Signalement d’une situation discriminatoire : quelles sont les recommandations de la Défenseure des droits ?

Une personne sur trois en France déclare avoir personnellement été victime de discrimination ou de harcèlement discriminatoire. À la suite de sa saisine pour de nombreuses réclamations relatives aux enquêtes internes en matière de discrimination, la défenseure des droits a énoncé le 5 février 2025, diverses recommandations en la matière. Nous vous les présentons ici.

 

Article extrait de Décodage n° 40 | Avril 2025


 

Quelle est la valeur juridique des décisions-cadres de la Défenseure des droits ?

Claire Hédon, en tant que Défenseure des droits, a la possibilité de rendre des décisions-cadres. Concrètement il s’agit de recommandations. Ces dernières sont par la suite transmises aux divers ministres concernés. En l’occurrence la décision-cadre du 5 février dernier a été transmise à la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des familles, au ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, ainsi qu’à la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Les recommandations présentées ci-après concernent les enquêtes menées par les employeurs privés mais aussi les employeurs publics.

Le point de départ de ces recommandations est l’enquête Baromètre datant du mois de décembre 2024 menée par la Défenseure des droits et l’OIT sur la perception des discriminations dans l’emploi. Cette enquête a révélé que :

  • 68 % des actifs en France estiment que de nombreuses personnes sont discriminées en raison de critères interdits tels que l’état de santé, le handicap, l’origine ou le sexe.
  • 34 % de la population active déclare avoir été témoin de discrimination dans l’emploi fondée principalement sur l’origine, l’apparence physique, l’état de santé, le handicap, le sexe et l’identité de genre.
  • Une personne sur trois déclare avoir personnellement été victime de discrimination ou harcèlement discriminatoire.

Néanmoins le constat général est que ces pourcentages ne reflètent pas la réalité, en raison de la crainte des mesures de représailles, et le phénomène de discrimination en entreprise serait souvent passé sous silence.

Depuis la loi du 29 mars 2011 (loi organique n° 2011-333, 29 mars 2011, art. 20), il est établi que dans le cadre des réclamations dont est saisi le Défenseur des droits, il peut se faire communiquer par les employeurs le contenu complet des enquêtes internes sans que leur caractère confidentiel ne puisse lui être opposé.

En application de l’article 25 de cette loi, par la décision-cadre, la Défenseure des droits entend formuler des recommandations aux entreprises pour les accompagner dans le traitement des signalements de discrimination et dans le déroulement de l’enquête interne, externalisée ou non, l’objectif état de lutter contre toutes les formes de discrimination dans l’emploi. Cela vaut tant pour les salariés du secteur privé que pour les agents publics.


La mise en place de l’enquête par l’employeur

En droit privé comme en droit de la fonction publique, l’employeur a la faculté d’ouvrir une enquête dès lors qu’il a connaissance d’une situation de discrimination en vertu de son obligation de sécurité prévue par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. Il est tenu par des actions de formation et d’information et de mettre fin à la situation discriminatoire ou de harcèlement dès qu’il en est avisé (Cass. Soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702 ; Cass. Soc., 5 octobre 2016, n° 15-20.140).

En tout état de cause, l’employeur est responsable des faits de harcèlement ou de discrimination commis sur ses salariés par un autre salarié (Cass. Soc., 21 juin 2016, n° 05-43.914) y compris par un représentant du personnel dans l'exercice de son mandat (Cass. crim. 28 mai 2013 n° 11-88.009) ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ceux-ci (Cass. Soc., 1er mars 2011 n° 09-69.616 ; Cass. Soc., 19 octobre 2011 n° 09-68.272).

Dans les entreprises d’au moins 250 salariés, un salarié référent doit être désigné aux fins d’orienter, informer et accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Le rôle du référent employeur en matière de harcèlement, qu'il soit moral ou sexuel, est encadré par plusieurs dispositions légales du Code du travail. L'article L. 1152-4 impose à l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et traiter le harcèlement moral, notamment en mettant en place un dispositif de signalement et de gestion des plaintes. De même, l'article L. 1153-5 prévoit des obligations similaires pour le harcèlement sexuel, en soulignant l'obligation de mettre en place des procédures internes appropriées.

Le référent employeur, en tant qu'interlocuteur privilégié, a pour mission de mettre en œuvre ces mesures de prévention, de former les salariés et managers, de traiter les signalements de harcèlement et de veiller à la mise en place d'enquêtes internes en cas de besoin. Il doit également s'assurer que des mesures de protection sont prises pour les victimes, que des sanctions appropriées sont appliquées et que la confidentialité est respectée. Le référent est le garant du respect par l’employeur de ses obligations légales en matière de harcèlement, dans le cadre des procédures prévues par la loi. Ces obligations sont en particulier détaillées dans les articles L. 1152-4, L. 1153-5, et L. 2314-1 du Code du travail.

La défenseure des droits a pu constater que si les dispositifs internes se sont développés ces dernières années, les signalements internes donnent encore trop rarement lieu à de véritables enquêtes.

Or, le fait qu’une enquête interne soit mal réalisée alors que les faits signalés se poursuivent ou se reproduisent au sein du collectif de travail, peut affecter d’autres salariés ou agents mais également les décourager d’effectuer les signalements auprès de l’employeur. Le manque d’action de l’employeur face aux signalements reçus en matière de discrimination et de harcèlement discriminatoire contribue à leur persistance et l’absence de recours des victimes.

Notons que l’employeur dispose de la possibilité de confier l’enquête à un prestataire extérieur.


Les sources encadrant l’enquête interne 

L’enquête interne n’est soumise à aucun formalisme, ni méthodologie par le Code du travail ou Code général de la fonction publique. Certains principes sont dispersés dans les textes de loi, la jurisprudence et les guides. Cela crée une insécurité juridique et une hétérogénéité des pratiques. Il est possible de citer :

 

Le statut de lanceur d’alerte

Depuis la loi du 9 décembre 2016 (Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique), le lanceur d’alerte est défini comme "une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement."

Concrètement, toute personne, autre que la victime, intervenant aux fins de signaler l’agissement discriminatoire ou pouvant être qualifié de harcèlement. Ce statut permet à la personne qui en bénéficie de disposer d’une protection contre les mesures représailles que pourraient prendre l’employeur (article L. 1132-3-3 du Code du travail).

 


Le caractère facultatif de l’enquête interne

Ce qu’il est important d’avoir à l’esprit c’est que l’employeur n’est jamais tenu de mettre en œuvre une enquête à la suite d’un signalement (Cass. Soc., 12 juin 2024, n° 23-13.975). Il se doit cependant de réagir immédiatement à une situation de harcèlement ou de discrimination qui se présenterait, sur le fondement de son obligation de protection de la santé et de la sécurité du salarié.

La jurisprudence admet depuis 2016 (Cass. Soc. 1er juin 2016, n° 14-19.702 ; Cass. Soc. 5 oct. 2016, n° 15-20.140), que l’employeur respecte son obligation de protection de la santé des salariés, s’il peut justifier :

  • Avoir pris toutes les mesures de prévention des risques, la formation et l’information du personnel, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, tout en respectant les principes généraux de prévention (articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail) ;
  • Avoir pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.

Ainsi la seule obligation pesant sur l’employeur consiste à prendre les mesures suffisantes pour prévenir la santé et la sécurité des salariés, mais sans nécessairement diligenter une enquête interne. En ce sens, la Cour de cassation a pu estimer que l’employeur avait pris les mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité des salariés, même en l’absence d’enquête interne. Cela signifie que la mise en œuvre d’une enquête interne n’est pas un prérequis pour que l’employeur respecte son obligation de sécurité.

À titre d’illustration, l’employeur a respecté son obligation :

  • Lorsqu’une directrice, informée par une salariée d'agissements de harcèlement moral de sa supérieure hiérarchique, organise une réunion avec la salariée, un représentant du personnel et elle pour évoquer les faits et lui propose de changer de secteur, et que la salariée s'est entretenue avec le responsable des RH et qu'une enquête a été menée par des représentants du CHSCT (Cass. Soc., 7 décembre 2022, n° 21-18. 114;
  • Lorsque la société a cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès qu'elle a été mise au courant de la situation de harcèlement sexuel alléguée et qu'elle a informé l'inspection du travail (Cass. Soc., 18 janvier 2023, n° 21-23.796);
  • Lorsqu’il est constaté le fait pour un employeur de répondre deux fois aux demandes d’une salariée en réagissant rapidement, soit en prenant position au sujet de différends l’opposant à sa collègue, soit en répondant à ses questions, lui apportant ainsi des éclaircissements (Cass. Soc., 12 juin 2024, n° 23-13.975).

Il convient de préciser que lorsque l’employeur fait le choix de diligenter une enquête interne, cela est censé lui permettre d’avoir une connaissance exacte des faits afin de prendre les mesures appropriées (Cass. Soc., 29 juin 2011, n° 09-70.902). La Cour de cassation ne manque pas de rappeler que l’enquête doit être ouverte dans un délai bref à la suite du signalement et qu’une enquête ouverte un an après le signalement de la victime constitue une violation par l’employeur de son obligation de sécurité (Cass. Soc., 23 mai 2022, n° 20-23.272).

La Défenseure des droits recommande que l’enquête soit ouverte dans un délai n’excédant pas deux mois après le signalement. L’idée étant de respecter le délai de prescription des faits fautifs de deux mois, même si en droit de la fonction publique, le délai pour engager une procédure disciplinaire est de trois ans. L’idée serait d’aligner ce délai sur celui du droit privé pour le lancement de l’enquête. Il est également recommandé que l’arrêt de travail de la victime ou la personne mise en cause ne fasse pas obstacle à l’ouverture d’une enquête interne (Cass. Soc., 2 mai 2024, n° 21-14.828).

Rappelons que le délai écoulé entre les faits signalés et le signalement effectif de ces derniers est sans impact sur la nécessité d’ouvrir une enquête.


La mise en œuvre de l’enquête

La prohibition des mesures représailles

Une autre recommandation de la Défenseure des droits réside dans le fait que l’interdiction de mesures représailles soit rappelée par l’employeur à la victime présumée et aux témoins le plus tôt possible. Cette interdiction trouvant son fondement au sein de l’article L. 1132-3 du Code du travail. Lorsqu’une enquête interne est ouverte, la Défenseure des droits estime qu’il y a lieu d’en informer la personne ayant signalé les faits, la victime présumée et la personne mise en cause, sauf s’il existe un risque de pression de la part du mis en cause sur les victimes présumées et/ou sur les témoins. Il est également souligné que l’employeur doit s’abstenir d’exercer toute forme de pression sur l’enquêteur, quel qu’il soit, en vue d’atteindre un résultat qui le favoriserait.

 

 

Les personnes en charge de l’enquête   

La défenseure des droits recommande que l’enquête soit menée ou supervisée par au moins deux personnes car la collégialité est une garantie d’objectivité et d’impartialité. La collégialité permet aussi un regard pluridisciplinaire sur la situation, cela peut être un avantage sous réserve de privilégier un regard juridique.

Il est opportun de préciser que lorsque l’enquête est menée conjointement avec des représentants du personnel par au moins deux personnes en raison de la nécessité de la collégialité, la Défenseure des droits estime que les représentants du personnel peuvent participer aux choix méthodologiques à tous les stades de l’enquête. L’employeur ne doit pas pouvoir tirer profit de l’image d’impartialité donnée par l’association des représentants du personnel, si ces derniers n’ont pas pu intervenir effectivement.

La défenseure des droits reconnait que l’employeur peut faire appel à une personne extérieure au service dans lequel se sont déroulés les faits signalés. Il doit avoir la capacité d’apprécier avec distance et neutralité les éléments nécessaires au traitement du signalement. Si la direction ou des personnes du service habituellement chargé d’enquêter sont elles-mêmes mises en cause par un signalement, l’enquête interne devrait être confiée à un prestataire extérieur dans un objectif d’impartialité. Il a été reconnu, bien que cela ne fasse l’objet d’aucune sanction, que la méconnaissance du principe d’impartialité par le responsable de l’enquête peut fragiliser la procédure disciplinaire (Conseil d’État, 18 novembre 2022, n° 457565).

La défenseure des droits recommande aux employeurs de s’assurer que les enquêteurs, quels qu’ils soient, ou du moins l’un d’entre eux dans le cadre d’une enquête menée par une équipe, détiennent une formation juridique solide et actualisée sur les discriminations au travail, incluant les notions de harcèlement discriminatoire, harcèlement sexuel, harcèlement d’ambiance et le principe de l’aménagement de la charge de la preuve, applicables devant les juridictions civiles et administratives. Des formations au recueil de la parole et aux techniques d’audition devraient également être mises en place pour les enquêteurs. Avant de confier une enquête à un prestataire externe, l’employeur doit s’enquérir des compétences juridiques des intervenants et de la méthodologie qui sera suivie.

Les auditions

Il est recommandé que soient auditionnés : la victime présumée, la personne mise en cause, les témoins pertinents (Cass. Soc., 9 février 2012, n° 10-26.123 ; CAA Douai, 29 novembre 2012, n° 11DA01841), les témoins indirects, les responsables hiérarchiques directs de la victime présumée et de la personne mise en cause. Le mis en cause devrait être entendu en dernier. S’il cite d’autres témoins potentiels, ces derniers devraient aussi être entendus, sous réserve de l’appréciation de la pertinence par les enquêteurs, étant précisé que le choix des personnes entendues doit pouvoir être expliqué en cas de recours. Si la victime présumée ou le mis en cause est en arrêt maladie, la Défenseure des droits recommande que l’audition soit néanmoins proposée. Les tiers tels que le médecin du travail, d’anciens collègues, les représentants du personnel ou l’inspection du travail peuvent aussi être entendus si leur audition est de nature à apporter des éclaircissements complémentaires.

Si la personne auditionnée souhaite être accompagnée par un représentant du personnel ou un interprète lors de l’audition, la défenseure des droits considère qu’il n’y a pas lieu de s’y opposer par principe, tant que cet accompagnateur conserve une posture de retrait et ne donne pas de réponse à la place de la personne de la personne auditionnée. Si l’enquête est menée par un avocat, la présence de l’un de ses confrères assistant la personne auditionnée ne peut pas être refusée (Guide "L’avocat français et les enquêtes internes" du 12 juin 2020, CNB et le centre de recherche et d’étude des avocats).

La défenseure des droits recommande aux employeurs de choisir un lieu pour le déroulement des auditions permettant de garantir la confidentialité des échanges et éviter les risques de pression sur les personnes auditionnées, voire les ententes entre ces dernières. Ainsi les entretiens dans des lieux publics tels que des cafés, bibliothèques, etc., sont à proscrire. De même dans les open-spaces, les lieux de passage, les salles de réunions vitrées, etc. Les enquêteurs devraient s’attacher à recueillir le maximum d’éléments de nature à éclairer la réalité des faits destinés à nourrir le faisceau d’indices. Les enregistrements clandestins ne doivent pas être écartés par principe et peuvent être pris en compte, en principe.

Cette solution devrait être généralisée, selon la défenseure des droits, dans l’hypothèse où une personne auditionnée demanderait à rester anonyme. Il apparait acceptable de préserver cet anonymat dans le rapport d’enquête ainsi que lors de la phase de restitution de l’enquête. Toutefois l’enquêteur devra conserver une version non anonymisée pouvant être communiquée en cas de contentieux devant une juridiction ou sur demande des autorités.

Dans un objectif de traçabilité et d’opposabilité, la Défenseure des droits recommande que les auditions soient retranscrites de façon quasi exhaustive. En précisant que le recours à un enregistrement est possible à condition d’en informer la personne auditionnée (Cass. Soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120). Il apparait primordial que le compte rendu soit soumis à la relecture et la signature de la personne auditionnée.

Le rapport d’enquête

La Défenseure des droits reconnait qu’il expose les faits allégués et leurs signalements, les mesures de protection mises en œuvre, les étapes de l’enquête (les refus d’audition, les incohérences d’un témoignage), les éléments de présomption recueillis, les justificatifs de la personne mise en cause, les propositions de qualification juridique des agissements dénoncés et les mesures de traitement de la situation proposée.

Ce rapport est conservé par l’employeur dans l’objectif de préserver la confidentialité des informations qu’il contient. Si le rapport d’enquête recommande des mesures qui doivent être mises en œuvre par la hiérarchie, les conclusions du rapport peuvent lui être transmises. Le rapport d’enquête peut être communiqué aux représentants du personnel en charge des questions de santé et de sécurité en version anonymisée et avec l’accord de la victime (et/ou l’auteur du signalement selon l’arrêté du 26 mai 2021 relatif aux procédures de recueil et d’orientation des signalements effectués par les agents s’estimant victimes ou témoins d’actes de violence dans les ministères sociaux).

Néanmoins, une synthèse du rapport devrait être communiquée à la victime présumée qui, à défaut, pourra légitimement douter du traitement donné à son signalement ou aux agissements qu’elle a subi (Défenseure des droits, décision-cadre n° 2024-105 du 11 juillet 2024, D. 2022-1284 du 3 octobre 2022, article 4).

La synthèse devra rendre compte de la méthodologie suivie, des différentes étapes de l’enquête, des conclusions de l’enquêteur et des décisions prises ou envisagées à l’issue de l’enquête. L’identité des témoins et le contenu de leur témoignage ne devraient pas y apparaitre afin de les protéger du risque de représailles. Dans le secteur public comme privé, il est souhaitable que le mis en cause et les témoins soient informés de la fin de cette enquête. La défenseure des droits tient à souligner qu’il est indispensable que la qualification des faits fasse l’objet de la plus grande attention et que les enquêteurs et entreprises soient suffisamment informés.

Concernant les agents publics plus spécifiquement, la défenseure des droits estime que la qualification juridique doit s’appuyer sur les manquements aux obligations spécifiques liées à l’interdiction du harcèlement sexuel, des agissements sexistes et discriminatoires prévus par le Code général de la fonction publique et viser d’autres manquements figurant dans d’autres textes tels que les codes et charte de déontologie ou dans la jurisprudence.

Les suites du signalement

Les suites disciplinaires

Les sanctions prises par l’employeur doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. La Défenseure des droits observe que les victimes présumées ne sont pas entendues dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre du mis en cause alors que cette faculté est prévue par la loi (article L. 532-6 du Code général de la fonction publique). La personne s’estimant victime, qui a signalé les faits, ignore généralement si des sanctions disciplinaires ont été infligées à l’encontre de la personne mise en cause. La Défenseure des droits recommande aux employeurs publics et privés d’informer les victimes à l’issue de la procédure disciplinaire.

 

 

Les suites sociales

La Défenseure des droits invite les employeurs à rester vigilants à la situation des salariés et des agents postérieurement à l’enquête interne : si celle-ci permet de reconnaitre le statut de la victime et de désigner les responsables des faits, elle ne prépare pas nécessairement la poursuite des relations professionnelles entre les intéressés. La mise en place d’un accompagnement à plus long terme est alors opportune. Il est également recommandé aux employeurs de transmettre aux référents harcèlement sexuel et aux représentants du personnel, au titre de leurs attributions en matière de santé, sécurité et conditions de travail, un bilan annuel des signalements ne comportant pas de données nominatives.


Le rôle du CSE

Un rôle de prévention du harcèlement moral ou sexuel est dévolu au CSE, notamment en matière de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et de la discrimination en entreprise. Cependant ses obligations varient en fonction de la taille de l’entreprise et des situations spécifiques.

Tout d'abord, le CSE doit veiller à la mise en place d'actions de prévention concernant le harcèlement et la discrimination. Bien que l'employeur ait la responsabilité première en matière de prévention, le CSE peut proposer des actions de sensibilisation et de formation pour les salariés. Cela inclut, par exemple, l’organisation de campagnes de communication sur les comportements à adopter et les sanctions encourues en cas de harcèlement ou de discrimination. La mise en place de telles actions n’est pas toujours obligatoire pour les entreprises de moins de 50 salariés, mais elle devient une exigence dans les entreprises de 50 salariés et plus, où l’établissement d'un plan de prévention est attendu dans le cadre de la politique de santé et de sécurité au travail.

Rappelons que la désignation d'un référent harcèlement est obligatoire dans les CSE des entreprises de plus de 50 salariés, comme le prévoit l'article L. 2314-1 du Code du travail. Il doit être formé et disposer de moyens dédiés pour remplir sa mission de manière efficace. Sa mission principale est d’écouter les victimes, de les informer sur les démarches à suivre, et de les orienter vers les procédures internes ou externes appropriées, telles que le recours à la direction, la médiation, ou les services juridiques et psychologiques.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la désignation d’un référent harcèlement n’est pas obligatoire, bien que cela puisse être une bonne pratique pour favoriser un environnement de travail sain et respectueux.

En cas de harcèlement ou de discrimination, le CSE a la possibilité d’accompagner les victimes en les orientant vers les démarches à suivre, notamment en alertant l’employeur et en l’incitant à mener une enquête interne. Si un salarié dénonce des faits de harcèlement ou de discrimination, le CSE peut également jouer un rôle de médiation pour tenter de résoudre le conflit. Toutefois, il est important de souligner que, même si le CSE peut être un interlocuteur clé, il n'a pas de pouvoir direct sur la gestion des faits de harcèlement et de discrimination, qui relèvent de la responsabilité de l'employeur. Ce rôle d’accompagnement et d'alerte est valable, quel que soit le nombre de salariés dans l’entreprise, bien que les modalités d’intervention puissent varier selon les tailles d’entreprises.

Le CSE dispose également d'un droit d'information et de consultation sur les actions menées par l'employeur en matière de harcèlement et de discrimination. Par exemple, lors des consultations sur la santé et la sécurité au travail ou la présentation du bilan social, incluses dans celle sur la politique sociale, l’employeur doit informer le CSE des mesures prises pour lutter contre le harcèlement et la discrimination, ainsi que des statistiques sur les cas signalés. Cette obligation d’information est applicable aux entreprises de 50 salariés et plus. En outre, le CSE est consulté sur le rapport relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que sur l’ensemble des actions liées à la lutte contre toutes formes de discrimination (âge, origine, handicap, etc.), une obligation qui s’applique dans les entreprises de 50 salariés et plus.

Enfin, le CSE doit s'assurer que l'employeur respecte les obligations légales en matière de harcèlement et de discrimination. Bien que le rôle du CSE soit principalement consultatif et de prévention, il peut alerter l’employeur sur tout manquement aux obligations légales. Cette vigilance est d'autant plus cruciale dans les entreprises de plus de 50 salariés, où l'employeur doit avoir mis en place des procédures formalisées pour lutter contre ces comportements et répondre aux obligations légales. En revanche, dans les entreprises de moins de 50 salariés, les actions spécifiques à mettre en place peuvent être moins contraignantes, même si la lutte contre le harcèlement et la discrimination reste un impératif légal.

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