Le protocole d'accord préélectoral : ne négligez pas son élaboration !

Le protocole d'accord préélectoral est un des documents essentiels lors du renouvellement du CSE. Tout comme l'accord de fonctionnement du CSE, le protocole préélectoral caractérise l'importance que peuvent avoir les organisations syndicales dans la construction du CSE.

 

Article extrait de Décodage n°24 | Mars 2023


 

Le protocole d'accord préélectoral a pour objet d'organiser les élections professionnelles et la composition du CSE. Les dispositions du Code du travail relatives aux élections des représentants du personnel prévoient la nécessité d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales sur un certain nombre de points.

Le protocole d'accord préélectoral doit être négocié habilement afin d'éviter tout litige par la suite et favoriser la mise en place sereine du CSE. En effet, en cas d'échec des négociations ou si aucun syndicat habilité ne se présente à la négociation, les représentants du personnel n'ont plus la main sur la mise en place des élections professionnelles et la construction du CSE. Il appartient alors à l'employeur de déterminer unilatéralement certaines modalités d'organisation et de déroulement du scrutin.


La négociation du protocole d'accord préélectoral

L'employeur doit initier l'organisation des élections professionnelles. Dès lors que les conditions de mise en place sont réunies[1] et que l'instance doit être renouvelée, l'employeur doit inviter les organisations syndicales à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux élections professionnelles[2]  :

  • les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l'entreprise ou l'établissement concerné (syndicats implantés mais ne remplissant pas toutes les conditions pour être représentatifs) ;
  • les organisations syndicales reconnues représentatives dans l'entreprise ou l'établissement (syndicats représentatifs) ;
  • les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement ;
  • les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel (syndicats affiliés).

En cas de renouvellement de l'instance, l'employeur doit informer les syndicats implantés par tout moyen et les syndicats représentatifs, les syndicats ayant constitué une section syndicale et les syndicats affiliés par courrier[3]. Cette information doit s'effectuer 2 mois avant l'expiration des mandats des élus en exercice ou au plus tard 15 jours avant la tenue de la première réunion de négociation.

Exemple de calendrier

Dans les entreprises dont l'effectif est compris entre 11 et 20 salariés, l'employeur invite les organisations syndicales susvisées, à la négociation du protocole d'accord préélectoral, à la condition qu'au moins un salarié se soit porté candidat aux élections dans un délai de 30 jours à compter de l'information faite au personnel par l'employeur de l'organisation des élections professionnelles[4]. Cela signifie qu'en cas de carence de candidature dans un délai de 30 jours à compter de l'information des salariés de la tenue des élections professionnelles, l'employeur n'est pas obligé d'inviter les syndicats à négocier le protocole d'accord préélectoral.

Par ailleurs, l'employeur est tenu d'informer les salariés de l'organisation des élections par tout moyen[5].
Le document diffusé précise alors la date envisagée pour le premier tour, qui doit se tenir, au plus tard, 90 jours suivant la diffusion de l'information.

Concernant l'invitation, des syndicats ayant constitué une section syndicale, à la négociation du protocole d'accord préélectoral, la chambre sociale de la Cour de cassation a récemment apporté des précisions dans un arrêt du 8 décembre 2021[6].

Dans cette affaire, aucune organisation ne s'est présentée à la négociation, l'employeur a donc organisé seul le scrutin. Un syndicat saisit le tribunal judiciaire et demande l'annulation des élections car il estime que l'employeur a manqué à son obligation consistant à inviter à la négociation les syndicats ayant constitué une section syndicale. Il demande également à être convoqué à la négociation d'un nouveau protocole.

Pour être valablement constituée, une section syndicale doit compter au moins 2 adhérents[7]. L'employeur n'a pas invité ce syndicat car il estimait que la section syndicale n'existait plus puisqu’elle ne comportait plus d'adhérents.

Pour la Cour de cassation, une contestation relative à l'existence d'une section syndicale peut être soulevée à l'occasion d'un litige relatif à l'invitation des organisations syndicales à la négociation du protocole d'accord préélectoral. L’employeur n’a pas à faire constater devant le juge la perte d’existence de la section syndicale avant l’organisation des élections.

Il appartient alors au syndicat de justifier que la section syndicale qu'il a constituée comporte au moins 2 adhérents à la date de l'invitation à la négociation du protocole d'accord préélectoral.

De plus, l'employeur se doit de mener les négociations du protocole d'accord préélectoral de manière loyale, notamment en mettant à disposition des organisations syndicales participant à la négociation les éléments d'information indispensables à celle-ci[8] (ex : éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité de la liste électorale au cours de la négociation préélectorale : registre unique du personnel et les déclarations sociales des années concernées dans des conditions permettant l'exercice effectif de leur consultation, copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels touchant notamment à la rémunération des salariés ; informations nécessaires à un contrôle réel de la répartition du personnel et des sièges dans les collèges : données nominatives sur les fonctions et la classification des salariés).

Le manquement à l'obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l'accord, même s'il a été conclu aux conditions de majorité requises.


Contenu du protocole d'accord préélectoral

Les clauses de l'accord préélectoral doivent respecter l'ordre public et notamment les principes généraux du droit électoral[9]. Par ailleurs, cet accord doit contenir des clauses obligatoires. Les organisations syndicales et l'employeur peuvent également négocier des clauses plus favorables, aux salariés ou aux représentants du personnel à élire, que les dispositions légales ou conventionnelles.

Clauses prohibées

L'accord préélectoral ne peut pas contenir de dispositions qui :

  • suppriment le collège cadre dès lors que sa constitution est obligatoire[10] [11] ;
  • privent les salariés de leurs droits électoraux ;
  • dérogent à la règle de représentation équilibrée femmes-hommes pour la constitution des listes de candidats[12] ;
  • privent les électeurs de la possibilité de rayer le nom d'un ou plusieurs candidats qui figurent sur les bulletins de vote[13].

Clauses obligatoires

Le protocole préélectoral doit comporter un certain nombre de dispositions :

  • les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales[14];
  • la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux[15];
  • si l'instance est un CSE central, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges[16];
  • la mention de la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole (représentation équilibrée femmes-hommes)[17].

Clauses facultatives

Le protocole préélectoral peut notamment comporter des dispositions relatives à :

  • la modification du nombre de sièges ou du volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise[18] ;
  • la possibilité d'écarter la limitation de 3 mandats successifs pour les membres élus du CSE dans les entreprises ou établissements dont l'effectif est compris entre 50 à 300 salariés[19] ;
  • l'augmentation du nombre de représentants du personnel à élire ;
  • l'octroi d'un crédit d'heures aux candidats ;
  • la suppression de la condition d'ancienneté pour être électeur et éligible.

 

Modification de la définition de l'électorat et de l'éligibilité aux élections professionnelles par ladite "marché du travail" du 21 décembre 2022

Dans une décision du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l'article L. 2314-18 du Code du travail relatif aux conditions pour être électeur aux élections professionnelles[20]. Cet article précise que "Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques.".

Selon le Conseil, cet article tel qu'interprété par la Cour de cassation prive certains salariés de toute possibilité de participer en qualité d'électeur à l'élection du CSE. En effet, la Cour de cassation juge de manière constante[21] que ne peuvent ni exercer un mandat de représentation du personnel, ni être électeurs les salariés qui :

- soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ;

- soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel.

Le Conseil constitutionnel a laissé au législateur jusqu'au 31 octobre 2022 pour réécrire cet article sur les conditions d'électorat.

Le législateur s'est emparé du sujet dans la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail. Il réécrit l'article L. 2314-18 qui précise désormais que "sont électeurs l'ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques". Cette nouvelle définition de l'électorat permet donc d'inclure dans le corps électoral aussi bien les salariés assimilés au chef d’entreprise, car disposant d'une délégation écrite particulière d'autorité, que ceux qui représentent effectivement l'employeur devant le CSE.

Cet article entre en vigueur le 31 octobre 2022, la nouvelle définition des conditions d'électorat est donc rétroactive. On peut s'interroger sur l'application de cette rétroactivité qui peut être source d'insécurité juridique pour les entreprises dans lesquelles les élections professionnelles ont été engagées depuis cette date.

 

Le législateur en a également profité pour consacrer une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation relative à l'inéligibilité de certains salariés[22]. Il complète l'article L. 2314-19 du Code du travail relatif aux conditions d'éligibilité, en précisant que les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou ceux qui le représentent effectivement devant le CSE, ne peuvent pas se porter candidats aux élections professionnelles.

Il en résulte que les cadres dirigeants, les cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l'entreprise une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise ou encore les salariés représentant l'employeur aux réunions du CSE, peuvent participer au scrutin des élections professionnelles mais ne peuvent pas exercer un mandat de représentation du personnel.

 


Conditions de validité du protocole d'accord préélectoral

La validité du PAP suit des règles différentes selon la nature des dispositions.

Double majorité

La validité d’un protocole d'accord préélectoral est subordonnée à une condition de double majorité, sauf les dispositions du protocole pour lesquelles une disposition législative contraire existe (cas dans lesquels un accord unanime ou un accord collectif sont nécessaires)[23].

La condition de double majorité suppose que :

  • le protocole préélectoral doit être signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé
    à sa négociation ;
  • parmi cette majorité d’organisations syndicales, le protocole préélectoral doit être signé par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors
    des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.

Le terme de "majorité", se suffisant à lui-même, implique au moins la moitié des voix plus une[24]. Lorsque la majorité est calculée en fonction du nombre de participants, il faut que plus de la moitié des participants à la négociation aient signé l'accord préélectoral. À titre d'exemple, la Cour de cassation a déjà jugé que si deux syndicats négocient et qu'un seul signe le protocole, la condition de majorité n'est pas remplie[25]. Autre exemple : si 4 organisations syndicales participent à la négociation du protocole, la condition de majorité est remplie si 3 organisations le signent.

Cela signifie que pour qu’un protocole d'accord préélectoral soit valide, d’une part, la majorité des syndicats ayant participé à sa négociation doivent le signer.

D’autre part, parmi cette majorité de syndicats, doivent compter les syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.

Exemples de dispositions nécessitant la double majorité :

  • les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales[26] ;
  • la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel[27] ;
  • la répartition du personnel dans les collèges électoraux[28] ;
  • si l'instance est un CSE central, la répartition des sièges entre les différents établissements et les différents collèges[29] ;
  • la représentation des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés[30] ;
  • la répartition des sièges dans les entreprises de travail temporaire[31] ;
  • la possibilité d'écarter la limitation de 3 mandats successifs pour les membres élus du CSE dans les entreprises ou établissements dont l'effectif est compris entre 50 à 300 salariés[32] ;
  • la modification du nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation dès lors que le volume global de ces heures, au sein de chaque collège, est au moins égal à celui résultant des dispositions légales au regard de l'effectif de l'entreprise[33].

Accord unanime

Un accord unanime suppose qu'il soit signé par l'employeur et l'ensemble des syndicats représentatifs.

Dispositions nécessitant l'unanimité :

  • la modification du nombre et de la composition des collèges électoraux[34] ;
  • l'organisation du scrutin en dehors du temps de travail[35].

 

Accord collectif

Certaines dispositions doivent être négociées dans un accord collectif de droit commun.

Dispositions nécessitant un accord collectif :

  • la réduction de la durée du mandat des membres du CSE entre 2 et 4 ans[36] ;
  • la mise en place de l'élection par vote électronique (elle peut également être mise en place par décision unilatérale de l'employeur)[37].

 

 

Précisions sur le recours contre la décision de l’autorité administrative fixant la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux

Dans le cadre des élections professionnelles devant se tenir au sein d'une UES, un accord collectif relatif à la représentation du personnel au sein de cette dernière a été conclu. À la suite de l'échec de la négociation du protocole d'accord préélectoral, la DIRECCTE a été saisie afin de procéder à la répartition du personnel au sein des collèges et à la répartition des sièges. La DIRECCTE a refusé cette demande, car elle considère que le périmètre des établissements distincts n'avait pas été au préalable clairement défini ni par l'accord collectif ni par décision unilatérale de l'employeur. Les sociétés de l'UES ont donc demandé au tribunal judiciaire de procéder à la répartition du personnel au sein des collèges et à la répartition des sièges au regard des dispositions de l'accord collectif, au besoin en l'interprétant. Le juge s'est déclaré incompétent.

En principe, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux se négocie dans le protocole d'accord préélectoral. En cas d'échec des négociations et si au moins un syndicat a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur, l'autorité administrative, à savoir la Dreets (ancienne DIRECCTE) décide de cette répartition entre les collèges électoraux. À cet effet, l'autorité administrative se conforme soit aux modalités de répartition prévues par accord, soit, à défaut d'accord, à celles prévues dans le Code du travail. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (Article L. 2314-13 du Code du travail).

Par ailleurs, en cas de litige portant sur la décision de l'employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, il revient à l'autorité administrative de les fixer. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (Article L. 2313-8).

La Cour de cassation a censuré le jugement du tribunal judiciaire.

Dans un premier temps, elle explique que dès lors que la détermination du périmètre des établissements distincts est préalable à la répartition des salariés dans les collèges électoraux de chaque établissement, il incombe à l'autorité administrative de procéder à la répartition sollicitée par application de l'accord collectif définissant les établissements distincts et leurs périmètres respectifs.

Elle considère, ensuite, qu'il revient au tribunal judiciaire saisi du recours formé contre la décision de la DIRECCTE, d'une part, d'annuler la décision administrative ayant refusé d'appliquer un accord collectif relatif au périmètre des établissements distincts et d'autre part, d'interpréter l'accord collectif afin de procéder ensuite à la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux au sein des établissements distincts ainsi délimités, par une décision se substituant à celle de la DIRECCTE.

Cass soc., 14 décembre 2022, n°21-19.551

 

Précisions sur le recours contre la décision de l’autorité administrative fixant la répartition des sièges entre les différents établissements au sein d'un CSE central

La saisine du Dreets afin qu'il procède à la répartition des sièges entre les différents établissements, suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative. La décision peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Il en résulte que la décision implicite de rejet d'une demande de procéder à la répartition des sièges entre les différents établissements au sein du CSE central ne peut pas être ultérieurement retirée par le Dreets. L'employeur ou les syndicats intéressés peuvent alors saisir, dans un délai de 15 jours, le tribunal judiciaire afin qu'il soit statué sur la répartition.

Cass. soc., 2 février 2022, n° 20-60.262

 

En cas de répartition des sièges et du personnel dans les collèges électoraux, la Dreets n'intervient qu'à l'issue d'une négociation loyale

La répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux sont fixées dans le protocole d'accord préélectoral. Lorsqu'au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que le protocole d'accord préélectoral ne peut être obtenu, l'autorité administrative (la Dreets) décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par accord, soit, à défaut d'accord, à celles prévues dans le Code du travail (article L. 2314-11).

Il en résulte que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n'a pu être conclu que la Dreets peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.

Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 21-11.420


Durée de validité d'un protocole d'accord préélectoral

Le protocole d'accord préélectoral n'est valable que pour les élections pour lesquelles il a été conclu,
sauf tacite reconduction[38]. En cas de tacite reconduction, l'employeur et les syndicats doivent tout de même fixer les modalités pratiques du vote (lieu, date, heure, etc.).

Le protocole préélectoral peut également prévoir sa dénonciation par les parties signataires de l'accord.
Les règles applicables à la dénonciation d'un accord collectif de droit commun[39] ne s'appliquent pas
au protocole préélectoral[40]. Ainsi, la dénonciation du protocole n'a pas à avoir de forme particulière. L'accord peut être dénoncé par lettre[41] ou en saisissant le juge[42] par exemple. De plus, dès sa dénonciation, le protocole cesse de faire effet[43].


Contestation

Toute personne physique ou morale qui y a un intérêt peut contester l'électorat et la régularité du déroulement des opérations électorales, devant le tribunal judiciaire[44]. Ainsi, les personnes pouvant contester les élections professionnelles sont l'employeur, les organisations syndicales et les salariés de l'entreprise (candidats et électeurs).

Lorsque la contestation porte sur l'électorat, le juge doit être saisi dans les 3 jours suivant la publication de la liste électorale[45]. Lorsqu'elle porte sur la régularité des opérations électorales, le juge doit être saisi dans les 15 jours suivant l'élection.

Les dispositions du protocole préélectoral s'imposent à ses signataires. La partie qui a signé un accord électoral n'est pas recevable à en contester l'application[46]. Par ailleurs, un syndicat ne peut remettre en cause un protocole préélectoral après l'avoir signé sans réserve[47].

Un syndicat non-signataire de l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré, et garde donc le droit de le contester même s'il présente des candidats aux élections, à condition de formuler ses réserves sur cet accord lors du dépôt de sa liste de candidats[48].          
Si le syndicat non-signataire ne formule pas de réserves, il est réputé avoir tacitement accepté les dispositions du protocole.

La Cour de cassation apporte des précisions dans un arrêt récent en date du 24 novembre 2021. Un syndicat, qui, soit a été signataire du protocole préélectoral, soit a présenté des candidats sans émettre de réserves, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité du protocole d'accord préélectoral et demander l'annulation des élections, quand bien même invoquerait-il une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d'ordre public[49].

De même, lorsque l'employeur ne respecte pas son obligation de mener les négociations du protocole loyalement, seul un syndicat n'ayant pas signé le protocole et ayant émis des réserves expresses avant de présenter des candidats peut contester judiciairement (avant le premier tour des élections ou postérieurement) le protocole[50]. Ce manquement de l'employeur constitue alors une cause de nullité du protocole préélectoral, même si le protocole a été signé aux conditions de validité requises.

 

Cela signifie que, quel que soit le motif de contestation, un syndicat qui souhaite contester judiciairement un protocole d'accord préélectoral :

  • ne doit pas être signataire du protocole ;
  • s'il n'est pas signataire et qu'il a présenté des candidats, il doit avoir préalablement émis des réserves expresses sur ce protocole (en pratique, ces réserves sont mentionnées sur la liste de candidats) ;
  • s'il est signataire, il doit avoir émis des réserves expresses sur ce protocole au plus tard lors du dépôt de ses listes de candidats.

La contestation relative à l'électorat peut porter sur la régularité de l'élection

Un syndicat a saisi le tribunal judiciaire afin qu'il ordonne la rectification des listes électorales dans le but de reconnaître la qualité d'électeur de directeurs qui avaient été exclus de ces listes. Cette saisine est intervenue selon le délai légal de 3 jours suivant la publication de la liste électorale.

La Cour de cassation constate que le syndicat n'a pas contesté la régularité des élections des membres du CSE. Par conséquent, ces élections sont purgées de tout vice et l'action du syndicat tendant à ordonner la rectification des listes électorales est irrecevable.

En effet, il est de jurisprudence constante que la contestation qui porte sur la participation d'une catégorie de personnel déterminée aux opérations électorales est susceptible d'affecter la régularité des élections (Cass. soc., 9 sept. 2020, n° 19-19.322). Il en résulte que le syndicat aurait également dû contester la régularité des élections dans le délai légal de 15 jours suivant l'élection.

Cass. soc., 2 févr. 2022, n° 20-21.584

 

Délai pour agir en cas de contestation des élections en raison du périmètre des établissements distincts

La requête en annulation portant sur les résultats des élections qui fait suite à la contestation du périmètre des établissements dans lesquels les élections ont eu lieu, lequel n'est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les 15 jours suivant la proclamation des résultats des élections. La requête formée dans le délai de 15 jours suivant le second tour de l'élection est donc recevable

Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-17.286

 

N'hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez une assistance ou une formation sur le sujet.

 


[1] Franchissement du seuil d'effectifs de 11 salariés pendant 12 mois consécutifs (art. L. 2311-2 du Code du travail)

[2] Art. L 2314-5 du Code du travail

[3] Art. L. 2314-5 du Code du travail

[4] Art. L. 2314-5 du Code du travail

[5] Art. L. 2314-4 du Code du travail

[6] Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-16.696

[7] Art. L. 2142-1 du Code du travail, Cass. soc., 8 juillet 2009, n° 09-60.011

[8] Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 19-10.780

[9] Art. L. 2314-28 du Code du travail

[10] Art. L. 2314-12 du Code du travail

[11] Art. L. 2314-11 du Code du travail : dans les entreprises dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés, est au moins égal à 25 alors ces catégories constituent un troisième collège.

[12] Art. L. 2314-30 du Code du travail ; Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 19-10.826

[13] Art. L. 2314-29 du Code du travail ; Cass. soc., 9 novembre 1983, n° 82-60.635

[14] Art. L. 2314-28 du Code du travail

[15] Art. L. 2314-13 du Code du travail

[16] Art. L. 2316-8 du Code du travail

[17] Art. L. 2314-31 du Code du travail

[18] Art. L. 2314-7 du Code du travail

[19] Art. L. 2314-33 du Code du travail

[20] Décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021

[21] Cass. soc., 6 mars 2001, n° 99-60.553 ; Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233

[22] Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233

[23] Art. L. 2314-6 du Code du travail

[24] Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-21.903

[25] Cass. soc., 15 nov. 2017, n° 16-21.903

[26] Art. L. 2314-28 du Code du travail

[27] Art. L. 2314-13 du Code du travail

[28] Art. L. 2314-13 du Code du travail

[29] Art. L. 2316-8 du Code du travail

[30] Art. L. 2314-15 du Code du travail

[31] Art. L. 2314-16 du Code du travail

[32] Art. L. 2314-33 du Code du travail

[33] Art. L. 2314-7 du Code du travail

[34] Art. L. 2314-12 du Code du travail

[35] Art. L. 2314-27 du Code du travail

[36] Art. L. 2314-34 du Code du travail

[37] Art. L. 2314-26 du Code du travail

[38] Cass. soc., 21 mai 2003, n° 01-60.742 

[39] Art. L. 2261-9 du Code du travail

[40] Cass. soc., 21 mars 1995, n° 94-60.221

[41] Cass. soc., 22 juill. 1975, n° 75-60.103

[42] Cass. soc., 22 février 1996, n° 95-60.566

[43] Cass. soc., 21 mars 1995, n° 94-60.221

[44] Art. L. 2314-32 du Code du travail

[45] Art. R. 2314-24 du Code du travail

[46] Cass. soc., 10 juin 1997, n° 96-60.118

[47] Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-27.939

[48] Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-60.222

[49] Cass. soc., 24 novembre 2021, n° 20-20.962

[50] Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 19-10.780

Partager cet article