Salariés en CDD et intérimaires : le refus de 2 CDI peut entraîner la perte des droits au chômage

La loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi du 21 décembre 2022 a durci le cadre de l'indemnisation du chômage pour les salariés en CDD et les intérimaires. Elle a créé une mesure privant d'indemnisation d'assurance chômage les salariés en CDD ou intérimaires ayant refusé deux propositions de CDI à l'issue de leur contrat (CDD ou contrat de mission). Un décret publié le 28 décembre 2023 fixe les modalités de notification des propositions et de la décision de refus aux salariés et à France Travail. Ce décret crée l'article R. 1243-2 du Code du travail pour les CDD et l'article R. 1251-3-1 du Code du travail pour les contrats de missions.

Article extrait de Décodage n°32 | Février 2024


 

La loi marché du travail[1] a créé de nouvelles dispositions qui visent à priver les salariés d'indemnisation du chômage en cas de refus répétés d'une offre d'emploi en CDI proposée à la suite d'une mission d'intérim ou à l'échéance d'un CDD.

À l'issue de la mission d'intérim ou à l'échéance du terme du CDD, l'employeur ou l'entreprise utilisatrice a la possibilité de proposer au salarié concerné, une offre visant à poursuivre la relation contractuelle sous la forme d'un CDI. Pour que les nouvelles dispositions s'appliquent, si le salarié est intérimaire, l'entreprise utilisatrice doit lui proposer un CDI pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire et sans changement du lieu de travail. Si le salarié est en CDD, l'employeur doit lui proposer un CDI pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail.

L'employeur ou l'entreprise utilisatrice notifie cette proposition par écrit au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre remise en main propre contre décharge, ou par tout autre moyen donnant date certaine à sa réception, avant le terme du contrat. L'employeur ou l'entreprise utilisatrice accorde au salarié un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de CDI en lui indiquant qu'à l'issue de ce délai de réflexion, une absence de réponse de sa part vaut rejet de cette proposition. En cas de refus exprès ou tacite du salarié dans ce délai, l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour informer France Travail de ce refus.

 

Un flou demeure s'agissant de la nature de l'obligation et de la sanction applicable à l'employeur qui n'informerait pas France Travail. En effet, la mesure n'est assortie d'aucune sanction si l'employeur décide de ne pas informer France Travail ou oublie de l'informer. On peut imaginer que soit l'employeur n'encourra aucune sanction, soit il se rendra complice d'avoir permis à un salarié d'avoir obtenu de manière indue des allocations d'assurance chômage (délit d'escroquerie[2]).

Il faut attendre les précisions éventuelles du Ministère du Travail pour lever le flou…

 

L'employeur ou l'entreprise utilisatrice informe France Travail par voie dématérialisée sur une plateforme dédiée, consultable depuis le site internet de l'opérateur France Travail[3].

Lorsque le salarié concerné était en CDD, cette information est assortie d'un descriptif de l'emploi proposé et des éléments permettant de justifier dans quelle mesure :

  • L'emploi proposé est identique ou similaire à celui occupé ;
  • La rémunération proposée est au moins équivalente ;
  • La durée de travail proposée est équivalente ;
  • La classification de l'emploi proposé et le lieu de travail sont identiques.

Lorsque le salarié concerné était intérimaire, cette information est assortie d'un descriptif de l'emploi proposé et des éléments permettant de justifier dans quelle mesure :

  • L'emploi proposé est identique ou similaire à celui de la mission effectuée ;
  • Le lieu de travail est identique.

L'information de l'employeur ou de l'entreprise utilisatrice, destinée à France Travail, est également accompagnée de la mention :

  • Du délai laissé au salarié ou à l'intérimaire pour se prononcer sur la proposition de CDI ;
  • De la date de refus exprès du salarié ou de l'intérimaire, ou en cas d'absence de réponse, de la date d'expiration du délai de réflexion, au terme duquel le refus du salarié est réputé acquis.

Si France Travail constate que les informations fournies sont incomplètes, l'organisme adresse une demande d'éléments complémentaires à l'employeur, qui dispose d'un délai de 15 jours à compter de cette demande pour y répondre.

À réception des informations complètes, France Travail informe le salarié ou l'intérimaire concerné de la réception des éléments envoyés par l'employeur ou l'entreprise utilisatrice et des conséquences du refus de CDI sur l'ouverture de droit à l'allocation d'assurance. En effet, lorsque ce salarié devient demandeur d'emploi, le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage peut lui être refusé s'il est constaté qu'au cours des 12 derniers mois précédents, il a refusé à deux reprises une offre d'emploi en CDI. En revanche, s'il s'avère que le salarié a été employé en CDI au cours des 12 derniers mois précédents, il peut bénéficier de l'indemnisation de l'assurance chômage.

 

 

Néanmoins, le demandeur d'emploi ne peut pas être privé d'indemnisation lorsque la dernière proposition lui ayant été adressée n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l’emploi (PPAE), si celui‑ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte. Pour rappel, le PPAE définit la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois que recherche le demandeur d'emploi, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte d'un certain nombre de critères (qualifications, situation personnelle et familiale, situation du marché du travail local, etc.).

 

Cette mesure constitue une double peine pour les salariés en CDD car il existe déjà une mesure qui les prive de la prime de précarité lorsqu'ils refusent d'accepter à l'issue de leur CDD la conclusion d'un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente[4].

Par ailleurs, le régime d'assurance chômage pallie une perte involontaire d'un emploi. Avec cette mesure, l'indemnisation d'assurance chômage devient un moyen de pression à l'égard des salariés en CDD ou intérimaires pour qu'ils travaillent. Ni l'appétence pour l'emploi ni le désir de rechercher de meilleures conditions de travail n'est considéré. Les salariés sont privés du droit de choisir leur emploi, leur secteur d'activité et leurs conditions de travail. Ils sont également privés de rechercher un sens à leur travail.

Reste par ailleurs à savoir si les entreprises vont accepter de se soumettre à cette nouvelle obligation administrative qui ne leur apporte rien alors qu'elles réclament plus de simplification ?


 

Source : Code du travail numérique

 


[1] Art. L. 1243‑11‑1 et L. 1251‑33‑1 du Code du travail ; art. L. 5422‑1

[2] Art. L. 313-2 du Code pénal

[3] https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail

[4] Art. L. 1243-10 du Code du travail

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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