Congés payés pendant un arrêt de travail : la loi est entrée en vigueur

L'article 37 de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'UE du 22 avril 2024 contient des mesures visant à mettre en conformité les dispositions françaises sur les congés payés avec le droit européen. Nous vous présentons les nouvelles règles en vigueur relatives à l'acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail pour accident ou maladie et sur la prise de ces congés.

Article extrait de Décodage n°35 | Mai 2024


 

Les arrêts du 13 septembre 2023 de la chambre sociale de la Cour de cassation ont mis en lumière la non-conformité des dispositions françaises sur les congés payés avec le droit de l'Union européenne, s'agissant des salariés en arrêt de travail pour cause de maladie ou accident du travail[1].

Une action du Gouvernement était donc attendue afin de mettre en conformité le droit du travail français avec le droit de l'Union européenne.

C'est chose faite avec la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, entrée en vigueur le 24 avril 2024.


Les nouvelles règles applicables aux salariés en arrêt de travail

Une modification des règles existantes

Assimilation des absences pour maladie ou accident d'origine non professionnelle à du temps de travail effectif

L'article L. 3141-5 du Code du travail est relatif à la détermination de la durée du congé payé. Il prévoit désormais que les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident ou de maladie d'origine non professionnelle sont assimilées à du temps de travail effectif.

Suppression de la limite d'un an pour l'assimilation des absences pour maladie ou accident d'origine professionnelle à du temps de travail effectif

Cet article prévoit également que la totalité des périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident ou de maladie d'origine professionnelle est assimilée à du temps de travail effectif. La période d'acquisition des droits à congés payés n'est plus limitée à une durée ininterrompue d'un an.

Réduction de l'indemnité congés payés en cas d'absences pour accident ou maladie d'origine non professionnelle

L'article L. 3141-24 du Code du travail relatif à l'indemnité de congés payés détermine deux modes de calcul : celle du "dixième" et celle du "maintien de salaire". Après comparaison, le montant le plus avantageux pour le salarié est versé. Pour la méthode du dixième, le salaire de référence servant au calcul de l'indemnité de congés payés est déterminé en prenant en compte la rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence (pendant laquelle ont été acquis les congés payés). Désormais, le salaire de référence pris en compte en cas d'absences pour accident ou maladie d'origine non professionnelle, l'est dans une limite de 80 %.

La portée de cette mesure est toutefois atténuée. L'article L. 3141-24 du Code du travail prévoit également que cette indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

La création d'un nouveau dispositif

L'acquisition de congés payés pour les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle

Selon l'article L. 3141-5-1 du Code du travail, les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle acquièrent 2 jours ouvrables de congés payés par mois (contre 2.5 jours pour les autres salariés), dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence (soit 4 semaines par an).

 

En synthèse, la différence de droits selon que l'absence soit due à un accident ou une maladie d'origine professionnelle ou non professionnelle :

 

 

Accident ou maladie d'origine non professionnelle

Accident ou maladie d'origine professionnelle

Indemnité de congés payés

Prise en compte du salaire de référence à hauteur de 80 %

Prise en compte du salaire de référence à hauteur de 100 %

Nombre de jours de congés payés acquis

2 jours ouvrables (soit 4 semaines)

2.5 jours ouvrables (soit 5 semaines)

 

Les règles relatives à la prise des congés payés pour les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie d'origine professionnelle ou non professionnelle

Conformément à l'article L. 3141-19-1 du Code du travail, un salarié dans l'impossibilité de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il a acquis, en raison d'une maladie ou d'un accident, bénéficie d'une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser. Cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l'article L. 3141-19-3.

 

 

D'après l'article L. 3141-19-2 du Code du travail, lorsque les congés payés ont été acquis au cours des périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie d'origine professionnelle ou non, la période de report débute à la date à laquelle s'achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis. À cette date, le contrat de travail doit être suspendu depuis au moins 1 an en raison de la maladie ou de l'accident. Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n'a pas expiré, est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les informations prévues à l'article L. 3141-19-3.

Celui-ci prévoit qu'au terme d'une période d'arrêt de travail pour cause de maladie ou d'accident, l'employeur porte à la connaissance du salarié par tout moyen (notamment au moyen du bulletin de paie), dans le mois qui suit la reprise du travail, un certain nombre d'informations, qui confèrent date certaine à leur réception. Les informations relatives au droit à congés payés du salarié sont le nombre de jours de congé dont il dispose et la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.

L'article L. 3141-21-1 du Code du travail précise qu'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une durée de la période de report supérieure à 15 mois.

Les modalités d'application de ces nouvelles règles

La loi précise que sont applicables de manière rétroactive, pour la période courant du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024 (date d'entrée en vigueur de la présente loi), les dispositions suivantes :

  • la disposition relative à l'assimilation à du temps de travail effectif, des périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident ou de maladie d'origine professionnelle ;
  • la disposition relative au nombre de jours de congés payés acquis par les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle ;
  • les dispositions relatives au report des congés payés et à l'obligation d'information de l'employeur ;
  • la disposition relative au salaire de référence pris en compte pour le calcul de l'indemnité de congés payés selon la méthode du dixième.

 

S'agissant des actions judiciaires postérieures à la loi et visant à obtenir l'octroi de jours de congés payés au titre de périodes d'arrêt de travail antérieures à cette loi, un délai de forclusion de 2 ans est prévu pour saisir le Juge à compter du 24 avril 2024 (date d'entrée en vigueur de la loi).

Toutefois, les salariés ne peuvent pas bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d'acquisition des droits à congés, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette période.

Ce délai de forclusion (extinction de la possibilité d'agir en justice car le demandeur n'a pas exercé cette action dans les délais légalement prescrits) ne concerne que les salariés encore présents à l'effectif dont la demande consisterait à obtenir l'octroi de jours de congés payés.

La loi n'apporte aucune précision s'agissant des salariés ayant quitté l'entreprise.

 

Le tableau ci-dessous résume ce qui s'applique s'agissant de l'acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident.

 

Combien de congés payés peut acquérir un salarié pendant un arrêt de travail pour accident ou maladie ?

  • AT/MP : 2.5 jours ouvrables par mois soit 5 semaines et suppression de la limite d'acquisition d'1 an
  • MAIS en cas d'accident ou de maladie d'origine non professionnelle : 2 jours ouvrables par mois soit 4 semaines seulement, le minimum prévu par le droit européen
  • Les salariés seront donc toujours traités différemment selon l’origine de leur arrêt-maladie

Jusqu'à quand un salarié, en arrêt de travail pour accident ou maladie, peut-il prendre ses congés payés ?

  • La période de report est de minimum 15 mois (un accord collectif peut fixer une durée supérieure)
  • Les droits à CP de 4 semaines des salariés en longue absence pour accident ou maladie non professionnels, c'est-à-dire ceux qui ont été absents sur au moins 2 périodes successives d'acquisition de CP sont perdus :
    • si suite à leur acquisition, ces salariés ne sont pas revenus sur leur poste durant 15 mois ;
    • si ces salariés n'ont pas pris leurs CP alors qu'ils sont revenus au cours de la période de report, ont été informés de leurs droits acquis et de la période qui leur reste pour les prendre

Nouvelle obligation à la charge de l'employeur

  • Dans un délai d'1 mois suivant la reprise du travail, l'employeur doit informer le salarié (notamment au moyen du bulletin de paie), du nombre de jours de congé dont il dispose et de la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris
  • Le délai de report commence à compter de cette information et si le salarié ne prend pas ces CP dans ce délai, il perd ses droits à congé

À partir de quand s'appliquent ces nouvelles règles ?

  • Les règles relatives à l'acquisition des congés payés et à la période de report s'appliquent de manière rétroactive à compter du 1er décembre 2009
  • Le droit à CP des salariés ayant eu des absences pour accident et maladie non professionnels, est limité à 4 semaines par année (2 jours ouvrables par mois) pour chacune des périodes d’acquisition concernées (depuis le 1er décembre 2009)
  • La loi ne prévoit pas d'application rétroactive de la suppression de la limite d'1 an pour l'acquisition de congés payés durant un arrêt de travail pour AT/MP

Jusqu'à quand les salariés concernés peuvent-ils réclamer à l'employeur les congés payés non pris ?

  • Les salariés toujours en poste ont 2 ans, jusqu'au 23 avril 2026 minuit, pour faire valoir leurs droits et réclamer leurs congés qui auraient dû être acquis au cours de périodes d'arrêt maladie depuis le 1er décembre 2009
  • Pour les salariés dont le contrat de travail est rompu lors de l'entrée en vigueur de la loi et qui souhaiteraient réclamer les congés payés non pris en raison d'un arrêt maladie, la loi ne modifie pas les règles de droit commun de 3 ans de l'action en paiement des salaires e (art. L. 3245-1 du Code du travail). L'action serait donc prescrite pour tous les salariés qui ont quitté leur entreprise depuis 2021 !

 


Les autres dispositions entrées en vigueur

Par ailleurs, la loi modifie et complète l'article L. 1251-19 du Code du travail, relatif au droit à l'indemnité compensatrice de congé payé des intérimaires.

Cet article est modifié afin de prendre en compte la nouvelle législation relative à l'acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail. Les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie ayant un caractère professionnel ou non professionnel sont assimilées à un temps de mission.

L'article L. 1251-19 du Code du travail est complété afin que le congé de paternité et d'accueil de l'enfant soit également assimilé à un temps de mission.


Une mise en conformité limitée et très encadrée

Cette loi permet donc une mise en conformité a minima, donnant ainsi satisfaction aux entreprises :

  • Rétroactivité limitée à 3 ans ;
  • Calcul des indemnités sur la base de 4 semaines de congés payés par an et non 5 ;
  • Prise en compte à hauteur de 80 % seulement du salaire de référence servant au calcul de l'indemnité de congé payé selon la règle "du dixième", pour les salariés en arrêt de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle.

Cette loi atténue donc, pour les employeurs, les effets des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023.

Schémas sur les règles relatives à la période de report :

 

Congés payés acquis avant l'arrêt de travail

 

Le report des CP concerne ceux n'ayant pas pu être pris par le salarié car il se trouvait dans l'impossibilité de les prendre.

Le point de départ de la période de report débute lorsque l'employeur a informé le salarié de ses droits à congés payés, dans le mois qui suit la reprise du travail. Au-delà de cette période, si le salarié ne prend pas ses congés alors que l'employeur l'en a informé et lui a demandé de les prendre, il perd ses congés payés.

 

 

Congés payés acquis pendant un arrêt de travail de longue durée (≥ à 1 an) si le salarié reprend le travail avant l’expiration du délai de report

Si le salarié est en arrêt de travail de longue durée, le report des CP acquis du 1er juin de l'année N-1 au 31 mai de l'année N débute à la fin de la période d'acquisition des CP (le 31 mai de l'année N).

Lors de la reprise du travail, la période de report de 15 mois, si elle n'est pas expirée, est suspendue jusqu’à ce que l’employeur remplisse son obligation d’information.

 

 

Congés payés acquis pendant un arrêt de travail de longue durée (≥ à 1 an) si le salarié reprend le travail après l’expiration du délai de report

Si le salarié reprend le travail après l'expiration du délai de report, il perd ses droits à CP acquis au titre de la première période d'acquisition des CP (période du 1er juin N-1 au 31 mai N).

Néanmoins, il bénéficie des CP acquis au titre de la seconde période d'acquisition des CP (période du 1er juin N au 31 mai N+1).

Dans une telle situation, l'acquisition illimitée de CP est neutralisée.

 

 


[1] Pour plus de détails, voir notre article sur le sujet : "Congés payés : les conséquences des arrêts du 13 septembre 2023"

Partager cet article