Loi immigration et intégration : ce qui change pour les salariés étrangers

Après plusieurs mois de discussions au Parlement, la loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration" a été publiée le 27 janvier 2024. Cette loi a été durcie au fil des discussions. Cependant, la plupart des dispositions, qui constituaient un recul des droits des étrangers en France ont été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Nous vous présentons ici les principales mesures qui concernent les travailleurs étrangers, après cette décision.

 

Article extrait de Décodage n°33 | Mars 2024


 

Favoriser l'intégration des salariés étrangers par la maîtrise de la langue française

Modification de l'article relatif à l'obligation générale de formation de l'employeur

Dans le cadre de son obligation de formation, l'employeur peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme (art. L. 6321‑1 du Code du travail). Il peut proposer des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences. La loi immigration ajoute que l'employeur peut également proposer aux salariés, dont la langue française n'est pas la langue maternelle, des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau particulier (ce niveau sera déterminé par décret).

Cette modification apportée à l'article relatif à l'obligation générale de formation de l'employeur dénote l'attachement du législateur à l'intégration des étrangers par l'emploi. L'employeur a toujours eu la possibilité de proposer à ses salariés étrangers une action de formation ayant pour but l'apprentissage de la langue française. Le législateur souhaite ainsi mettre l'accent sur la responsabilité de l'employeur qui recrute un travailleur étranger dont la langue française n'est pas sa langue maternelle : il doit lui permettre d'atteindre une certaine connaissance de la langue française.

 

Création d'un article relatif au temps de formation en langue française des salariés étrangers

La loi immigration crée un article L. 6321‑3 du Code du travail. Cet article concerne les salariés, dont la langue française n'est pas leur langue maternelle, signataires du contrat d'intégration républicaine et engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau particulier (qui sera déterminé par décret). Les formations que ces salariés suivent, et qui permettent la poursuite de leur parcours de formation linguistique, constituent un temps de travail effectif (dans la limite d'une durée qui sera fixée par décret). Ces formations donnent également lieu au maintien de la rémunération par l'employeur pendant leur réalisation.

 

LE CONTRAT D’INTÉGRATION RÉPUBLICAINE        
(art. L. 413‑2 et suivants, L. 433-4 et R. 413-2 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)

L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de 16 ans et l'âge de 18 ans révolus, et qui souhaite s'y maintenir durablement, s'engage dans un parcours personnalisé d'intégration républicaine. Il conclut avec l'État un contrat d'intégration républicaine par lequel il s'engage à suivre les formations et dispositifs d'accompagnement qui lui sont prescrits et à respecter les valeurs et principes de la République.

Le contrat d'intégration républicaine est conclu pour une durée d'un an. Il est respecté dès lors que les formations qu'il prévoit ont été suivies avec assiduité et sérieux et que l’étranger n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République. Le respect de ces obligations, associé aux autres conditions requises en matière de titre de séjour, permet la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle de 2 à 4 ans après un an de séjour régulier.

 

Modification de l'article relatif à l'autorisation d'absence du salarié pour les formations éligibles au CPF

La loi immigration complète l'article L. 6323‑17 du Code du travail relatif à l'autorisation d'absence du salarié demandé à son employeur pour les formations éligibles au CPF suivies en tout ou partie pendant le temps de travail.

Désormais, l'autorisation d'absence est de droit pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés dont la langue française n'est pas la langue maternelle, financées par le CPF et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail. Ces salariés doivent être signataires du contrat d'intégration républicaine et engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau particulier (qui sera déterminé par décret). La limite de la durée de l'autorisation d'absence sera fixée par décret.

 

Les articles L. 6321‑3 et L. 6323‑17 du Code du travail (relatifs aux formations linguistiques suivies par les salariés étrangers et visant à atteindre une connaissance de la langue française) concernent les primo-arrivants, c'est-à-dire les salariés étrangers en provenance de l'étranger qui arrivent pour la première fois en France.

Dans le cadre du plan de développement des compétences, l'employeur ayant des salariés étrangers non primo-arrivants dont la langue française n'est pas leur langue maternelle, peut toujours leur proposer une formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française. Une telle action de formation constitue du temps de travail effectif qui donne lieu au maintien de la rémunération par l'employeur pendant sa réalisation.

Par ailleurs, les salariés étrangers non primo-arrivants peuvent suivre une formation d'apprentissage de la langue française, financée dans le cadre de leur CPF. S'ils souhaitent la suivre en tout ou partie pendant leur temps de travail, ils ont la possibilité de demander une autorisation d'absence à leur employeur. Néanmoins, pour ces derniers, l'autorisation d'absence n'est pas de droit.

 

 


Favoriser le travail comme facteur d'intégration : mythe ou réalité ?

Octroi d'un titre de séjour temporaire, pour les salariés étrangers des métiers en tension, en situation irrégulière : le rôle accru du Préfet

Régularisation du travailleur étranger recruté ou en poste dans un métier en tension

Avant la loi immigration

Après la loi immigration

Le salarié étranger est recruté ou en poste dans un emploi relevant de la liste des métiers en tension 

  • Le salarié étranger a exercé une activité professionnelle relevant de la liste des métiers en tension
  • Il occupe un emploi relevant de ces métiers en tension et a une ancienneté de travail de 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois
  • Il justifie d’une période de résidence ininterrompue d'au moins 3 ans
  • Casier judiciaire B2 vierge

L'employeur demande une autorisation de travail (art. R. 5221-1 et art. R. 5221-20 du Code du travail)

Le salarié demande, auprès du Préfet, une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", d'une durée maximale d'un an (art. L. 421-1 et L. 421-3 du CESEDA)

L'autorisation de travail est délivrée

Le Préfet vérifie les conditions relevant de son appréciation discrétionnaire

Le salarié remplit la triple condition de résidence, d'actualité de l'emploi et d'ancienneté professionnelle en France

La carte de séjour est délivrée

Le salarié demande, auprès du Préfet, une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", d'une durée maximale d'un an (art. L. 421-1 et L. 421-3 du CESEDA)

L'autorisation de travail est délivrée (après vérification par le Préfet de la réalité de l'activité professionnelle )

  • L'obtention de la carte de séjour permettant d'être régularisé dépend de l'obtention préalable d'une autorisation de travail. Or, cette autorisation doit être demandée par l'employeur
  • Pour pouvoir être régularisé, le salarié étranger dépend de son employeur
  • L'employeur peut être réticent à encourager son salarié étranger "sans-papiers" à obtenir sa régularisation. Cela lui revient à admettre auprès des autorités qu'il est conscient d'être dans l'illégalité (il est interdit pour un employeur de recruter un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France comme un titre de séjour autorisant le travail)
  • Le travailleur étranger a le pouvoir sur sa demande de régularisation car il ne dépend plus de l'employeur
  • Le travailleur étranger n'a pas à, préalablement, présenter une autorisation de travail pour pouvoir obtenir une carte de séjour temporaire "métier en tension"
  • Néanmoins, le Préfet dispose d'un large pouvoir d'appréciation (adéquation du comportement du travailleur étranger est avec les principes et les valeurs de la République, etc.)
  • La délivrance de la carte se fait au cas par cas même si le travailleur étranger remplit toutes les conditions

 

Anciennes conditions d'octroi d'un titre de séjour temporaire, pour les salariés étrangers des métiers en tension, en situation irrégulière

Le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) contient un chapitre sur l'admission exceptionnelle au séjour. Il s'agit d'une procédure particulière d'accès à un titre de séjour.

Avant la loi immigration, un travailleur étranger pouvait se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", par l'admission exceptionnelle au séjour répondant à des considérations humanitaires ou se justifiant au regard des motifs exceptionnels (art. L. 435-1 du CESEDA).

L'étranger en situation irrégulière de séjour en France (il ne possède pas les documents l'autorisant à rester en France) devait également remplir la triple condition de résidence, d'actualité de l'emploi et d'ancienneté professionnelle, pour pouvoir être régularisé (Circulaire Valls de 2012). Il devait :

  • justifier d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche ;
  • justifier d'une ancienneté de séjour en France de 5 ans minimum, sauf exception et d'une ancienneté de travail de 8 mois sur les 2 dernières années ou de 30 mois sur les 5 dernières années ;
  • justifier avoir travaillé 24 mois, dont 8 dans les 12 derniers mois, si l'étranger séjournait depuis 3 ans en France.

 

Par ailleurs, le travailleur ne devait pas :

  • constituer une menace pour l'ordre public ;
  • se trouver en situation de polygamie en France.

Nouvelles conditions d'octroi d'un titre de séjour temporaire, pour les salariés étrangers des métiers en tension, en situation irrégulière

La loi immigration complète le CESEDA par un nouveau type d'admission exceptionnelle au séjour (nouvel art. L. 435-4 du CESEDA). À titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026, un travailleur étranger, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur temporaire" ou "salarié" d'une durée d'un an, dès lors :

  • qu'il a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement ("métiers en tension") durant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois ;
  • qu'il occupe un emploi relevant de ces métiers et zones ;
  • qu'il justifie d’une période de résidence ininterrompue d’au moins 3 années en France ;
  • qu'il n'a pas fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire[1].

Désormais, la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement doit être établie et actualisée au moins une fois par an par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales représentatives d'employeurs et de salariés (nouvel article L. 414-13 du CESEDA).

La liste par région des métiers en tension est, actuellement, définie dans un arrêté du 1er avril 2021. Néanmoins, un certain nombre de secteurs ne sont pas représentés dans cette liste, tels que l'hôtellerie-restauration. Un nouvel arrêté comprenant notamment le secteur agricole devrait bientôt être publié.

 

Les étrangers exerçant un emploi à caractère saisonnier[2] (ayant une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "travailleur saisonnier"), les étudiants étrangers[3] (ayant une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" leur donnant droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle) et les demandeurs d'asile[4], ne peuvent pas demander une carte de séjour "métiers en tension".

En effet, les périodes de séjour et l'activité professionnelle salariée exercée sous couvert de leurs documents de séjour ne sont pas prises en compte pour l'obtention d’une carte de séjour temporaire "métiers en tension".

L'important pouvoir d'appréciation du Préfet

Cette carte de séjour est délivrée par le Préfet. Il a, dans un premier temps, pour rôle de vérifier que le salarié étranger remplisse les conditions d'emploi dans un métier en tension, d'ancienneté de séjour et de travail en France. La seule satisfaction de ces conditions ne suffit pas car, pour pouvoir obtenir une carte de séjour, l'étranger ne peut pas opposer au Préfet qu'il les remplit. Le Préfet doit, en plus, apprécier la réalité et la nature des activités professionnelles de l'étranger, ainsi que son insertion sociale et familiale, son respect de l'ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle‑ci ainsi qu'aux principes de la République mentionnés dans le nouvel article L. 412‑7 du CESEDA[5].

 

 

Dès lors que le Préfet accorde cette carte de séjour temporaire "métier en tension" à un salarié étranger, il doit également contrôler par tout moyen la réalité de son activité professionnelle (art. L. 5221‑5 du Code du travail nouvel alinéa 3). Ce n'est qu'une fois cette vérification effectuée que la délivrance de la carte entraîne celle de l'autorisation de travail, matérialisée par un document sécurisé.

Jusqu'alors, l'étranger souhaitant obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" d'une durée maximale d'un an, devait préalablement avoir une autorisation de travail ou un contrat de travail (art. L. 421-1 et L. 421-3 du CESEDA).

 

Une circulaire du Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer et du Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités en date du 5 février 2024, à destination des préfets, précise les modalités d'instruction des demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre des métiers en tension.

 

  • S'agissant du critère d'expérience professionnelle et d'emploi dans un métier en tension :

Afin de démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure, le travailleur étranger peut, par exemple, produire des bulletins de salaire dès lors qu'ils attestent d'une activité au moins égale à un mi-temps mensuel.

Il peut également justifier occuper un emploi dans un métier en tension au jour de la décision par tout moyen en produisant, notamment, son contrat de travail.

 

  • S'agissant du critère de résidence :

Le travailleur étranger peut démontrer par tout moyen l'ancienneté de sa résidence en France. Il peut fournir des documents émanant d'une administration publique (documents URSSAF ou France Travail, etc.) ou d'une institution privée (bulletins de salaire, contrat de mission, certificat médical, etc.).

 

  • S'agissant du critère de l'intégration :

Afin de démontrer son insertion sociale et familiale, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci, le travailleur étranger peut produire des pièces justificatives comme des attestations de cercles familiaux, les adhésions à des associations, les activités bénévoles, la participation aux activités scolaires des enfants, etc.

Le préfet doit vérifier que les comportements du travailleur étranger ne traduisent pas un défaut d'adhésion aux valeurs de la société en matière de parentalité et d'éducation des enfants, d'égalité femme-homme, de violences sexistes et sexuelles, de discrimination, de laïcité, de respect de la démocratie et de l'état de droit et des droits et devoirs qui incombent aux demandeurs au quotidien, que ce soit dans l'emploi, dans le logement, dans le parcours de santé.

 

  • S'agissant de la demande d'autorisation de travail :

Après avoir examiné l'éligibilité du demandeur à l'admission exceptionnelle au séjour au titre d'un emploi dans un métier en tension, la préfecture transmet à la plateforme de main-d'œuvre étrangère, un formulaire rempli par le travailleur étranger. Pour l'instruction de l'autorisation de travail, ce formulaire liste les activités professionnelles exercées au titre d'un métier en tension, ainsi que les éléments propres à l'emploi qu'il occupe actuellement.

 

En résumé, un travailleur étranger en situation irrégulière peut se voir accorder un titre de séjour "travailleur temporaire" ou "salarié" d'une durée d'un an :

  • s'il remplit les conditions d'emploi dans un métier en tension, d'ancienneté de séjour et de travail en France ;
  • si le Préfet estime qu'il satisfait aux conditions relevant de son appréciation discrétionnaire (vérifications de la réalité du travail, niveau d'intégration à la société française, etc.) ;
  • si son casier judiciaire B2 est vierge.

 

Les nouvelles dispositions relatives à la carte de séjour "métiers en tension" ne tendent pas à pallier la pénurie de main-d'œuvre que subissent certains secteurs. En effet, bien que la démarche de régularisation soit simplifiée pour les étrangers "sans papiers" travaillant dans un métier en tension, le pouvoir d'appréciation plus restrictif du Préfet risque de freiner leur intégration en France en ne favorisant pas les régularisations.  

En somme, la loi immigration précarise un peu plus les travailleurs étrangers, notamment "sans papiers".

Le passeport talent devient le titre de séjour portant la mention talent

Avant la loi immigration   Après la loi immigration
  • Passeport talent :
    • Étranger exerçant une activité professionnelle et ayant un diplôme de niveau master
    • Étranger recruté dans une JEI réalisant des projets de recherche et de développement
    • Étranger recruté dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement
    • Étranger en mission professionnelle
    • Étranger ayant un diplôme de niveau master ou une certaine expérience professionnelle, qui crée une entreprise en France
    • Étranger qui justifie d'un projet économique innovant, reconnu par un organisme public
    • Étranger qui procède à un investissement économique direct en France
    • Étranger mandataire social d'une entreprise française
    • Étranger qui exerce une profession artistique et culturelle
    • Étranger ayant une renommée nationale ou internationale
  • Talent-salarié qualifié :
    • Étranger exerçant une activité professionnelle et ayant un diplôme de niveau master
    • Étranger recruté dans une JEI réalisant des projets de recherche et de développement
    • Étranger recruté dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement
    • Étranger en mission professionnelle
  • Talent-porteur de projet :
    • Étranger ayant un diplôme de niveau master ou une certaine expérience professionnelle, qui crée une entreprise en France
    • Étranger qui justifie d’un projet économique innovant, reconnu par un organisme public
    • Étranger qui procède à un investissement économique direct en France
  • Talent :
    • Étranger mandataire social d'une entreprise française
    • Étranger qui exerce une profession artistique et culturelle
    • Étranger ayant une renommée nationale ou internationale
  • Passeport talent-carte bleue européenne :
    • Étranger occupant un emploi hautement qualifié
  • Passeport talent-chercheur :
    • Étranger titulaire d'un diplôme de niveau master qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire
  • Passeport talent-chercheur-programme de mobilité :
    • Étranger chercheur exerçant dans le cadre d'un programme de mobilité
 
  • Talent‑profession médicale et de la pharmacie : Nouveauté
    • Étranger occupant un emploi de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien
  • Talent-carte bleue européenne :
    • Étranger occupant un emploi hautement qualifié
  • Talent-chercheur :
    • Étranger titulaire d'un diplôme de niveau master qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire
  • Talent-chercheur-programme de mobilité :
    • Étranger chercheur exerçant dans le cadre d'un programme de mobilité

 

Le passeport talent permettait à un étranger souhaitant travailler en France plus de 3 mois, de bénéficier d'une carte de séjour pluriannuelle. La durée de validité de cette carte pouvait aller jusqu'à 4 ans et elle était renouvelable. Cette carte de séjour a été créée pour simplifier l'installation des étrangers salariés ou non-salariés qui voulaient contribuer à l'attractivité économique de la France. Elle pouvait être délivrée dans les cas suivants :

  • Salarié qualifié
  • Recrutement dans une entreprise innovante
  • Emploi hautement qualifié
  • Salarié en mission
  • Chercheur
  • Création d'entreprise
  • Projet innovant reconnu par un organisme public
  • Investisseur
  • Mandataire social
  • Profession artistique et culturelle
  • Personne de renommée internationale

La loi immigration change la dénomination de cette carte de séjour pluriannuelle : le passeport talent devient le titre de séjour portant la mention talent. Les mentions "passeport talent", "passeport talent-carte bleue européenne", "passeport talent-chercheur" et "passeport talent-chercheur-programme de mobilité", sont remplacées par celles de "talent", "talent‑salarié qualifié", "talent‑porteur de projet" "talent-carte bleue européenne", "talent-chercheur", "talent-chercheur-programme de mobilité" et "talent‑profession médicale et de la pharmacie".

La loi immigration unifie les quatre régimes à destination des étrangers jeunes diplômés et qualifiés ("talent-salarié qualifié") et les trois régimes liés à la poursuite de projets économiques ("talent-porteur de projet").

Titre de séjour portant la mention "talent‑salarié qualifié"

Peut se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "talent‑salarié qualifié" d'une durée maximale de 4 ans, l'étranger qui se trouve dans une des situations suivantes (nouvel art. L. 421‑9 du CESEDA) :

  • Il exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ;
  • Il est recruté dans une jeune entreprise innovante (JEI) réalisant des projets de recherche et de développement[6] ;
  • Il est recruté dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec son développement économique, social, international et environnemental (les critères permettant à un organisme public de reconnaître une entreprise innovante seront définis par décret et leur liste publiée par voie réglementaire) ;
  • Il vient en France dans le cadre d'une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe. Il justifie, outre une ancienneté professionnelle d'au moins 3 mois dans le groupe (ou l'entreprise) établi hors de France, d'un contrat de travail conclu avec l'entreprise établie en France.

La carte de séjour "talent‑salarié qualifié" permet l'exercice de l'activité professionnelle salariée ayant justifié sa délivrance. L'étranger n'a pas besoin d'autorisation de travail.

À titre exceptionnel, le salarié étranger diplômé exerçant une activité professionnelle, le salarié étranger recruté dans une JEI et le salarié d'une entreprise innovante reconnue par un organisme public peuvent renouveler leur carte de séjour même s'ils sont au chômage. Lorsqu'ils sont involontairement privés d'emploi à la date du renouvellement de cette carte, elle est renouvelée pour une durée équivalente à celle des droits qu'ils ont acquis à l'allocation d’assurance chômage.

 

 

Titre de séjour portant la mention "talent‑porteur de projet"

Peut se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "talent‑porteur de projet" d'une durée maximale de 4 ans, l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes (nouvel art. L. 421‑16 du CESEDA) :

  • Il justifie d'un projet économique réel et sérieux et crée une entreprise en France. En outre, il a obtenu un diplôme équivalent au grade de master ou peut attester d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans d'un niveau comparable ;
  • Il justifie d'un projet économique innovant, reconnu par un organisme public ;
  • Il procède à un investissement économique direct en France.

Cette carte permet l'exercice d'une activité commerciale en lien avec le projet économique ayant justifié sa délivrance et dispense l'étranger d'une autorisation de travail.

Création du titre de séjour portant la mention "talent‑profession médicale et de la pharmacie"

La loi immigration crée une nouvelle carte de séjour pluriannuelle au bénéfice des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (PADHUE). Peut se voir délivrer une carte pluriannuelle portant la mention "talent‑profession médicale et de la pharmacie" d'une durée maximale de 4 ans, l'étranger qui (art. L. 421‑13‑1 du CESEDA) :

  • occupe un emploi de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien[7] ;
  • a réussi les épreuves anonymes de vérification des connaissances - EVC (il bénéficie d'une décision d'affectation, d'une attestation permettant un exercice temporaire ou d'une autorisation d'exercer)[8] ;
  • justifie du respect d'un seuil de rémunération (qui sera fixé par décret) ;
  • a signé la charte des valeurs de la République et du principe de laïcité.

Cette carte permet l'exercice de l'activité professionnelle ayant justifié sa délivrance et vaut autorisation de travail.


Doublement des amendes dues par les employeurs qui embauchent des étrangers en situation irrégulière de séjour

Les amendes pénales dues en cas d'emploi d'étrangers non autorisés à travailler ont été doublées. L'infraction d'emploi d'étrangers non autorisés à travailler est punie d'un emprisonnement de 5 ans et d'une amende de 30 000 € (contre 15 000 € auparavant). Ces peines sont portées à un emprisonnement de 10 ans et une amende de 200 000 € (contre 100 000 € auparavant) lorsque l'infraction est commise en bande organisée (circonstance aggravante de par l'organisation mise en place en vue du délit).

 

Point sur la décision du Conseil constitutionnel :

Par sa décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

L'ensemble des dispositions relatives à l'emploi des travailleurs étrangers ont été validées par le Conseil constitutionnel.

En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré plus d'un tiers de la loi, notamment :

  • la mesure de l'article 1er prévoyant la fixation par le Parlement d'un quota migratoire ;
  • les articles 3, 4 et 5 durcissant les conditions permettant à un étranger en situation régulière d'être rejoint, au titre du regroupement familial, par des membres de sa famille ;
  • les articles 6 et 8 durcissant les conditions relatives au lien que l'étranger doit avoir avec un ressortissant français ou un étranger titulaire de la carte de résident pour se voir délivrer un titre de séjour pour motif familial ;
  • les articles 9 et 10 modifiant les conditions de délivrance d'un titre de séjour pour un motif tenant à l'état de santé de l'étranger en restreignant l'accès au séjour des étrangers malades ;
  • les articles 11, 12 et 13 relatifs, d'une part, à certaines conditions de délivrance d'un titre de séjour pour motif d'études et, d'autre part, aux frais d'inscription des étudiants étrangers dans certains établissements d'enseignement supérieur (dépôt d'une "caution de retour" pour les étudiants étrangers) ;
  • l'article 15 excluant les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée en Île‑de‑France, aux personnes remplissant des conditions de ressources, pour certains titres de transport en commun ;
  • l'article 16 prévoyant qu'un visa de long séjour est délivré de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d'une résidence secondaire en France ;
  • l'article 17 rétablissant le délit de séjour irrégulier d'un étranger majeur ;
  • l'article 19 soumettant le bénéfice du droit au logement, de l'APL, de l'allocation personnalisée d'autonomie et des prestations familiales pour l'étranger non ressortissant de l'Union européenne à une condition de résidence en France d'une durée d'au moins 5 ans ou d'affiliation au titre d’une activité professionnelle depuis au moins 30 mois ;
  • les articles 24, 25, 26 et 81 réformant certaines règles du Code civil relatives au droit de la nationalité (durcissement des conditions d'accès à la nationalité française des jeunes nés en France de parents étrangers ; ajout d'un motif de déchéance de nationalité) ;
  • l'article 38 autorisant l'officier de police judiciaire à procéder au relevé d'empreintes digitales ou à la prise de photographie d'un étranger sans son consentement ;
  • les paragraphes III et IV de l'article 47 prévoyant que l'aide internationale au développement doit prendre en compte le degré de coopération des États en matière de lutte contre l'immigration irrégulière ;
  • l'article 67 modifiant les conditions d'hébergement d'urgence des étrangers sans abri ou en détresse visés par une mesure d’éloignement ;
  • l'article 68 intégrant les centres d’hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et des structures d'accueil des étrangers qui ne disposent pas d'un hébergement stable et qui manifestent le souhait de déposer une demande d'asile dans le décompte des logements sociaux par commune ;
  • l'article 69 supprimant la possibilité pour les déboutés du droit d'asile de se maintenir dans un hébergement du dispositif national d'accueil, sauf décision motivée de l'administration.

 


[1] Le bulletin n° 2 du casier judiciaire contient certaines des condamnations judiciaires et des sanctions administratives d'une personne. Seul un employeur et les autorités publiques habilitées peuvent le demander.

[2] Article L. 421-34 du CESEDA

[3] Article L. 422‑1 du CESEDA

[4] Article L. 521‑7 du CESEDA

[5] L'étranger qui sollicite un document de séjour s'engage, par la souscription d'un contrat d'engagement au respect des principes de la République, à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution, l'intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.

[6] Une JEI est une entreprise employant moins de 250 personnes et réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions € ou ayant un bilan total inférieur à 43 millions €.

Elle doit avoir été créée depuis moins de 8 ans.

Elle doit réaliser des dépenses de R&D représentant au moins 15 % des charges.

Son capital doit être détenu pour 50 % au minimum par une personne physique, une autre JEI, détenue au moins à 50 % par des personnes physiques, une association ou fondation reconnue d'utilité publique à caractère scientifique, un établissement public de recherche et d'enseignement ou une de ses filiales ou une société d'investissement.

La JEI doit exercer une activité nouvelle (qui n'a pas été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités déjà existantes ou d'une reprise de telles activités.

[7] Articles L. 4111‑1 et L. 4221‑12‑1 du Code de la santé publique

[8] Articles L. 4111‑2 et L. 4221‑12 du Code de la santé publique

Partager cet article