Loi DADUE : le Code du travail prend enfin en compte les améliorations apportées par le droit de l'Union européenne

La loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture transpose dans le droit français plusieurs textes de l'Union européenne ayant été adoptés dans ces domaines ces trois dernières années.

En matière de droit du travail, cette loi aménage certaines dispositions relatives aux congés liés à l'arrivée d'un enfant afin de favoriser l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des parents. Cette loi rend également plus transparentes et prévisibles les conditions de travail, en renforçant l'information des salariés et en supprimant les longues périodes d'essai prévues dans les accords de branche.

 

Article extrait de Décodage n°25 | Mai 2023


 

Le congé de paternité et d'accueil de l'enfant est assimilé à du temps de travail effectif

Le congé de paternité et d'accueil est un congé, de 25 jours calendaires ou de 32 jours calendaires en cas de naissances multiples, dont bénéficie, après la naissance de l'enfant, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin salarié de la mère ou de la personne salariée liée à elle par un Pacs.

Le congé de paternité et d'accueil est désormais assimilé à du temps de travail effectif pour la répartition de la réserve spéciale de participation et le décompte de l'ancienneté.

Pour la répartition de la réserve spéciale de participation (nouvel art. L. 3324-6)

Les parlementaires ont souhaité aligner les dispositions relatives à la répartition de la participation sur celles relatives à la répartition de l'intéressement. Ces dernières ont été modifiées par la loi du 16 août 2022 afin d'assimiler les périodes de congé de paternité et d’accueil de l’enfant en périodes de présence.

MAINTENANT

AVANT

Sont désormais assimilées à des périodes de présence, quel que soit le mode de répartition retenu par l'accord de participation, les périodes de congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

Seules étaient prises en compte les périodes de congé de maternité, de congé d'adoption, de congé de deuil, les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle et les périodes de mise en quarantaine.

Pour le décompte de l'ancienneté (nouvel art. L. 1225‑35‑2)

MAINTENANT

AVANT

Le congé de paternité et d'accueil de l'enfant est assimilé à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

Le Code du travail ne prévoyait rien concernant la prise en compte du congé de paternité et d'accueil de l'enfant dans le calcul de l’ancienneté.

 


La prise d'un congé parental d'éducation et passage à temps partiel est facilitée (nouvel art. L. 1225‑47)

Le congé parental d'éducation et le passage à temps partiel sont des dispositifs permettant à tout salarié à la suite d’une naissance ou de l’adoption d’un enfant de moins de 16 ans de suspendre son contrat de travail ou de réduire son temps de travail afin d'élever cet enfant.

MAINTENANT

AVANT

Tout salarié qui justifie d'une ancienneté minimale d'1 an pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité ou d'adoption, peut bénéficier du congé parental d'éducation ou du passage à temps partiel. L'ancienneté minimale d'1 an est décomptée à partir de la date de la demande de congé.

Cette mesure a pour but de permettre aux parents ne disposant pas d’un emploi au moment de la naissance de l’enfant d’être éligibles ultérieurement au congé parental ou au passage à temps partiel.

Le Code du travail n'était pas conforme à la législation européenne car il conditionnait le bénéfice du congé parental d'éducation au salarié qui justifiait d’une ancienneté minimale d’une année au moment de la naissance ou de l’adoption de l’enfant.

Cela avait pour effet d'exclure les salariés ayant acquis l'ancienneté requise après la naissance ou l'adoption de leur enfant et qui auraient souhaité prendre un tel congé.

 


Indemnité de licenciement : fin de la proratisation pour les salariés passant à temps partiel dans le cadre d'un congé parental d’éducation (nouvel art. L. 1225‑54)

 

Selon le Code du travail, l'indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise était calculée proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités (art. L. 3123-5). De plus, pour la détermination des droits que le salarié tenait de son ancienneté, la durée du congé parental d’éducation était prise en compte pour moitié (ancien art. L. 1225‑54).

Or, selon les jurisprudences européennes et françaises (CJUE, 8 mai 2019, aff. C-486/18, Praxair ; Cass. soc., 18 mars 2020, n° 16-27.825),  ces dispositions établissent une différence de traitement avec les salariés se trouvant en activité à temps complet au moment où ils sont licenciés, qui n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, dans la mesure où les femmes sont beaucoup plus nombreuses à bénéficier d'un congé parental à temps partiel.

La CJUE et la Cour de cassation considèrent donc que lorsqu'un salarié à temps plein passe à temps partiel dans le cadre d'un congé parental, l'indemnité de licenciement doit être calculée sur la base de la rémunération à temps plein et non sur celle résultant du congé parental. La rédaction de l'article L. 1225‑54 est modifiée en conséquence.

MAINTENANT

AVANT

La durée du congé parental d'éducation à temps plein est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

Lorsqu'un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d'un congé parental, la durée du congé parental d'éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

La durée du congé parental d'éducation est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

 


Les salariés en congé de paternité et d'accueil de l'enfant, en congé de présence parentale et en congé parental d'éducation ne perdent plus leurs droits à congés payés (nouveaux art. L. 1225‑54, L. 1225‑65 et L. 1225‑35‑2)

MAINTENANT

AVANT

Les salariés en congé de paternité et d'accueil de l'enfant, en congé de présence parentale et en congé parental d'éducation conservent le bénéfice de tous les avantages qu’ils avaient acquis avant le début du congé.

Par conséquent, la loi garantit désormais pour ces salariés, le maintien des congés payés acquis.

Seuls les salariés en congé maternité, en congé de solidarité familiale et en congé de proche aidant pouvaient bénéficier du maintien des congés payés acquis. Cela pouvait conduire à une perte des droits à congés pour les salariés en congé de paternité et d'accueil de l'enfant, en congé de présence parentale et en congé parental d'éducation.

 


Les informations précises et écrites qui doivent être remises au salarié lors de la conclusion du contrat (nouvel art. L. 1221‑5‑1)

La directive transposée augmente le nombre d'informations sur la relation de travail qui doivent être communiquées par l’employeur au travailleur. Elles sont désormais au nombre de 15 (contre 10 auparavant).

Informations sur les éléments essentiels de la relation de travail que les employeurs doivent communiquer aux salariés (article 4, § 2 de la directive (UE) 2019/1152) :

1. L'identité des parties à la relation de travail ;

2. Le lieu de travail ; à défaut de lieu de travail fixe ou prédominant, le principe selon lequel le travailleur est employé à divers endroits ou est libre de déterminer son lieu de travail, ainsi que le siège de l’entreprise ou, le cas échéant, le domicile de l’employeur ;

3. Le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d’emploi pour lesquels le travailleur est employé ou la caractérisation ou la description sommaires du travail ;

4. La date de début de la relation de travail ;

5. Dans le cas d’une relation de travail à durée déterminée, la date de fin ou la durée prévue de celle-ci ;

6. Dans le cas des travailleurs intérimaires, l'identité des entreprises utilisatrices, lorsqu’elle est connue et aussitôt qu’elle l’est ;

7. La durée et les conditions de la période d’essai, le cas échéant ;

8. Le droit à la formation octroyé par l’employeur, le cas échéant ;

9. La durée du congé payé auquel le travailleur a droit ou, si cette indication est impossible au moment de la délivrance de l’information, les modalités d’attribution et de détermination de ce congé ;

10. En cas de cessation de leur relation de travail, la procédure à observer par l'employeur et le travailleur, y compris les conditions de forme et les délais de préavis, ou, si la durée des délais de préavis ne peut être indiquée au moment de la délivrance de l'information, les modalités de détermination de ces délais de préavis ;

11. La rémunération, y compris le montant de base initial, tous les autres éléments constitutifs, le cas échéant, indiqués séparément, ainsi que la périodicité et la méthode de versement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit ;

12. Si le rythme de travail est entièrement ou majoritairement prévisible, la durée de la journée ou semaine de travail normale du travailleur et toute modalité concernant les heures supplémentaires et leur rémunération ainsi que, le cas échéant, toute modalité concernant les changements d’équipe ;

13. Si le rythme de travail est entièrement ou majoritairement imprévisible, l'employeur informe le travailleur de ce qui suit : le principe selon lequel l’horaire de travail est variable, le nombre d’heures rémunérées garanties et la rémunération du travail effectué au-delà de ces heures garanties ; les heures et jours de référence durant lesquels le travailleur peut être appelé à travailler ; le délai de prévenance minimal auquel le travailleur a droit avant le début d’une tâche et, le cas échéant, le délai d’annulation de cette tâche ;

14. Toutes les conventions collectives régissant les conditions de travail du travailleur ou, s'il s'agit de conventions collectives conclues en dehors de l'entreprise par des organes ou institutions paritaires particuliers, le nom de ces organes ou institutions au sein desquels elles ont été conclues ;

15. Lorsque cela incombe à l’employeur, l'identité du ou des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations sociales liées à la relation de travail et toute protection en matière de sécurité sociale fournie par l’employeur.

 

La directive précise que ces informations doivent être fournies par écrit (article 5, § 1 de la directive (UE) 2019/1152) :

  • pour les informations 1. à 5., 7., 11., 12. et 13. : sous la forme d’un ou de plusieurs documents, dans un délai de 7 jours calendaires[1] à compter du 1er jour de travail, si elles n'ont pas été fournies précédemment ;
  • pour les autres informations : sous la forme d’un document, dans un délai d’un mois à compter du 1er jour de travail.

 

Par ailleurs, ces informations doivent être communiquées sur papier (article 3 de la directive (UE) 2019/1152). Elles peuvent également être communiquées sous format électronique à condition :

  • que le travailleur y ait accès ;
  • que ces informations puissent être enregistrées et imprimées, et que l’employeur conserve un justificatif de la transmission et de la réception.

 

La loi prend acte de cette évolution en créant l'article L. 1221‑5‑1 du Code du travail. Cet article prévoit que l'employeur remet au salarié un ou plusieurs documents écrits contenant les informations principales relatives à la relation de travail. Lorsqu'un salarié ne reçoit pas ces informations, il doit mettre en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou, le cas échéant, de compléter les documents remis. Si l'employeur ne procède pas à une communication des informations après avoir été mis en demeure, le salarié peut saisir le juge judiciaire afin de les obtenir.

Les salariés dont le contrat de travail est en cours le 9 mars (date de promulgation de la loi) peuvent demander à leur employeur de leur fournir ou de compléter les informations leur ayant déjà été transmises.

Néanmoins, pour que cette mesure puisse être appliquée, un décret doit fixer ses modalités de mise en œuvre, notamment la liste des informations devant figurer dans les documents mentionnés. Ce décret est à ce jour toujours en attente de publication.

 

Le rapport de l'Assemblée nationale précise qu'un arrêté du ministre en charge du travail proposera a priori 3 modèles de document, qui seront accessibles depuis le Code du travail numérique, aux fins de faciliter la mise en œuvre du dispositif, principalement pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) :

  • un modèle regroupant les quinze informations ;
  • un modèle regroupant les neuf informations à adresser sous 7 jours ;
  • un modèle regroupant les six informations à adresser sous 1 mois.

Limitation de la durée des périodes d'essai (nouvel art. L. 1221‑22)

Les durées de période d'essai initiale et renouvelée s'imposent. Néanmoins, étaient admises (ancien art. L. 1221-22) :

  • Les durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant le 26 juin 2008 (date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail) ;
  • Les durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après le 26 juin 2008 (date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008) ;
  • Les durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

Or, certaines conventions collectives conclues avant le 26 juin 2008 prévoient des durées de période d'essai pour les cadres qui excèdent la durée légale maximale :

durées de période d'essai pour les cadres qui excèdent la durée légale maximale

La directive (UE) 2019/1152 (article 8§1) prévoit de limiter à 6 mois la durée de la période d’essai.

La loi modifie, en conséquence, l'article L. 1221-22 du Code du travail en supprimant la référence aux durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant le 26 juin 2008. Désormais, les durées maximales de période d'essai initiale et renouvelée correspondent soit aux durées légales, soit aux durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après le 26 juin 2008 ou fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

Il faut noter qu'il appartient exclusivement aux branches de déterminer les conditions et les durées de renouvellement de la période d'essai (article L. 2253-1 du Code du travail). Les branches professionnelles ont donc toujours la possibilité de prévoir, pour les cadres, des durées de périodes d'essai renouvellement compris, allant jusqu'à 8 mois lorsque la nature de l’emploi le justifie ou lorsque cela est dans l’intérêt du travailleur (article 8§1). Par ailleurs, la directive permet également aux partenaires sociaux de négocier des conventions collectives qui dérogent à la durée maximale de période d'essai de 6 mois dans la limite de 8 mois pour les cadres (article 14).

Cette disposition entre en vigueur le 9 septembre 2023 (6 mois après la promulgation de la loi afin de permettre aux partenaires sociaux des branches professionnelles de réviser leurs dispositions conventionnelles).


L'entreprise doit informer le salarié en CDD ou intérimaire sur les postes en CDI à pourvoir (nouveaux art. L. 1242‑17 et L. 1251‑25)

MAINTENANT

AVANT

La loi supprime la condition liée à la préexistence d'un dispositif d'information pour les salariés en CDI.

L'employeur doit informer des postes en CDI à pourvoir tout salarié temporaire ou en CDD qui en fait la demande et qui justifie d’une ancienneté continue d’au moins 6 mois. Cette obligation incombe à l'employeur ou à l'entreprise utilisatrice, concernant les salariés intérimaires.

Pour que cette mesure puisse être appliquée, un décret doit fixer ses modalités de mise en œuvre. Ce décret est à ce jour toujours en attente de publication.

Il existait un dispositif permettant aux salariés intérimaires et titulaires d'un CDD justifiant d’une ancienneté continue d’au moins 6 mois d'être informés des postes à pourvoir dans l'entreprise par des CDI lorsqu'un tel dispositif d'information existait déjà pour les salariés bénéficiant d'un CDI. Cette obligation incombait à l'employeur ou à l'entreprise utilisatrice, concernant les salariés intérimaires.

 


[1] Tout jour du calendrier de l'année civile, y compris les jours fériés et chômés.

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