L’intérim : un régime particulier et des dispositions protectrices à respecter

Le mois d’octobre 2023 a mis un coup de projecteur sur le statut des salariés intérimaires. Plusieurs décisions favorables à ces derniers ont été rendues par la Cour de cassation et cela justifie l’intérêt de faire le point sur leur situation juridique au sein du monde du travail. Que sont une entreprise utilisatrice et une entreprise de travail temporaire (ETT) ? Quels sont les cas de recours à l’intérim ? Quels sont les droits de ces salariés "temporaires" ? Quel est le rôle du CSE ?

 

Article extrait de Décodage n°33 | Mars 2024, écrit en collaboration avec Jordan Poulet


 

Les cas de recours à l’intérim

Le recours à l’intérim, par définition, doit répondre à une tâche bien précise et temporaire. Ainsi, il ne doit pas avoir pour but de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice (article L. 1251-5 du Code du travail).

Concrètement, le recours à l’intérim est justifié en cas (articles L. 1251-6 et 7 du Code du travail) :

  • De remplacement d’un salarié, pour cause :
    • D’absence ;
    • De passage à temps partiel ;
    • De suspension du contrat de travail ;
    • De départ définitif avant suppression du poste (si le CSE a bien été consulté à ce sujet) ;
    • D’attente de l’arrivée d’un salarié recruté en CDI sur le poste ;
  • D’accroissement temporaire de l’activité ;
  • D’emplois saisonniers à pourvoir ;
  • De remplacement du chef d’entreprise (ou de son conjoint participant à titre habituel et professionnel à l’activité) ou du chef d’exploitation agricole ;
  • De recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ;
  • De volonté d’assurer au salarié intérimaire un complément de formation professionnelle ;
  • De volonté d’assurer au salarié intérimaire une formation par l’apprentissage, afin que ce dernier obtienne une qualification professionnelle, un diplôme ou un titre ;
  • De volonté d’embaucher, sans motif, un salarié bénéficiaire de l’obligation d’emploi au titre du handicap (OETH). Cette possibilité, censée pallier les difficultés d’accès à l’emploi que connaissent les travailleurs en situation de handicap, aurait dû disparaître le 31 décembre. Elle faisait en effet partie d’une expérimentation temporaire. Néanmoins, cette mesure va finalement être pérennisée et intégrer le Code du travail en tant que recours spécifique à l’intérim.

 

Le recours à l’intérim en dehors de ces cas de figure est puni d’une amende de 3 750 euros.

La récidive est punie d’une peine d’emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 7 500 euros (article L. 1255-1 du Code du travail).

 

De plus, le recours à l’intérim est strictement interdit (articles L. 1251-9 et L. 1251-10 du Code du travail) :

  • Pour pallier un accroissement temporaire d’activité dû à un licenciement économique ayant eu lieu au cours des 6 derniers mois. Néanmoins, l’interdiction ne porte que sur les postes concernés par le licenciement.

En outre, l’interdiction ne s’applique pas :

  • Si la durée du contrat de mission ne peut pas être renouvelée et n’excède pas 3 mois ;
  • Ou si le contrat de mission existe pour répondre à une commande exceptionnelle d’une importance particulière. Dans ce cas, il convient de le préciser, un tel recrutement requiert l’information et la consultation préalables du CSE ;
  • Pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif ;
  • Pour des travaux particulièrement dangereux nécessitant une surveillance médicale spéciale ;
  • Pour remplacer un médecin du travail.

 

Le non-respect de ces interdictions par l’entreprise utilisatrice est sanctionné d’une amende de 3 750 euros.

La récidive est punie d’une peine d’emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 7 500 euros (article L. 1254-5 du Code du travail).

 


Le cadre contractuel de l’intérim

L’intérim est une mise à disposition temporaire d’un salarié, par une ETT, au bénéfice d’une entreprise utilisatrice ("le client") pour l’exécution d’une mission (article L. 1251-1 du Code du travail).

Pour chaque mission, sont conclus :

  • Un contrat de mise à disposition entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice ;
  • Et un contrat de travail entre l’ETT et le salarié temporaire, dit "contrat de mission". L’ETT demeure donc bien l’employeur de ce travailleur intérimaire.

Une forme particulière de mise à disposition temporaire, le CDI intérimaire (CDII), apporte de nouvelles garanties aux salariés concernés.

 

La conclusion du contrat de mise à disposition entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice 

Le contrat de mise à disposition comprend (articles L. 1251-43 et R. 1251-15 du Code du travail) :

  • Le motif de recours au travail temporaire, assorti de justifications précises ;
  • Le terme de la mission, assorti d’une clause de renouvellement ou d’anticipation du terme (voir. Infra) ;
  • Le cas échéant, l’avenant qui prévoit le renouvellement du contrat ;
  • Les caractères particuliers du poste. Cela vise notamment, s’il figure sur la liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés, la qualification professionnelle requise pour exercer la mission, ainsi que le lieu et les horaires de cette dernière ;
  • La nature des équipements de protection individuelle utilisés par le salarié. Si ces équipements sont fournis par l’ETT, cette information doit figurer sur le contrat ;
  • Le montant de la rémunération (incluant les primes et accessoires) ;
  • Le nom et l’adresse du garant.

Le contrat de mise à disposition est établi par écrit et signé par l’ETT et l’entreprise utilisatrice. Il est envoyé au salarié intérimaire au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant la mise à disposition (article L. 1251-42 du Code du travail).

 

L’ETT qui ne respecte pas ces obligations est passible d’une amende de 3 750 euros.

La récidive est punie d’une peine d’emprisonnement de 6 mois et d’une amende de 7 500 euros (article L. 1255-1 du Code du travail).

 

La conclusion du contrat de mission entre l’ETT et le salarié temporaire

Le contrat de mission est envoyé au salarié intérimaire au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant la mise à disposition (article L. 1251-17 du Code du travail). À défaut, le salarié intérimaire peut réclamer à l’ETT une indemnité qui ne peut pas dépasser 1 mois de salaire (article L. 1251-40 du Code du travail).

Le contrat de mission comprend (article L. 1251-16 du Code du travail) :

  • Les clauses du contrat de mise à disposition, notamment le terme de la mission ;
  • La qualification professionnelle du salarié intérimaire. Il est nécessaire que soient mentionnées la catégorie d’emploi et la classification auxquelles correspond le poste (Cass.Soc., 21/03/2007, n° 06-40.370;
  • La rémunération, incluant l’indemnité de fin de mission. Cette dernière est égale à 10 % de la rémunération totale brute due au salarié afin de compenser la précarité de sa situation (article L. 1251-32 du Code du travail) ;
  • La période d’essai, si celle-ci est prévue ;
  • Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l’organisme de prévoyance dont relève l’ETT.

Le contrat de mission doit être écrit et signé par le salarié intérimaire (article L. 1251-16 du Code du travail.).

À défaut, la relation entre l’ETT et le salarié intérimaire est supposée être régie par un CDI (Cass.Soc, 12/06/1981, n° 79-41.037). Cela est également le cas si :

  • Le contrat de mission ne comporte pas de terme(Cass.Soc., 19/04/2000, n° 97-45.508) ;
  • La qualification du salarié n’est pas mentionnée(Cass.Soc., 08/04/2009, n° 07-41.847).

En l’absence de contrat de mission écrit, le salarié intérimaire peut réclamer à l’ETT la réparation de son préjudice (Cass.Soc., 13/12/2006, n° 05-44.956).

Le salarié intérimaire peut estimer qu’il est lié à l’entreprise utilisatrice par un CDI, mais uniquement si :

  • Celle-ci a continué à le faire travailler après sa mission, sans contrat de mise à disposition (article L. 1251-39 du Code du travail ; Cass.Soc., 17/09/2008, n° 07-40.704);
  • Ou si le recours à l’intérim ne répond pas à un cas de figure déterminé par le Code du travail (voir. Infra).

 

En quoi consiste l’action en requalification en CDI ?

Le salarié intérimaire peut engager une action en requalification du contrat de mission en CDI devant le Conseil de prud’hommes. Les organisations syndicales peuvent exercer cette action, sans mandat du salarié concerné (article L. 1251-59 du Code du travail).

L’indemnité de requalification du contrat de mission en CDI ne peut pas être inférieure à 1 mois de salaire (article L. 1251-41 du Code du travail).

Elle ne peut être réclamée qu’à l’entreprise utilisatrice (Cass.Soc., 01/12/2005, n° 04-41.005).

Le salarié intérimaire peut également prétendre à une indemnité de préavis (Cass.Soc., 30/03/2005, n° 02-45.410). Il a aussi droit à une indemnité de fin de mission, même si le contrat a été requalifié en CDI (Cass.Soc., 13/04/2005, n° 03-41.967).

Le délai de prescription de l’action en requalification du contrat de mission en CDI est de 2 ans, à partir du terme du dernier contrat de mission (Cass.Soc., 31/03/2016, n° 14-27.145).

 


La durée de la mission

La période d’essai

Le contrat de mission peut comporter une période d’essai, dont la durée est fixée par accord collectif de branche étendu ou par accord d’entreprise (ou d’établissement, le cas échéant).

En l’absence d’accord, la durée de la période d’essai ne peut pas être supérieure à (article L. 1251-14 du Code du travail) :

  • 2 jours, si le contrat de mission est conclu pour une durée inférieure ou égale à 1 mois ;
  • 3 jours, si le contrat de mission est conclu pour une durée de 1 à 2 mois ;
  • 5 jours, si le contrat de mission est conclu pour une durée supérieure à 2 mois.

La rémunération perçue pendant la période d’essai ne peut pas être différente de celle qui a été fixée par le contrat pour toute la durée de la mission (article L. 1251-15 du Code du travail).

Chaque partie peut mettre fin au contrat pendant la période d’essai, sans indemnité particulière.

Le renouvellement de la durée de la mission

La clause de renouvellement

Une convention ou un accord de branche étendu dont relève l’entreprise utilisatrice peut fixer (article L. 1251-12 et L. 1251-35 du Code du travail) :

  • La durée totale, renouvellement(s) inclus(s), du contrat de mission ;
  • Le nombre maximal de renouvellements.

Le renouvellement légal

La durée de la mission doit en principe être certaine. Mais, il n’est parfois pas possible de connaître le terme de la mission. C’est le cas lorsque le recours à l’intérim s’explique par :

  • Le remplacement d’un salarié absent ou d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu ;
  • La nécessité de pourvoir un emploi saisonnier ;
  • L’attente de l’entrée en service d’un salarié recruté en CDI.

 Dans ce cas, le contrat de mission est fixé pour une durée minimale et (article L. 1251-11 du Code du travail) :

  • Le terme de la mission est fixé à la fin de l’absence du salarié à remplacer, s’il est absent ou si son contrat de travail est suspendu;
  • Le terme de la mission est fixé au moment où l’objet du contrat de mission est réalisé, si un emploi saisonnier doit être pourvu.

Par exception, la durée de la mission ne peut pas excéder 9 mois lorsque le recours à l’intérim s’explique par le remplacement d’un travailleur temporaire dans l’attente de l’arrivée d’un salarié recruté en CDI sur le poste.

La durée est portée à 24 mois dans l’hypothèse du remplacement d’un salarié en cas de départ définitif avant suppression du poste de travail.

Dans tous les autres cas et à défaut de mention dans un accord de branche étendu ou une convention dont relève l’entreprise utilisatrice (articles L. 1251-12-1 et L. 1251-35-1 du Code du travail) :

  • La durée de la mission, renouvellement(s) compris, ne peut pas être supérieure à 18 mois ;
  • Le contrat de mission est renouvelable 2 fois.

 

En toute hypothèse, les conditions de renouvellement sont mentionnées dans le contrat de mission ou par avenant, soumis à l’approbation du salarié (articles L. 1251-35 et L. 1251-35-1 du Code du travail).

 

L’entreprise utilisatrice risque une amende de 3 750 euros (la récidive étant punie d’une amende de 7 500 euros et d’une peine de 6 mois d’emprisonnement) :

  • Si elle ne respecte pas les règles applicables à la durée totale du contrat de mission, en vertu d’une convention, d’un accord de branche étendu ou de la loi (articles L. 1248-5 et L. 1255-7 du Code du travail) ;
  • Si elle ne respecte pas les règles applicables au nombre maximal de renouvellements d’un contrat de mission, en vertu d’une convention, d’un accord de branche étendu ou de la loi (articles L. 1248-10 et L. 1255-8 du Code du travail).

En outre, dans ces deux cas de figure, le contrat de mission est réputé être un CDI (articles L. 1245-1 et L. 1251-40 du Code du travail).

 

L’anticipation du terme

Le terme de la mission peut être aménagé. Il peut être avancé ou reculé, en fonction de l’avancée de la mission, d’1 jour pour 5 jours de travail effectif.

Cependant, le terme ne peut pas être avancé ou reculé de plus de 10 jours au maximum (article L. 1251-30 du Code du travail).

Si une mission dure moins de 10 jours, son terme ne peut pas être avancé ou reculé de plus de 2 jours au maximum (article L. 1251-30 du Code du travail).

Il est impossible de reculer le terme de la mission si cela a pour conséquence que la durée maximale de celle-ci (18 mois en principe, avec les éventuels renouvellements) soit dépassée (article L. 1251-30 du Code du travail).

La possibilité d’aménager le terme de la mission doit être mentionnée dans le contrat de mise à disposition (ou dans son avenant de renouvellement), ainsi que dans le contrat de mission (Circulaire Direction des relations du travail, 30/10/1990, n° 90-18).

L’aménagement du terme de la mission ne peut pas être décidé par le salarié. Si ce dernier refuse l’aménagement, il perd le bénéfice de l’indemnité de fin de mission (Circulaire Direction des relations du travail, 29/08/1992, n° 92-14).

La rupture anticipée du contrat de mission

En principe, le contrat de mission prend fin à la survenance du terme fixé.

Néanmoins, l’ETT peut rompre le contrat du salarié intérimaire avant ce terme – et après la fin de la période d’essai – (article L. 1251-26 du Code du travail).

Dans ce cas, il doit proposer à ce salarié un nouveau contrat de mission. Celui-ci doit prendre effet dans un délai de 3 jours ouvrables et doit être d’une durée équivalente à celle du contrat prématurément rompu. À défaut, ou si la durée du nouveau contrat de mission est inférieure à celle restant à courir du contrat précédent, l'ETT assure au salarié intérimaire une rémunération équivalente à celle qu'il aurait perçue jusqu'au terme du contrat, y compris l'indemnité de fin de mission.

L’ETT n’a pas à effectuer cette nouvelle proposition si le précédent contrat a été rompu à cause d’un cas de force majeure (autrement dit, si un événement imprévisible, ne pouvant être surmonté et échappant au contrôle de l’entreprise, est survenu) ou en cas de faute du salarié.

Le délai d’attente (3 jours ouvrables au maximum) doit être rémunéré par l’ETT (Circulaire Direction des relations du travail, 30/10/1990, n° 90-18).

Lorsque l’ETT rompt le contrat de mission avant le terme (constitué par la fin de l'absence de la personne remplacée) et qu'elle n'a pas proposé au salarié un nouveau contrat de mission, alors elle doit indemniser le salarié intérimaire. L’ETT est redevable de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat (Cass.Soc., 13/04/2023, n° 21-23.920).

Le salarié peut également rompre de manière anticipée le contrat de mission s’il justifie d’une embauche (par une lettre d’engagement ou un contrat de travail) dans une autre entreprise, pour une durée indéterminée (article L. 1251-28 du Code du travail).

Dans ce cas, le salarié intérimaire ne perçoit pas d’indemnité de mission (article L. 1251-33 du Code du travail).

Il doit notifier par écrit cette rupture anticipée du contrat de mission à l’ETT (qui informera l’entreprise utilisatrice).

Sauf accord des parties, le salarié doit respecter une période de préavis qui tient compte de la durée de la mission. Cependant, la durée du préavis est nécessairement comprise entre 1 et 14 jours (article L. 1251-28 du Code du travail).

La rupture anticipée d’un contrat de mission par le salarié pour toute autre raison que l’embauche à durée indéterminée justifie une action en réparation de la part de l’ETT. En effet, celle-ci peut réclamer à ce salarié des dommages et intérêts afin de compenser le préjudice subi (article L. 1251-28 du Code du travail).

La suite du contrat de mission

L’entreprise utilisatrice peut tout à fait proposer un CDI au salarié intérimaire afin que leur relation de travail se poursuive après la fin de la mission. Dans ce cas, l’indemnité de fin de mission n’est pas due (article L. 1251-33 du Code du travail).

À ce sujet, une liste des postes à pourvoir en CDI au sein de l’entreprise utilisatrice est mise à la connaissance des salariés intérimaires ayant au moins 6 mois continus d’ancienneté en son sein. Cependant, il est nécessaire que ces salariés en fassent la demande (article L. 1251-25 du Code du travail).

Le délai de carence

À l’expiration d’un contrat de mission, un délai de carence doit s’appliquer afin d’éviter qu’un autre contrat de mission (ou un CDD) ne soit conclu immédiatement sur le même poste. Il convient de le rappeler, l’intérim doit être une mise à disposition temporaire.

Une convention ou un accord de branche dont relève l’entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul du délai de carence (article L. 1251-36 du Code du travail).

À défaut, le délai de carence est égal (article L. 1251-36-1 du Code du travail) :

  • Au tiers de la durée du contrat de mission qui vient de s’achever, si cette durée (en incluant le renouvellement) est supérieure ou égale à 14 jours ;
  • À la moitié de la durée du contrat de mission qui vient de s’achever, si cette durée (en incluant le renouvellement) est inférieure à 14 jours.

Cependant, si l’entreprise utilisatrice conclut, avec le même salarié, un CDD après la fin d’un contrat de mission sans respecter le délai de carence, la requalification en CDI n’est pas possible (Cass.Soc., 27/09/2023, n° 21-21.154).

 

L’inobservation, par l’entreprise utilisatrice, du délai de carence entre deux contrats successifs, est punie d’une amende de 3 750 euros.

La récidive, quant à elle, est punie d’une amende de 7 500 euros et d’une peine d’emprisonnement de 6 mois (article L. 1255-9 du Code du travail).

 


Le statut du salarié intérimaire

Les salariés intérimaires, en fonction de leur temps de présence au cours des 12 derniers mois, sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise utilisatrice pour les élections professionnelles (articles L. 1111-2 et R. 1111-1 du Code du travail).

L’ETT demeurant l’employeur, c’est elle qui doit payer les cotisations sociales (Cass.Soc., 21/03/1991, n° 88-13.963). En cas de défaillance de l’ETT, l’entreprise utilisatrice peut être sollicitée pour ce paiement.

 

Les droits du salarié intérimaire

L’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail des salariés intérimaires, que cela concerne la durée du travail, le travail de nuit, le repos hebdomadaire ou encore la santé et sécurité (article L. 1251-21 du Code du travail).

Ainsi, elle doit être en mesure de prouver qu’elle a respecté, pour ces salariés, les règles applicables en matière de durée maximale du travail (Cass.Soc., 25/10/2023, n° 21-21.946).

Un salarié intérimaire peut prétendre au paiement, par l’ETT, de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mise en place par l’entreprise utilisatrice au profit de ses salariés.

Cela s’explique par le fait que le principe d’égalité de traitement est pleinement applicable entre les salariés permanents et les salariés intérimaires (Cass.Soc., 25/10/2023, n° 21-24.161 ; Cass.Soc., 25/10/2023, n° 22-21.845).

C’est d’ailleurs à ce titre qu’une égalité de rémunération doit s’appliquer entre les salariés temporaires et les salariés permanents au sein de l’entreprise utilisatrice (article L. 1251-43 6° du Code du travail). Dès lors, les augmentations de salaires permises par les négociations annuelles obligatoires (NAO) doivent bénéficier à ces deux catégories de salariés, dans les mêmes conditions.

Les salariés temporaires ont accès, dans les mêmes conditions que les autres salariés de l’entreprise utilisatrice, aux moyens de transports collectifs et aux installations collectives (article L. 1251-24 du Code du travail). Cela vaut notamment pour les titres-restaurants (Cass.Soc., 21/11/1990, n° 89-13.056).

En revanche, sauf disposition conventionnelle contraire, les intérimaires ne peuvent pas bénéficier des œuvres sociales du CSE (Circulaire Direction des relations du travail, 29/08/1992, n° 92-14).

Les salariés intérimaires ont droit à un suivi médical, pris en charge par l’ETT, comme tout autre salarié. Cela concerne la visite d’information et de prévention (dans les 3 mois suivant l’embauche), la visite périodique (obligatoire, au moins tous les 5 ans), ainsi que la visite de reprise après un arrêt de travail (article L. 1251-22 du Code du travail).

L’ETT et l’entreprise utilisatrice sont responsables solidairement au titre de la prévention et de la sécurité des travailleurs temporaires. En d’autres termes, elles ont une obligation de résultat en matière de sécurité justifiant, lorsqu’elle n’est pas respectée, une action qui peut entraîner leur condamnation à toutes les deux. Par exemple, si l’entreprise utilisatrice n’a pas fourni au salarié intérimaire un équipement de protection, cela cause à ce dernier un préjudice, qui devra alors être réparé par l’ETT et par l’entreprise utilisatrice (Cass.Soc., 30/11/2010, n° 08-70.390).

L’entreprise utilisatrice doit organiser une formation pratique, appropriée et périodique, en matière de sécurité, à tous les travailleurs intérimaires. Cette formation doit leur permettre de comprendre comment effectuer leurs tâches en toute sécurité et de connaître tous les risques attachés à leur activité (articles L. 4111-6, L. 4141-2 à L. 4141-4 du Code du travail ; Cass.Crim., 02/02/2010, n° 09-84.250).

Le salarié intérimaire est assujetti au régime général de la Sécurité sociale (article L. 311-4 du Code de la Sécurité sociale). Il perçoit des indemnités journalières, en cas de maladie, en fonction de la rémunération qu’il a perçue pendant les 12 mois précédant l’arrêt de travail (article R. 323-4 du Code de la Sécurité sociale). Cela vaut également en cas d’accident du travail (articles L. 433-1 et R. 433-4 du Code de la Sécurité sociale).

Le salarié intérimaire en fin de mission peut percevoir des allocations chômage, à condition qu’il n’ait pas refusé par deux fois un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire[1].

En matière de droits collectifs, les salariés intérimaires ne sont ni électeurs ni éligibles aux élections des représentants du personnel de l’entreprise utilisatrice (Cass.Soc., 28/02/2007, n° 06-60.171). En revanche, ils sont électeurs et éligibles au sein de l’ETT (articles L. 2314-20 et L. 2314-22 du Code du travail).

Le rôle du CSE

En ce qui concerne l’intérim, le CSE de l’entreprise utilisatrice est consulté :

  • Dans le cadre des demandes de dérogation à l’exécution de travaux dangereux. En effet, il n’est en principe pas possible de recourir à des salariés intérimaires pour réaliser des tâches particulièrement dangereuses, déterminées par un règlement.

Cependant, le directeur départemental du travail peut accorder des dérogations si l’entreprise présente des garanties suffisantes pour une exécution en toute sécurité de ces travaux par les intérimaires. Mais comme cela a été dit, le CSE doit être consulté si une telle dérogation est prévue (articles L. 1251-10, L. 4154-1, D. 1251-2, D. 4154-1 à D. 4154-6 du Code du travail) ;

  • Dans le cadre de l’établissement d’une liste de postes présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité, mais qui sont malgré tout ouverts aux salariés intérimaires (article L. 4154-2 du Code du travail);
  • Dans le cadre d’une formation renforcée à la sécurité des salariés qui occupent les postes figurant sur la liste précédemment évoquée. Cette formation doit permettre aux salariés d’assimiler les conduites à tenir en cas d’accident et de connaître tous les effets des produits utilisés (articles L. 4142-2, L. 4143-1 et L. 4154-2 du Code du travail) ;
  • Annuellement, dans le cadre des orientations stratégiques de l’entreprise (article L. 2312-24 du Code du travail);
  • Annuellement, dans le cadre de la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi. Le CSE prend connaissance, à ce titre, des informations sur le recours aux contrats de mission, ainsi que des raisons qui justifient ce dernier. Le CSE peut également consulter les contrats de mise à disposition (articles L. 2312-26 et R. 2312-18 à R. 2312-20 du Code du travail).

La délégation du personnel au CSE de l’entreprise utilisatrice peut recevoir les revendications des salariés intérimaires si elles portent sur la rémunération, les conditions de travail, ainsi que sur l’accès aux moyens de transport collectif et aux installations collectives (article L. 2312-6 du Code du travail).

Le CSE peut également exercer son droit d’alerte sociale. Lorsque le nombre de salariés temporaires connaît un accroissement important par rapport à la situation existante lors de la dernière réunion du CSE de l’entreprise utilisatrice ayant abordé ce sujet, l’examen de cette question est inscrit de plein droit à l’ordre du jour de la prochaine réunion ordinaire du comité (si la majorité des membres du comité en fait la demande).

L’employeur, au cours de cette nouvelle réunion, communique au CSE le nombre d’intérimaires, les raisons de l’accroissement du recours à ces derniers, ainsi que le nombre de journées de travail qu’ils effectuent (article L. 2312-70 du Code du travail).

Le CSE de l’entreprise utilisatrice peut également saisir l’inspecteur du travail (article L. 2312-71 du Code du travail) :

  • S’il a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif au travail temporaire ;
  • Ou s’il constate un accroissement important du nombre de contrats de mission.

L’inspecteur du travail, pour apprécier les conditions d’exécution du travail temporaire, peut effectuer une enquête au sein de l’entreprise utilisatrice et poser des questions à l’employeur.

Si l’inspecteur du travail estime que le recours au travail temporaire est abusif, il envoie à l’employeur un rapport qui justifie ce constat.

L’employeur doit communiquer ce rapport au CSE. Il doit également faire parvenir à l’administration du travail sa réponse motivée aux constatations contenues dans le rapport.

Dans cette réponse, l’employeur doit préciser les moyens qu’il entend mettre en œuvre pour limiter le recours à l’intérim.

S’il ne le fait pas, un délit d’entrave peut être retenu contre lui. En outre, l’inspecteur du travail peut transmettre au parquet le procès-verbal des infractions constatées au sein de l’entreprise utilisatrice (Circulaire Direction des relations du travail, 02/05/2002, n° 2002-08).

Les salariés intérimaires peuvent se retirer d'une situation de travail s’ils estiment qu’elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé. Outre ce droit de retrait, ils peuvent solliciter un membre du CSE pour le déclenchement d’un droit d’alerte (accord national du 26 septembre 2002).


Le CDI intérimaire

La définition du CDII

Ce contrat est conclu entre l’ETT et le salarié temporaire pour l’exécution de missions successives. Il ne dispense pas de la conclusion d’un contrat de mise à disposition entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice (article L. 1251-58-1 du Code du travail). Le salarié est donc toujours au service de celle-ci de manière temporaire, mais peut se prévaloir de certaines règles du droit commun du CDI. L’ambition du CDII est donc de sécuriser la situation professionnelle de l’intérimaire.

Il est composé de périodes de mission (au cours desquelles le salarié est détaché auprès d’une entreprise utilisatrice) et de périodes d’intermission.

Au cours de ces dernières, le salarié n’est pas au service d’une entreprise utilisatrice. Les périodes d’intermission sont assimilées à du temps de travail effectif à hauteur de 7 heures par jour (article L. 1251-58-2 du Code du travail). Pendant une période d’intermission, le salarié intérimaire perçoit la rémunération mensuelle minimale garantie.

La conclusion du CDII

Le CDII est établi par écrit et doit comporter (article L. 1251-58-2 du Code du travail) :

  • L’identité des parties ;
  • Les conditions relatives à la durée de travail, acceptées par le salarié intérimaire ;
  • Les horaires pendant lesquels le salarié intérimaire doit être joignable en période d’intermission ;
  • Le périmètre de mobilité. Cela correspond à la zone géographique dans laquelle le salarié peut être amené à effectuer des missions. Elle est déterminée en fonction de la spécificité des postes que le salarié peut assurer et des moyens de transport qu’il peut utiliser, le tout dans le respect de sa vie privée et familiale ;
  • La description des emplois qui correspondent aux qualifications du salarié ;
  • La durée de la période d’essai (et la possibilité de la renouveler) lorsque celle-ci est prévue ;
  • Le montant de la rémunération mensuelle minimale garantie. Celle-ci est au moins égale au montant du SMIC multiplié par le nombre d’heures correspondant à la durée légale hebdomadaire de travail (article L. 1251-58-3 du Code du travail) ;
  • L’obligation de remise d’une lettre pour chaque mission que le salarié effectue ;
  • Une clause relative à la période probatoire ;
  • Un délai de prévenance (convenu entre les parties) avant chaque mission. Ce délai ne peut pas être inférieur à une demi-journée.

Le CDII peut effectivement inclure une période d’essai, d’une durée maximale :

  • De 2 mois, pour les ouvriers et les employés ;
  • De 3 mois, pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
  • De 4 mois, pour les cadres.

La période d’essai peut être renouvelée 1 fois, par accord écrit entre les parties.

 

La lettre de mission 

Une lettre de mission, établie pour chaque mise à disposition du salarié auprès d’une entreprise utilisatrice, doit mentionner :

  • La qualification et l’emploi de l’intérimaire ;
  • Le montant de la rémunération (incluant les primes et accessoires) ;
  • Le lieu de la mission ;
  • Le motif du recours à l’intérimaire ;
  • Le début et la fin de la mission ;
  • La possibilité de modifier le terme de la mission ;
  • La possibilité de renouveler la mission ;
  • Les horaires de travail ;
  • Les caractéristiques du poste. Cela vise notamment, le cas échéant, le fait qu’il comporte des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés ;
  • La nature des équipements de protection individuelle utilisés par le salarié. Si ces équipements sont fournis par l’ETT, cette information doit figurer sur la lettre ;
  • La possibilité, pour l’entreprise utilisatrice, d’embaucher le salarié intérimaire ;
  • Les clauses figurant sur le contrat de mise à disposition.

Chaque lettre de mission doit être transmise à l’intérimaire par l’ETT dans les 2 jours ouvrables suivant la mise à disposition.

La durée de la mission

Une convention ou un accord de branche étendu dont relève l’entreprise utilisatrice fixe la durée totale d’une mission d’un salarié temporaire embauché en CDII.

Une telle convention ou un tel accord de branche étendu peut également déterminer le nombre de renouvellements possibles (articles L. 1251-58-4 et L. 1251-35 du Code du travail).

À défaut, la lettre de mission est renouvelable 2 fois au maximum (article L. 1251-35-1 du Code du travail).

 

Le salarié intérimaire est obligé d’accepter la mission proposée si, cumulativement :

  • Elle est conforme au périmètre de mobilité défini ;
  • Elle est compatible avec l’emploi concerné ;
  • La rémunération prévue est au moins équivalente à 70 % du taux horaire de la dernière mission et égale au SMIC en vigueur.

 Le salarié peut donc refuser une mission qui ne correspond pas à ces critères.

 

La fin de la mission

Une période probatoire peut être instituée. En d’autres termes, pendant cette période, le salarié intérimaire peut interrompre à tout moment la mission, même si elle correspond aux critères présentés précédemment. La période probatoire est d’une durée (accord du 11 mars 2022) :

  • De 2 jours, si la mission dure moins d’1 mois ;
  • De 3 jours, si la mission dure entre 1 et 2 mois ;
  • De 5 jours, si la mission dure plus de 2 mois.

Le CDII peut aussi prendre fin du fait de la démission du salarié. Dans ce cas, celui-ci doit effectuer un préavis :

  • D’une durée maximum d’1 mois pour les ouvriers et les employés ;
  • D’une durée maximum de 2 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
  • D’une durée maximum de 3 mois pour les cadres.

L’ETT peut malgré tout dispenser le salarié d’effectuer son préavis.

Enfin, le CDII peut également s’achever du fait de sa rupture par l’ETT. Dans ce cas, les règles de droit commun du CDI s’appliquent. Le salarié a droit :

  • À un préavis d’1 mois si son ancienneté (depuis la conclusion du CDII) est comprise entre 6 mois et 2 ans ;
  • À un préavis de 2 mois si son ancienneté (depuis la conclusion du CDII) est supérieure à 2 ans.

Le statut du salarié en CDII

Le salarié, dans le cadre d’un CDII, n’a pas droit à une indemnité de fin de mission (article L. 1251-58-4 du Code du travail).

Le salarié en CDII doit accepter les actions de formation professionnelle prescrites par l’ETT. Il est rémunéré pendant ces périodes de formation. Les frais de déplacement, de repas et d’hébergement sont pris en charge par l’ETT (accord du 11 mars 2022).

Le salarié en CDII a droit, tous les 2 ans, à un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution de carrière. Tous les 6 ans, il bénéficie d’un état des lieux de son parcours professionnel à l’occasion de cet entretien.

Dans le cadre d’un CDII, le CSE :

  • Est informé par l’ETT, une fois par an, du taux de fréquence et de gravité des accidents du travail des salariés intérimaires ;
  • Est informé de tout accident grave et de l’analyse de celui-ci, réalisée par l’ETT.

 


[1] Pour plus de détails, voir notre article du Décodage n° 32 sur le sujet.

Partager cet article