Principaux changements pour les salariés induits par la loi de finances pour 2023

La loi de finances pour 2023 est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Son adoption a été vivement critiquée en raison des multiples recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution par la Première ministre, Élisabeth Borne, qui permet l'adoption d'une loi sans la soumettre au vote des députés. Nous présentons ici quelques mesures concrètes pour les salariés.

 

Article extrait de Décodage n°23 | Janvier 2023


 

Augmentation du montant maximum des titres-restaurants et de la participation de l'employeur à leur financement

La participation de l'employeur au financement des titres-restaurants est désormais exonérée de cotisations de Sécurité sociale, dans la limite de 6.50 €.

Pour rappel, cette limite d'exonération était fixée à 5.92 € pour la période courant du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022 (contre 5.69 € précédemment).

Rappelons que, pour bénéficier de cette exonération de cotisations de Sécurité sociale, la contribution patronale au financement de l’acquisition des titres-restaurant doit être comprise entre 50 et 60 % de la valeur du titre.

Par conséquent, le montant maximum des titres-restaurants va être augmenté (13 € contre 11.84 € actuellement).

Cette mesure poursuit l'objectif du législateur d'augmenter le pouvoir d'achat des Français.

On peut cependant regretter que cette mesure, comme celles des lois relatives au pouvoir d'achat votées cet été, ne participe pas à l'augmentation concrète des salaires, alors que seule une partie des salariés bénéficie de ces titres. Par ailleurs, cette mesure vise à inciter les employeurs à augmenter la valeur des titres-restaurants qu'ils délivrent à leurs salariés, mais rien ne les y oblige.


Instauration d'un reste à charge pour les utilisateurs du CPF

La loi de finances pour 2023 insère dans le Code du travail une mesure qui impose au titulaire du CPF de participer au financement de la formation financée par son CPF. Cette participation pourra être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire, ces modalités devant être précisées dans un décret à venir.

Ainsi donc, désormais, les droits inscrits sur le CPF ne financeront les formations éligibles que de manière partielle (et non plus entièrement selon le coût de la formation comme auparavant).

  • Précision cependant : ni les demandeurs d'emploi ni les salariés qui construisent un projet de formation avec leur employeur et qui en conséquence reçoivent de sa part un abondement en droits complémentaires ne sont concernés par cette participation.

Pour rappel, le CPF permet de favoriser l'accès à la formation professionnelle de toute personne dès son entrée sur le marché du travail et jusqu'à sa retraite, il est alimenté à hauteur de 500 € par année de travail, dans la limite d’un plafond de 5 000 €.

Sont éligibles au financement par le CPF :

  • les formations ayant pour objectif l'acquisition d'une qualification comme un diplôme, un titre professionnel ou une certification professionnelle,
  • l'acquisition du socle de connaissances et de compétences,
  • l'accompagnement pour la validation des acquis de l'expérience (VAE),
  • les bilans de compétences,
  • la préparation des épreuves du permis de conduire,
  • les actions de formation d'accompagnement et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises,
  • les actions de formation à destination des bénévoles ou des volontaires du service civique ou encore des élus locaux dans certains cas.

Selon le législateur, le développement rapide du recours au CPF a contribué à la forte dégradation de la situation financière de France Compétences, qui a pour mission d’assurer le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage, et à ce titre, gère le financement du CPF. En outre, la Cour des comptes et la commission des affaires sociales du Sénat ont appelé à mettre en place une régulation du dispositif de CPF. Le reste à charge pour les titulaires du CPF est donc la solution trouvée par le législateur.

 

Cette solution qui vise à faire des économies budgétaires au détriment du droit à la formation est largement critiquable. Elle va à l'inverse des objectifs initiaux de ce dispositif qui étaient de permettre aux salariés "d'être acteurs de leur parcours professionnel" et ainsi de contribuer à leur montée en compétences ou en qualification. En imposant un reste à charge aux salariés, le risque est fort que cette mesure dissuade les salariés les moins qualifiés et dotés des plus bas salaires de recourir à ce dispositif. De plus, cette mesure va favoriser un peu plus l’utilisation du CPF par les entreprises pour financer leur plan de développement des compétences, faute d'autres subsides.

NB : 60 députés du Groupe Les Républicains (LR) ont saisi le Conseil Constitutionnel afin qu'il constate, notamment, que l'article relatif au CPF était un cavalier législatif (article de loi qui porte sur des mesures qui n'ont aucun rapport avec le sujet dont traite le projet ou la proposition de loi). Ils estimaient d'une part qu'il n'avait jamais été débattu et discuté car il avait été incorporé au dernier moment par le Gouvernement au sein du projet de loi et d'autre part que cet article ne rentrait manifestement pas dans le champ d'une loi de finances.

Par une décision du 29 décembre 2022, le Conseil constitutionnel estime que cette disposition affecte directement les dépenses budgétaires de l'année et d'années ultérieures, et en conséquence a sa place dans une loi de finances. En outre, cette disposition a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution selon le Conseil.

 


Suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

La CVAE est un impôt local dû par les entreprises qui réalisent un certain chiffre d'affaires, qui a été créé en 2010 et alimente le budget des collectivités territoriales.

La loi de finances pour 2023 prévoit la suppression sur deux ans de la CVAE (en 2023 et en 2024) afin "d'accroître la compétitivité des entreprises", notamment dans le secteur industriel, et "de participer à l’atteinte de l’objectif de plein emploi".

Rappelons cependant que les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles déplorent une décision qui sera dévastatrice pour le développement et l’accès aux services publics. De plus, selon France Urbaine, la suppression de la CVAE risque de désinciter les intercommunalités à faire des investissements en faveur de l’implantation des entreprises et du développement économique local, créateurs d’emplois. Cette mesure irait donc à l’encontre de son objectif [1].

NB : 60 députés de la NUPES ont saisi le Conseil Constitutionnel afin qu'il censure l'article relatif à la suppression de la CVAE car le droit d'amendement des députés n'a pas été respecté.

Le Conseil constitutionnel estime, dans sa décision en date du 29 décembre 2022, que la loi a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution et qu'il n'a pas été fait obstacle à l'exercice effectif du droit d'amendement.


Prolongation des expérimentations relatives aux CDD tremplins et aux entreprises adaptées de travail temporaire

Une entreprise adaptée est une entreprise qui a la particularité d'employer un certain nombre de personnes en situation de handicap.

Depuis 2018, une entreprise adaptée volontaire a la possibilité de conclure un CDD dit "tremplin" avec des travailleurs en situation de handicap. Ce CDD doit permettre à ces salariés de bénéficier d'un accompagnement individualisé durant lequel ils pourront élaborer un projet professionnel et se former. Ce CDD est d'une durée comprise entre 4 mois et 2 ans et a pour objet de faciliter la transition professionnelle de ces travailleurs vers des employeurs privés ou publics d'entreprises ordinaires.

En outre, depuis 2019, à titre expérimental, les entreprises adaptées ont la possibilité d'expérimenter la création d'entreprises de travail temporaire. L'entreprise adaptée de travail temporaire permet aux travailleurs en situation de handicap d'effectuer des missions d'intérim prenant en compte leurs possibilités liées à leur handicap au sein de différentes entreprises, tout en restant salariés de l'entreprise adaptée. Tout comme pour le CDD tremplin, cette expérimentation a pour objet de faciliter la transition professionnelle des travailleurs en situation de handicap vers des employeurs privés ou publics d'entreprises ordinaires.

Ces deux expérimentations devaient initialement se terminer le 31 décembre 2022 mais ont été prolongées jusqu'au 31 décembre 2023 par la loi de finances 2023, afin de pouvoir procéder à l'évaluation de l'efficacité de ces dispositifs et statuer sur leur pérennisation. En effet, la crise sanitaire et économique a conduit à neutraliser une année d'expérimentation et ces deux dispositifs ont démarré difficilement.


Ouverture du recours à l'activité partielle pour certains employeurs de droit public et les employeurs d'entreprises étrangères

La loi de finances pour 2023 intègre dans le Code du travail la possibilité pour certains employeurs de recourir à l'activité partielle. Il s'agit des :

  • employeurs de droit public pour leurs salariés de droit privé pour lesquels ils ont adhéré au régime d’assurance chômage, dès lors que leurs ressources proviennent en majorité de leur activité industrielle et commerciale ;
  • employeurs d'entreprises étrangères sans établissement en France, pour leurs salariés travaillant sur le territoire français et pour lesquels ils ont adhéré au régime d’assurance chômage français et s’acquittent des contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle.

Cette mesure était initialement temporaire et avait été mise en place durant la crise sanitaire par l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020, puis prolongée jusqu'au 31 décembre 2022 par la loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021.

Cette mesure s’appliquera aux demandes d’autorisation adressées à l’autorité administrative par ces employeurs à compter du 1er janvier 2023 et au titre des heures chômées à compter de la même date.

Pour rappel, les salariés sont placés en activité partielle, s'ils subissent une perte de rémunération en raison de :

  • la fermeture temporaire de leur établissement ;
  • la réduction de l'horaire de travail pratiqué dans l'établissement en deçà de la durée légale de travail (35 heures).

Par ailleurs, les salariés peuvent être placés en activité partielle individuellement et alternativement, en cas de réduction collective de l'horaire de travail.

À ce titre, les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur. Ce dernier perçoit une allocation financée conjointement par l'État et l'Unedic (organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage).

Avant la mise en activité partielle, l'employeur doit adresser une demande préalable d'autorisation d'activité partielle à l'autorité administrative du travail, accompagnée de l'avis du CSE qui doit être consulté (précision : pour les motifs de recours "sinistre ou intempérie de caractère exceptionnel" et "autre circonstance de caractère exceptionnel", et lorsque le CSE n’a pas pu être réuni, cet avis peut être recueilli postérieurement à la demande et adressé à l'autorité administrative dans un délai d’au plus deux mois à compter du dépôt de la demande d’autorisation préalable). Par ailleurs, le CSE, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, est informé à l’échéance de chaque autorisation des conditions dans lesquelles l’activité partielle a été mise en œuvre.

 

 


 

[1] Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez Perspectives n°10, consacré aux aides publiques

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