La prise en compte de la vie personnelle et familiale : une copie à revoir ?

L’été 2023 a vu la promulgation de deux lois censées rassurer, protéger et sécuriser certains salariés, confrontés à des difficultés personnelles particulièrement éprouvantes, dans leur quotidien professionnel : les femmes victimes de fausses couches et les parents d’enfants subissant les conséquences d’une maladie, d’un handicap ou d’un grave accident.

Mais derrière ces deux textes qui ambitionnent de limiter les répercussions des aléas de la vie sur le travail, certains thèmes dévoilent au grand jour les carences du droit du travail par rapport à cette problématique.

Ainsi, très récemment, une proposition de loi visant à instaurer un arrêt maladie spécifique en cas de douleurs menstruelles a été rejetée par
le Sénat. Nous faisons le point sur les principaux enjeux en la matière.

 

Article extrait de Décodage n°33 | Mars 2024, écrit en collaboration avec Jordan Poulet


 

Les lois du 7 et du 19 juillet 2023 : les dernières avancées juridiques en faveur de l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle

La loi du 7 juillet 2023 : accompagner les personnes victimes de fausse couche et mettre fin aux inégalités

La loi du 7 juillet 2023[1] entend soutenir les femmes confrontées à une fausse couche de deux façons.

Un soutien matériel

Grâce à la loi du 7 juillet 2023, les femmes victimes d’une fausse couche avant la 22e semaine d’aménorrhée (autrement dit, l’absence de menstruation, pour cause de grossesse dans ce cas de figure), et demandant un arrêt de travail, ne seront pas concernées par le délai de carence de 3 jours pour bénéficier des indemnités journalières (article L. 323-1 du Code de la Sécurité sociale).

Cette disposition est applicable pour les arrêts de travail prescrits depuis le 1er janvier 2024 (article L. 323-1-2 du Code de la Sécurité sociale).

En revanche, le délai de carence de 7 jours valable pour le complément de salaire versé par l’employeur (articles L. 1226-1 et D. 1226-3 du Code du travail) demeure.

Cette disposition doit permettre de pallier une insécurité pour certaines femmes. En effet, les femmes victimes d’une fausse couche après la 22e semaine d’aménorrhée bénéficient de plein droit du congé de maternité, indemnisé sans délai de carence. La raison en est qu’à ce stade de grossesse, l’interruption spontanée de celle-ci est, d’un point de vue médical, un accouchement prématuré.

En revanche, jusqu’à présent, les femmes qui subissaient une fausse couche avant la 22e semaine d’aménorrhée ne pouvaient se voir prescrire qu’un congé maladie, avec application du délai de carence.

Par ailleurs, si une fausse couche médicalement avérée survient entre la 14e et la 21e semaine d’aménorrhée incluses, l’employeur ne peut pas licencier la salariée concernée pendant une période de 10 semaines après la survenance de l’évènement. Cette disposition issue de la loi du 7 juillet 2023 se trouve dans le nouvel article L. 1225-4-3 du Code du travail.

Toutefois, le licenciement reste possible en cas de faute grave de la salariée ou s’il est impossible de maintenir le contrat de cette dernière. Dans cette seconde hypothèse, il faut que le motif soit étranger à l’interruption spontanée de grossesse (article L. 1225-4-3 du Code du travail).

Attention : la survenance d’une fausse couche n’a pas pour effet d’empêcher la fin d’un CDD, si la salariée est concernée (article L. 1225-6 du Code du travail).

Ce nouvel article L. 1225-4-3 du Code du travail doit permettre de lisser les situations. En effet, une salariée victime d’une fausse couche après la 22e semaine d’aménorrhée peut déjà bénéficier de la protection contre le licenciement pendant toute la durée du congé maternité, soit 16 semaines au minimum (article L. 1225-4 du Code du travail).

Il convient de préciser que la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a supprimé le délai de carence de 3 jours en cas d’interruption médicale de grossesse (IMG). Ce délai s’applique pour le versement des indemnités journalières à une femme qui bénéficie d’un arrêt de travail pour cause d’IMG. La suppression de ce délai devrait concerner les arrêts de travail prescrits, au plus tard, à compter du 1er juillet 2024. Un décret pourrait permettre une entrée en vigueur plus rapide.

L’IMG est réalisée à tout moment de la grossesse, si celle-ci met gravement en péril la santé de la mère ou si l’enfant à naître a une forte probabilité d’être atteint d’une affection particulièrement grave et incurable.

La LFSS pour 2024 a donc pour ambition d’accorder aux femmes concernées le bénéfice de l’indemnisation dès le premier jour de leur arrêt de travail.

 

 

Il est à noter qu’à ce jour, toutes les initiatives politiques en faveur de l’instauration d’un "congé fausse couche" de 3 jours pour la victime (ainsi que pour son ou sa partenaire) sont restées vaines à l’échelle nationale. Pourtant, certaines entreprises ont déjà initié le mouvement. À titre d’exemple, depuis l’année dernière, la société Critizr (spécialisée dans la gestion des interactions clients) a mis en place un congé de 5 jours pour les femmes victimes d’une fausse couche. La société propose également un congé menstruel pour les femmes victimes de dysménorrhées.

L’entreprise Braincube (spécialisée dans le développement de logiciels destinés à optimiser les performances des industries) propose aussi, depuis quelques mois, un congé menstruel à ses salariées.

Un soutien psychologique

La loi du 7 juillet 2023 invite les agences régionales de santé (ARS) à renforcer l’accompagnement des couples touchés par l’évènement traumatisant qu’est la fausse couche.

Concrètement, à partir du 1er septembre 2024, les ARS devront établir un parcours de soins associant psychologues et médecins. Ce parcours est inscrit dans un nouveau chapitre dédié à l’interruption spontanée de grossesse au sein du Code de la santé publique.

Dans cette optique, le texte mise sur une meilleure formation des professionnels de santé au sujet des conséquences psychologiques de la fausse couche (article L. 2122-6 du Code de la santé publique).

De la même manière, les sages-femmes pourront orienter les femmes concernées, de même que leurs partenaires, vers une consultation auprès d’un psychologue. Cette prérogative, également dévolue aux médecins, se fera dans le cadre du dispositif "Parcours Mon Psy". Ainsi, cela permettra le remboursement de 8 séances par an (article L. 162-58 du Code de la Sécurité sociale).

La loi du 19 juillet 2023 : renforcer les droits à congés des salariés aidants et garantir l’accès au télétravail

La loi du 19 juillet 2023[2] a pour ambition d’accentuer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie, d’un handicap ou qui sont victimes d’un accident particulièrement grave.

Cette loi s’inscrit dans la lignée des évolutions du statut du salarié aidant. La dernière en date est la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 (en date du 23 décembre 2021), qui a assoupli les conditions requises des salariés pour bénéficier du congé de proche aidant. Cela concerne également le don de jours de congés de la part de collègues de travail.

Concrètement, la condition légale de particulière gravité de l’état de la personne aidée (pour disposer de ces deux dispositifs) a été supprimée.

Ainsi, le bénéfice du congé de proche aidant et de la prestation afférente (l’allocation journalière du proche aidant) est ouvert à tout proche aidant de personnes dont le handicap ou la perte d’autonomie peuvent nécessiter une aide régulière de la part d’un proche.

De plus, la loi a revalorisé l’allocation journalière du proche aidant à hauteur du SMIC, à compter du 1er janvier 2022.

Le congé de présence parentale

Depuis la loi du 19 juillet 2023, il est interdit de licencier un salarié absent au titre du congé de présence parentale. Cela vaut également pour les périodes travaillées si le congé est pris de manière fractionnée ou à temps partiel. Cette interdiction de licenciement est assortie de deux exceptions. Cela vise la faute grave du salarié concerné ou l’impossibilité de maintenir le contrat de ce dernier en raison d'un motif étranger à l’état de santé de l’enfant (article L. 1225-4-4 du Code du travail).

Le congé de présence parentale est pris par un salarié qui assume la charge d’un enfant victime d’une maladie, d’un handicap ou d’un accident d’une particulière gravité rendant nécessaires une présence soutenue et des soins contraignants.

Le congé de présence parentale n’est donc pas conditionné à l’ancienneté du salarié, ni même à l’effectif de l’entreprise ou à la nature du contrat de travail (article L. 1225-62 du Code du travail).

Le congé de présence parentale est de 310 jours ouvrés au maximum, répartis sur une période, elle aussi maximale, de 3 ans (articles L. 1225-62 et D. 1225-16 du Code du travail).

Le congé peut être pris par journée isolée, mais également par journées successives ou encore par demi-journée. Le congé peut également être transformé en période d’activité partielle.

La durée initiale du congé de présence parentale est définie par le certificat médical établi par le professionnel qui suit l’enfant (article L. 1225-62 du Code du travail). La durée prévisionnelle du traitement est aussi indiquée dans ce certificat médical.

Cette dernière doit être réexaminée à l’échéance d’un délai également fixé par le médecin. Ce délai est compris entre 6 à 12 mois après le début du traitement (article L. 544-2 du Code de la Sécurité sociale).

Les parents peuvent demander au médecin de réexaminer la durée du congé à tout moment, dès que le dernier mois avant l’échéance prévue du traitement est entamé. Quoi qu’il arrive, un réexamen s’impose après 1 an, si la durée du traitement est également d’1 an (articles D. 1225-17 du Code du travail et L. 544-3 du Code de la Sécurité sociale).

Le congé de présence parentale doit respecter un délai de prévenance de 15 jours à l’égard de l’employeur (articles L. 1225-63 et R. 1225-14 du Code du travail).

Cette obligation de prévenir l’employeur 15 jours avant le début du congé ne s’applique pas si l’état de santé de l’enfant se dégrade soudainement ou si la situation requiert la présence immédiate du salarié (article L. 1225-63 du Code du travail).

Le congé de présence parentale peut être interrompu pour cause de décès de l’enfant ou de baisse importante des revenus du salarié. Dans ce cas, celui-ci doit informer l’employeur de sa volonté de revenir dans l’entreprise, par lettre recommandée avec accusé de réception (ou lettre remise contre décharge) au moins 1 mois avant la date de retour souhaitée (articles L. 1225-52 et L. 1225-64 du Code du travail).

À l’issue d’un congé de présence parentale, le salarié retrouve son emploi (ou un emploi similaire), assorti d’une rémunération au moins équivalente (article L. 1225-64 du Code du travail).

Le congé de présence parentale peut être renouvelé après la fin de la période initiale de 3 ans. Cela vise l’hypothèse d’une rechute ou d’une récidive de la pathologie de l’enfant. Cela vise également le cas où la présence soutenue d’un parent et les soins contraignants sont toujours nécessaires (articles L. 1225-62 du Code du travail et L. 544-3 du Code de la Sécurité sociale).

Le renouvellement du congé nécessite également le respect d’un délai de prévenance de 15 jours.

Le congé peut également être renouvelé avant la fin de la période initiale de 3 ans, même si le salarié en a bénéficié pendant plus de 310 jours. Ce renouvellement (qui ne peut avoir lieu qu’une fois) nécessite l’établissement d’un nouveau certificat médical, attestant de la nécessaire poursuite des soins contraignants et de la présence continue d’un parent (article L. 1225-62 du Code du travail).

Un décret du 2 février 2024 tire les conséquences de la suppression de l’accord explicite du service de contrôle médical, en cas de renouvellement exceptionnel du congé de présence parentale. Lorsque le salarié fait sa demande à son employeur, il joint le nouveau certificat médical (article R. 1225-14 du Code du travail). Il n’a plus à joindre l'avis favorable rendu par le service du contrôle médical.

Les ressources pendant le congé de présence parentale

Pendant la durée du congé de présence parentale, le contrat de travail est suspendu et ce congé n’est pas rémunéré par l’employeur (sauf si un accord prévoit le contraire).

L’octroi d’une allocation journalière de présence parentale (AJPP) vient donc sécuriser financièrement la situation du salarié aidant concerné par ce congé.

Les critères de la particulière gravité, de la présence soutenue d’un parent et des soins contraignants sont essentiels pour que soit octroyée l’AJPP.

À ce titre, la pathologie doit être attestée par un certificat médical distinct de celui fourni par le salarié à l’employeur au titre de la demande de congé de présence parentale. Ce certificat médical distinct doit préciser la nature des soins contraignants, les modalités de la présence soutenue du parent, ainsi que la durée prévisible du traitement de l’enfant.

En outre, le salarié doit obtenir l’avis favorable du service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) à laquelle est affilié l’enfant (article L. 544-2 du Code de la Sécurité sociale).

L’avis défavorable du service du contrôle médical de la CPAM peut être contesté par les parents devant un médecin-expert, désigné conjointement par le médecin traitant et le médecin-conseil de la caisse.

Si ceux-ci n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’identité du médecin-expert dans le mois suivant la contestation, c’est le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales qui prend la décision.

L’avis du médecin-expert s’impose à la caisse et aux parents.

L’AJPP est versée pendant 3 ans (et sur 310 jours) au maximum. L’AJPP étant versée pour chaque jour de congé de présence parentale, elle peut être renouvelée d’autant si le congé de présence parentale est lui-même exceptionnellement renouvelé (article L. 544-3 du Code de la Sécurité sociale).

Sur 1 mois, l’AJPP est versée pendant 22 jours au maximum.

Depuis le 1er janvier 2023, son montant est aligné sur celui du SMIC journalier net. Précisément, sa valeur est égale à 7 fois le montant horaire du SMIC (articles L. 544-6 et D. 544-6 du Code de la Sécurité sociale).

Ainsi, le montant de l’AJPP est de 62.80 euros par jour. Puisqu’elle ne peut être versée que pendant 22 jours au maximum sur 1 mois, l’AJPP équivaut à 1 381.60 euros pour une telle période. Ainsi, l’octroi de cette allocation est souvent synonyme de perte de revenus non négligeable pour les salariés concernés, alors que ces derniers vivent déjà une situation particulièrement difficile.

 

 

Le versement de l’AJPP est strictement conditionné à l’obtention d’un congé de présence parentale. Il est valable par enfant et par maladie, handicap ou accident. En revanche, un même droit au versement de l’AJPP peut concerner les deux parents simultanément. Ceux-ci peuvent donc potentiellement s’arrêter de travailler tous les deux.

Depuis la loi du 19 juillet 2023, les caisses d’allocations familiales (CAF) peuvent accorder une avance sur l’allocation journalière de présence parentale, sans attendre l’avis du service du contrôle médical de la CPAM. Ce versement anticipé de l’AJPP est prévu à l’article L. 544-3 du Code de la Sécurité sociale.

Aussi, grâce à ce texte, l’accord explicite du service du contrôle médical de la CPAM n’est plus requis au titre du renouvellement exceptionnel de l’AJPP. Autrement dit, l’avis favorable de ce service n’est plus obligatoire. Ce qui le demeure, c’est la présentation du nouveau certificat médical attestant du caractère indispensable de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue des parents.

Le décret du 2 février 2024 relatif au renouvellement avant terme du congé de présence parentale et de l’allocation journalière de présence parentale, apporte d’autres précisions résultant de la suppression de l’accord explicite du service de contrôle médical. Le silence gardé par le service du contrôle médical vaut avis favorable au renouvellement de l’AJPP (nouvel article R. 544-3 du Code de la Sécurité sociale).

Par ailleurs, pour effectuer une demande de renouvellement de l’AJPP, l’intéressé adresse à l'organisme débiteur, sous pli fermé à l'attention du service du contrôle médical, le nouveau certificat médical détaillé attestant le caractère indispensable, au regard du traitement, de la pathologie ou du besoin d'accompagnement de l'enfant, de la poursuite des soins contraignants et d'une présence soutenue (nouvel article R. 544-1 du Code de la Sécurité sociale).

Le décès d’un enfant et l’annonce d’un évènement grave

Depuis la loi du 19 juillet 2023, la durée minimale légale du congé pour décès d’un enfant est allongée.

  • Elle est passée de 7 à 14 jours ouvrables dans le cas d’un décès d’un enfant âgé de moins de 25 ans, d’un enfant qui était lui-même parent (sans condition d’âge) ou d’une personne âgée de moins de 25 ans à la charge effective et permanente du salarié ;
  • Elle est passée de 5 à 12 jours ouvrables dans le cas d’un décès d’un enfant de plus de 25 ans qui n’était pas parent lui-même (article L. 3142-4 4° du Code du travail).

Un accord collectif d’entreprise (ou, à défaut, de branche) peut prévoir des dispositions plus favorables. 

Depuis la loi du 19 juillet 2023, le congé pour l’annonce d’un handicap, d’une pathologie chronique (nécessitant un apprentissage thérapeutique) ou d’un cancer chez l’enfant est porté à 5 jours (article L. 3142-4 du Code du travail).

L’accès au télétravail

Depuis la loi du 19 juillet 2023, l’accord collectif (ou la charte) relatif au télétravail doit comprendre une clause sur les modalités d’accès à ce dispositif de télétravail pour les salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche (article L. 1222-9 du Code du travail).

Une telle clause n’était jusqu’alors prévue que pour les salariées enceintes et les travailleurs handicapés.

En l’absence d’accord collectif ou de charte en la matière, une demande de recours au télétravail formulée par un salarié aidant d’un enfant ne peut être refusée, par l’employeur, que si ce dernier motive sa réponse négative (article L. 1222-9 du Code du travail).

Les travailleurs handicapés et les salariés aidants d’une personne âgée ne sont donc plus les seuls bénéficiaires de ce droit renforcé au télétravail.


Congé menstruel et endométriose : reflets du décalage entre déclarations et réalisations politiques

L’état des lieux : en France ou ailleurs, un manque de considération pour ces pathologies

Au-delà du fait qu’il est nécessaire d’attendre les effets des deux lois promulguées au mois de juillet 2023, la prise en compte de la vie familiale et personnelle dans le cadre du travail est très loin d’être optimale.

L’endométriose est l’un des sujets qui permettent de s’en rendre compte. En 2020, 65 % des femmes atteintes de cette maladie affirmaient que celle-ci entraînait des répercussions négatives sur leurs conditions de travail[3]. Pourtant, l’endométriose (qui touche 1 personne menstruée sur 10[4]) n’est pas entourée d’un cadre juridique protecteur qui permettrait à celles qui en souffrent d’être soulagées, tant sur le plan physique que psychologique.

À une échelle plus large, le congé menstruel ne fait pas l’objet d’une instauration généralisée, loin de là. En Europe, l’Espagne a adopté en février 2023 un projet de loi visant à mettre en place un congé menstruel pris en charge par le système de sécurité sociale. Mais le pays reste un cas isolé. Pourtant, le besoin est présent. En France, en 2021, une étude a révélé qu’1 femme sur 2 souffrait de dysménorrhées[5]. Au Royaume-Uni, 63 % des femmes interrogées dans le cadre d’une enquête sur le sujet estimaient que l’instauration d’un congé menstruel serait une bonne nouvelle[6].

En Afrique, seule la Zambie prévoit (depuis 2015) la possibilité pour les femmes souffrant de dysménorrhées de s’absenter une journée par mois, sans avoir à fournir de certificat médical.

En Asie, le congé menstruel existe au Japon depuis 1947. Cependant, ce congé n’est pas rémunéré par les entreprises et les femmes n’y ont que très peu recours. Elles subissent également des maux qui n’ont visiblement pas de frontières : le manque de compréhension qui entoure la menstruation au travail et des conditions de travail inadaptées[7]. En Indonésie, le congé menstruel est instauré depuis 1948. Néanmoins, le nombre de jours octroyés au titre de ce congé dépend des négociations avec chaque entreprise. Ainsi, dans les faits, beaucoup d’entre elles n’accordent aucune journée de congé.

Ainsi, le problème vient surtout, au mieux, d’une méconnaissance (ou au pire d’une ignorance volontaire) des contraintes qui pèsent sur les femmes concernées. Ce sont, le plus souvent, des considérations économiques et politiques qui en sont à l’origine.

 

 

Les conséquences : des conditions de travail dégradées et une frilosité politique

Concernant l’endométriose, au-delà des désagréments majeurs subis au quotidien, c’est l’avenir professionnel des femmes concernées qui se joue à tout instant. Sans sécurisation de leur cadre de travail par le droit, la menace de l’inaptitude ou de la démission plane sur elles.

En effet, cette maladie provoque des symptômes (permanents ou non) variés : douleurs, troubles digestifs ou urinaires et fatigue n’en sont que quelques manifestations suffisamment graves pour impacter la position de travail, la concentration et la productivité.

En outre, la nature de cette maladie rend ces symptômes (et leurs conséquences) imprévisibles.

Ces conséquences sont multiples et graduelles : absences, retard dans la réalisation des objectifs, relations plus tendues avec la hiérarchie et les collègues, mise à l’écart, culpabilité et stress intense. Cela peut déboucher sur une rupture du contrat de travail.

Mais ce schéma n’est pas une fatalité. Au niveau du Gouvernement, le maintien dans l’emploi des femmes atteintes d’endométriose doit être un objectif qui dépasse le stade du seul affichage politique. Les déclarations d’intention ne sauraient cacher les occasions manquées.

Certes, l’endométriose fait l’objet de campagnes de prévention et de sensibilisation, telles que la "stratégie nationale de lutte contre l’endométriose" lancée le 14 février 2022, qui a mis l’accent sur l’information, la communication et la sensibilisation. Le but était de mettre en lumière les enjeux de la maladie afin d’améliorer la prévention, renforcer la formation des professionnels et promouvoir la recherche.

Une telle logique d’avertissement n’est pas critiquable en soi : attirer l’attention sur le quotidien des femmes, c’est faire changer le regard sur leurs pathologies. Faire évoluer les mentalités est une condition essentielle pour que le droit (et surtout les habitudes de travail) change également. Il convient d’ailleurs de rappeler à ce titre que la Journée mondiale, et annuelle, pour l’hygiène menstruelle est le 28 mai.

Mais le problème réside dans le fait que ces campagnes ne sont pas accompagnées de mesures contraignantes et reposent sur la seule bonne volonté des entreprises.

Certaines d’entre elles sont d’ailleurs particulièrement engagées sur le sujet (par exemple Carrefour ou le Groupe M6 qui ont décidé d’octroyer des congés supplémentaires (à hauteur de 12 jours d’absence par an) pour les femmes atteintes d’endométriose. Ce bénéfice repose sur la reconnaissance, pour ces dernières, de la qualité de travailleuses handicapées.

De façon plus globale, le congé menstruel est adopté par un nombre croissant de structures privées (comme l’entreprise Louis Design qui accorde depuis mars 2022 un jour de congé supplémentaire par mois pour les femmes ayant des règles douloureuses) ou publiques (la ville de Saint-Ouen adopte le même modèle que Louis Design, tandis que la Métropole de Lyon accorde deux jours par mois à ses agentes depuis le 1er octobre 2023).

Il convient de préciser que la société coopérative La Collective fait office de pionnière en France. Elle a décidé, dès 2021, d’accorder une journée de congé supplémentaire par mois à ses salariées.

Ces exemples ont été choisis parmi d’autres, ce qui démontre que certains acteurs de la société s’emparent déjà de cette problématique.

Néanmoins, il est nécessaire que le droit du travail fasse de même. Les initiatives de propositions de loi sur le sujet existent. En avril 2023, la sénatrice PS Hélène Conway-Mouret a déposé un texte qui visait à instaurer un arrêt de travail de 2 jours maximum par mois pour les femmes victimes d’endométriose ou de règles douloureuses. Il était prévu dans cette proposition de loi que l’indemnité versée à ce titre le serait sans délai. Proposer ces mesures a néanmoins permis de mettre en lumière la condition, notamment au travail, particulièrement difficile de ces femmes.

En mai 2023, deux nouvelles propositions de loi voyaient le jour sous l’impulsion d’élus de gauche. L’ambition était d’instaurer un congé menstruel (pour les femmes victimes d’endométriose et de règles douloureuses) de 13 jours par an et indemnisé sans délai de carence, sous réserve de produire un certificat médical. Parmi les autres dispositions prévues, celles relatives à l’aménagement des postes des salariées concernées retiennent l’attention. L’ambition était d’obliger les entreprises à simplifier l’accès au télétravail, à des sanitaires adaptés et à des protections menstruelles. Aussi, l’idée avancée était de permettre aux femmes de déposer leur certificat médical sur la plateforme Ameli, d’y récupérer leur arrêt de travail et d’envoyer ensuite ce dernier à l’employeur.

Cependant, un rapport[8] établi par 4 sénatrices en juin 2023 dévoile des réticences latentes sur le sujet. La majorité des auteures du texte n’est pas favorable à l’instauration d’un congé menstruel dans la mesure où cela ne se justifie pas s’il n'existe pas une pathologie associée. En d’autres termes, un congé menstruel généralisé n’est pas une bonne idée et ne remplacera pas un suivi thérapeutique individuel, propre à chaque femme victime de dysménorrhées.

Cela s’est traduit le 15 février 2024 par le rejet par le Sénat d’une proposition de loi sur la mise en place d’un arrêt de travail menstruel pour les femmes atteintes de règles invalidantes.

La position de l’administration du travail est également défavorable : pour la Direction générale du travail (DGT), l’instauration d’un congé menstruel doit relever du dialogue social et sa prise en charge doit être assurée par la Sécurité sociale.

Pour la co-fondatrice et la présidente de la Fondation pour la recherche sur l’endométriose, Valérie Lorbat-Desplanches, l’instauration du congé menstruel n’aura de sens qu’après que la bienveillance soit une réalité dans les entreprises.

En revanche, le rapport des sénatrices préconise d’inscrire l’endométriose sur la liste des affections de longue durée. Cela permettrait de supprimer le délai de carence et ainsi les pertes financières nées de la succession des arrêts de travail. 

Les initiatives en termes de propositions de loi permettent néanmoins de s’interroger sur la "faisabilité" de ces congés menstruels ou pour cause d’endométriose. Mais à ce sujet, un risque n’est pas à négliger : l’instauration d’un congé menstruel pourrait entraîner une vague de pratiques discriminatoires à l’embauche. Certaines entreprises pourraient estimer que l’absence plus régulière des femmes va nuire à leur activité.

Une étude de la DARES datant de mai 2021[9] tend à montrer que ce risque ne serait pas justifié. Cette étude avait pour but de prouver que l’instauration du congé maternité n’avait pas entraîné de différences de traitement significatives entre les candidatures des femmes et celles des hommes. L’instauration de ce congé avait suscité les mêmes interrogations que celles qui concernent le congé menstruel et le congé pour cause d’endométriose aujourd’hui. Pourtant, la crainte de discriminations à l’embauche ne serait pas une raison suffisante pour empêcher la mise en œuvre de ces congés.

Pour résumer, l’évolution du droit du travail en matière d’accompagnement des femmes victimes d’endométriose et de dysménorrhées est dépendante d’une volonté politique. Or, les pouvoirs publics craignent probablement les réactions des entreprises. En effet, il est évident qu’un certain nombre d’entre elles, au vu des pratiques qui y ont cours, n’ont pas assimilé l’importance des enjeux qui entourent ces pathologies.

Les moyens d’action : des possibilités à toutes les étapes de la relation de travail

Négocier la prise en compte de l’endométriose et des dysménorrhées

Soumettre l’hypothèse d’instauration de ces congés menstruels et pour cause d’endométriose permet de lever les derniers voiles sur la souffrance des femmes qui sont victimes des pathologies associées. Parler, simplement, de ce sujet c’est briser les tabous, empêcher la banalisation des douleurs et susciter la bienveillance.

Autant de leviers qui peuvent favoriser les bonnes pratiques au sein des entreprises. Autrement dit, cela pousserait ces dernières à suivre le mouvement initié par structures précurseuses. Cela vise par exemple L’Oréal, qui a inscrit l’endométriose à l’agenda de ses négociations. Un accord d’entreprise datant de janvier 2023 prévoit en effet que les salariées concernées par cette maladie ont droit à 3 jours d’absence médicale par an, sur présentation d’un certificat médical.

Cette pratique mériterait d’être généralisée. Obligatoire tous les 4 ans dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives (article L. 2242-1 du Code du travail), la négociation sur l’égalité femme-homme pourrait permettre d’obtenir des jours de congé et de télétravail supplémentaires, ou encore un aménagement des heures de travail. Qui plus est, cette négociation intègre aussi la question des conditions de travail, et l’impact de l’endométriose sur le quotidien professionnel des salariées concernées n’est plus à prouver.

Même dans l’éventualité où il n’existe pas d’accord sur l’égalité femme-homme né de la négociation quadriennale, un plan d’action destiné à assurer cette égalité doit être élaboré tous les ans (article L. 2242-3 du Code du travail). Ce plan peut intégrer les mesures proposées ci-dessus.

De manière générale, le rapport des sénatrices datant de juin 2023 invite les branches à négocier des mesures d’aménagement des conditions de travail pour les femmes victimes d’endométriose et de dysménorrhées. Ces mesures d’aménagement pourraient directement concerner la flexibilisation des horaires de travail et la sécurisation de l’évolution professionnelle (par l’instauration d’entretiens entre les managers et les femmes concernées).

Mais bien avant de négocier, il est possible d’anticiper.

Anticiper les négociations en faisant évoluer les comportements

Le rapport des sénatrices précité préconise d’élargir l’Index de l’égalité professionnelle à des critères qui ne sont pas uniquement fondés sur les écarts de rémunération. En jugeant l’action des entreprises sur des critères qui prennent en compte les conditions de travail des femmes concernées par l’endométriose et les dysménorrhées, il serait plus facile pour celles-ci d’évoluer dans un cadre de travail bienveillant.

Le même rapport propose également l’adoption, par les entreprises et les administrations publiques, d’un programme de sensibilisation (nommé "ENDOpro") établi par la Fondation pour la recherche sur l’endométriose.

Aussi, il incite les employeurs à renforcer l’information et la communication autour des droits des femmes pendant leur grossesse.

 

 

De manière globale, le rapport entend favoriser l’anticipation par le biais de certains changements :

  • Intégrer dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) les violences sexuelles et sexistes au travail ;
  • Faire appliquer strictement le DUERP, qui est "genré" et qui doit donc tenir compte des contraintes pesant spécifiquement sur les femmes ;
  • Inscrire dans le Code du travail l’obligation d’une approche sexuée des risques professionnels au sein des fiches d’entreprise (établies par la médecine du travail) ;
  • Renforcer la formation des médecins du travail sur l’endométriose ;
  • Sanctionner plus durement les employeurs qui ne respectent pas les obligations d’aménagement de poste après un arrêt de travail de longue durée ;
  • Intégrer les contraintes pesant sur les femmes dans les critères de pénibilité.

Nous avons choisi de mettre en avant 6 mesures parmi les 18 proposées par le rapport. Ce choix n’est pas anodin : ces quelques préconisations sont symboliques de la volonté de faire changer le regard porté sur les femmes et les pathologies dont elles peuvent souffrir.

Un autre levier d’action existe. L’article L. 4624-1 du Code du travail prévoit que tout salarié bénéficie d’un suivi de son état de santé réalisé par le médecin du travail et un collaborateur, un interne ou un infirmier. Ce suivi comprend la visite d’information et de prévention, réalisée après l’embauche.

À l’issue de cette visite, un suivi poussé est établi en lien avec le médecin du travail pour les salariés qui se déclarent en situation de handicap ou titulaires d’une pension d’invalidité (article L. 4624-1 du Code du travail).

C’est à ce titre que le médecin du travail peut préconiser (par écrit et après un échange avec le salarié concerné et l’employeur) des aménagements, des adaptations ou des transformations du poste de travail. Cela peut également viser des modifications du temps de travail. Ces mesures doivent prendre en compte l’âge et l’état de santé du salarié (article L. 4624-3 du Code du travail).

Le salarié joue un rôle actif dans la proposition des mesures à destination de l’employeur (article L. 4624-5 du Code du travail).

L’employeur doit prendre en considération les mesures avancées par le médecin du travail et motiver par écrit son refus d’y donner suite (article L. 4624-6 du Code du travail).

Il serait possible d’intégrer les femmes atteintes d’endométriose parmi les personnes devant faire l’objet d’un suivi médical particulier. Le médecin du travail, après en avoir informé la salariée lors de la visite d’information et de prévention, pourrait alors préconiser un aménagement de poste ou du temps de travail (si un certificat médical atteste de la pathologie).

Concrètement, cela faciliterait l’accès au télétravail et la prise de pauses, ou encore la fourniture de sièges de meilleure qualité aux salariées concernées.

Adapter le parcours professionnel des femmes victimes

Mais si justement la pathologie empêche le maintien de la salariée sur son poste, la reconversion professionnelle doit être facilitée. Après l’anticipation et la négociation, l’adaptation est donc un nouveau maître-mot dans l’accompagnement professionnel des femmes touchées par l’endométriose et les dysménorrhées.

Par exemple, le dispositif de la reconversion ou de la promotion par alternance (article L. 6324-1 du Code du travail), qui vise surtout à répondre aux besoins de formation sur des postes en tension, pourrait être étendu aux femmes victimes d’endométriose. En effet, celles-ci peuvent également avoir, à ce stade, un besoin crucial de changer de métier ou de profession.

Il faudrait simplement supprimer l’exigence d’un certain niveau de qualification (article L. 6324-2 du Code du travail) pour bénéficier du dispositif.

Dans le même ordre d’idées, il serait tout à fait possible d’abonder le compte personnel de formation (CPF) des salariées victimes d’endométriose devant se reconvertir. Cela pourrait se décider par le biais d’un accord, mais également d’une action de l’employeur (comme cela est rendu possible) (article L. 6323-4 du Code du travail).

Conclusion : les congés menstruels (ou pour cause d’endométriose) et l’évolution des mentalités, un mauvais timing ?

La difficulté autour de la prise en compte de la vie personnelle et familiale dans le cadre du travail apparaît clairement. Certaines entreprises fonctionnent grâce à des pratiques qui sont à contre-courant des évolutions nécessaires de la société, mais contre lesquelles le droit se heurte. Il ne s’agit pas ici de généraliser le propos. Cela a été vu, des structures proposent déjà des congés menstruels ou pour cause d’endométriose.

Pour autant, certains signes ne trompent pas sur le retard pris par les entreprises dans leur globalité et les pouvoirs publics en général :

  • Le risque de discrimination à l’embauche qu’encourent les femmes si un congé menstruel venait à être instauré ;
  • De façon plus globale, le grand écart entre les besoins exprimés par les femmes et les mesures effectivement prises au sein des entreprises pour améliorer leur situation ;
  • L’absence d’uniformité lorsque de telles mesures sont appliquées. Les pratiques sont isolées et différentes selon la structure : le Groupe M6 et Carrefour misent sur la reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée. À l’opposée, L’Oréal mise sur l’autorisation d’absence sur présentation d’un certificat médical ;
  • Une instauration des congés menstruels et pour cause d’endométriose très marginale à l’échelle mondiale ;
  • Un manque de considération, également perceptible au niveau international, pour les difficultés rencontrées par les femmes concernées ;
  • Les hésitations politiques dues, en partie, à la peur des réactions des entreprises et à la volonté de laisser sa chance à la négociation sur un sujet aussi sensible.

Ou comment l’endométriose et les dysménorrhées sont le symbole d’un progrès social qui se heurte au progrès économique. Ou comment ces pathologies sont symptomatiques d’une société prête à évoluer, sans que les pouvoirs publics ne mettent en place tous les moyens nécessaires pour le faire.

 


[1] Loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche.

[2] Loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité.

[3] Enquête EndoFrance, en partenariat avec le laboratoire Gedeon-Richter et l’institut de sondage IPSOS : EndoVie, janvier 2020.

[4] Rapport sur l’endométriose réalisé par l’Organisation mondiale de la santé et publié le 24 mars 2023.

[5] "Les Françaises, les coupes menstruelles et l’impact des règles sur leur vie", Sondage IFOP, 28 mai 2021.

[6] Sondage Censuswide, mars 2023.

[7] "Less than 10% of Female Employees Take Menstrual Leave", Sondage Nikkei, 31 mars 2022.

[8] Rapport d’information n° 780 au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la santé des femmes au travail (par Mesdames Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol), enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2023.

[9] Discrimination à l’embauche selon le sexe : les enseignements d’un testing de grande ampleur, Analyse de la DARES n° 26, mai 2021.

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