. L. 2316-8).

La saisine de la Dreets permet de proroger le mandat des élus et de suspendre les élections. En effet, les mandats des élus en cours sont automatiquement prolongés jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin et le processus électoral est suspendu jusqu’à la décision de la Dreets.

La direction doit fixer elle-même les autres règles relatives à l’organisation des élections professionnelles (la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral, le nombre et le périmètre des établissements distincts, les modalités d'organisation matérielle des opérations électorales).

La direction doit, en outre, établir les listes électorales propres à chaque collège, assurer la réception et la publicité des listes de candidats, informer les électeurs sur la tenue du scrutin, assurer l'organisation matérielle du vote. Par ailleurs, la loi ne fixe pas de date limite pour le dépôt des candidatures. À défaut d'accord préélectoral ou de convention collective fixant une date limite de dépôt des listes de candidatures, il revient à l'employeur titulaire des prérogatives relatives à l'organisation des élections professionnelles de fixer une date limite de dépôt des candidatures. Il peut ainsi reprendre le délai prévu lors des élections précédentes par les protocoles préélectoraux conclus à l'époque (Cass. soc. 20 janvier 1993 n° 91-60.265).

L'échec des négociations du protocole d'accord préélectoral ne prive pas les syndicats intéressés de leur droit de présentation des candidatures au premier tour des élections. Dès lors qu’une décision de la Dreets aura été rendue à propos de la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et de celle du personnel dans les collèges, le syndicat pourra déposer sa liste de candidats (même si les listes électorales ne sont pas encore affichées).

 

 

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