La prise en charge de l'invalidité par la Sécurité sociale permet aux personnes dont l'état de santé les empêche de travailler de voir leur perte de revenus compensée. Nous clarifions ici la notion d'invalidité au sens du droit de la Sécurité sociale après avoir brièvement rappelé les différences de notion entre incapacité, invalidité et inaptitude.
Article extrait de Décodage n° 39 | Février 2025
Rédigé en collaboration avec Clothilde Ollier, Formatrice SSCT spécialiste de ce sujet
Quelles sont les différences entre incapacité, invalidité et inaptitude ?
L'incapacité, l'invalidité et l'inaptitude sont des notions souvent confondues, bien qu'elles recouvrent des réalités distinctes.
L'incapacité désigne l'impossibilité de travailler ou d'effectuer certaines tâches à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Elle peut être temporaire ou permanente, partielle ou totale. Elle est prescrite par un médecin traitant et validée par le médecin-conseil de l'assurance maladie. L'incapacité résulte donc d'un fait relevant de la vie professionnelle.
Le salarié souffrant d'une incapacité temporaire est indemnisé avec les indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS).
Le salarié souffrant d'une incapacité permanente (si les lésions causées par l'accident sont durables et réduisent sa capacité de travail de manière permanente) a le droit à une indemnisation dont la forme et le montant sont déterminés selon son taux d'incapacité (articles L. 434-1, L. 434-2 et R. 434-1 du Code de la Sécurité sociale) :
- indemnité en capital si ce taux est inférieur à 10 % ;
- rente périodique si le taux d'incapacité est supérieur à 10 %.
Le principe est qu'en raison de cette indemnisation, le salarié victime ne peut pas engager la responsabilité de son employeur afin d'obtenir la réparation intégrale des préjudices subis, sauf à reconnaître la faute inexcusable de l'employeur.
Conseil 3E : Afin d'obtenir une indemnisation plus importante et une réparation intégrale des préjudices subis à la suite de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, il est nécessaire de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur (articles L. 452-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale). C'est le cas lorsqu'il manque à son obligation de sécurité et qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535). Le salarié victime ou ses ayants droit peuvent alors prétendre à :
La reconnaissance de la faute inexcusable s'effectue devant le tribunal judiciaire. Il ne faut donc pas hésiter à initier les démarches. |
En synthèse sur l'incapacité :
L'invalidité, quant à elle, est reconnue lorsque la capacité de travail et de gain est réduite d'au moins deux tiers, à la suite d'un accident ou d'une maladie non professionnelle. Elle est constatée par le médecin-conseil de l'assurance maladie. L'invalidité résulte d'un fait relevant de la vie personnelle.
Enfin, l'inaptitude est déclarée par le médecin du travail lorsqu'aucune mesure d'aménagement ou d'adaptation du poste n'est possible. Cela se produit après le constat que l'état de santé d'un salarié est incompatible avec la charge mentale ou physique liée à son emploi, à la suite d'un accident ou d'une maladie, d'origine professionnelle ou non (pour plus de détails : https://www.groupe3e.fr/l_inaptitude_du_salarie_regard_sur_les_dernieres_jurisprudences).
Lorsque l'employeur a exploré toutes les options de reclassement et qu'aucune n'est possible, il peut procéder au licenciement du salarié pour inaptitude.
Ainsi, l'inaptitude peut être la conséquence d'une déclaration d'incapacité ou d'invalidité.
Comment faire reconnaître l'invalidité ?
L'invalidité est, notamment, prise en charge par le régime général de la Sécurité sociale. Elle permet aux personnes dont la capacité de travail ou de gain est réduite au moins des deux tiers de percevoir une pension d'invalidité (articles L. 341-1 et R. 341-2 du Code de la Sécurité sociale).
L'accès à l'assurance invalidité peut être initié soit par l'assuré, soit par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). En pratique (article L. 341-3 du Code de la Sécurité sociale) :
- L'assuré qui n'est pas en arrêt maladie de longue durée mais qui a une capacité de travail réduite peut faire une demande de pension d'invalidité, s'il pense remplir les conditions pour en bénéficier. Il prépare son dossier médical avec son médecin traitant. Puis, le médecin-conseil de l'assurance maladie évalue l'état de santé de l'assuré et décide s'il peut bénéficier de l'assurance invalidité.
- L'assuré en arrêt maladie de longue durée peut se voir proposer le bénéfice de l'assurance invalidité par la CPAM après évaluation de son état par le médecin-conseil de la CPAM :
- lors des examens périodiques,
- avant la fin d'une période de versement d'indemnités journalières de Sécurité sociale si est constatée une consolidation de la blessure – les lésions sont fixées et prennent un caractère permanent – ou une stabilisation de l'état – l'état de santé ne va pas empirer –,
- à la fin de la durée légale maximale d'attribution des indemnités journalières de Sécurité sociale à savoir 3 ans).
En tout état de cause, le médecin-conseil apprécie l'état d'invalidité de l'assuré en tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle (article L. 341-3 du Code de la Sécurité sociale).
À quoi correspondent les catégories d'invalidité ?
Dès lors que l'invalidité de l'assuré social est reconnue, elle est classée selon trois catégories (article L. 341-4 du Code de la Sécurité sociale) :
- 1recatégorie : l'assuré invalide est capable d'exercer une activité rémunérée ;
- 2ecatégorie : l'assuré invalide est absolument incapable d'exercer une profession quelconque ;
- 3ecatégorie : l'assuré invalide est absolument incapable d'exercer une profession et doit recourir à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.
Il est à noter que la reconnaissance de l'invalidité d'un salarié par la CPAM ne met pas fin à la suspension du contrat consécutive d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle (Cass. soc., 6 octobre 2015, n° 13-26.052). Autrement dit, la suspension du contrat de travail du salarié ne prend fin qu'avec la visite de reprise qui permet de déterminer si le salarié peut reprendre son poste ou s'il doit être reclassé en cas d'inaptitude (articles L. 4624-2-3 et R. 4624-31 du Code du travail).
En outre, l'attribution d'une pension d'invalidité de la deuxième catégorie n'implique pas que son bénéficiaire soit inapte au travail au regard du droit à un revenu de remplacement (Civ. 2e, 8 avril 2010, n° 08-70.464).
Que peut percevoir une personne ayant été déclarée invalide ?
La pension d'invalidité
Pour pouvoir percevoir une pension d'invalidité, l'assuré social doit (articles L. 341-2 et R. 313-5 du Code de la Sécurité sociale) :
- être affilié depuis 12 mois à la Sécurité sociale au premier jour du mois au cours duquel est survenue l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la constatation de l'état d'invalidité ;
- justifier d'avoir soit :
- cotisé sur la base d'un salaire égal à 2030 fois le SMIC horaire (soit 24 116.40 € brut au 1erjanvier 2025) pendant les 12 mois civils précédant l'interruption de travail ou la constatation de l'état d'invalidité,
- effectué au moins 600 heures de travail salarié ou assimilé, au cours des 12 mois civils ou des 365 jours précédant l'interruption de travail ou la constatation de l'état d'invalidité.
Par ailleurs, la pension d'invalidité est calculée sur la base du salaire annuel moyen correspondant aux 10 meilleures années de salaires soumis à cotisations dans la limite du plafond annuel de la Sécurité sociale – PASS (article R. 341-4 du Code de la Sécurité sociale), soit 47 100 € au 1er janvier 2025. Lorsque l'assuré ne compte pas 10 années d'assurance, la base de calcul du salaire annuel moyen correspond aux salaires soumis à cotisations versés au cours des années d'assurance accomplies depuis l'affiliation.
Le montant de la pension d'invalidité est ensuite déterminé sur la base du salaire annuel moyen, auquel est appliqué un taux selon la catégorie d'invalidité (articles L. 341-4, R. 341-4 à R. 341-6 du Code de la Sécurité sociale) :
- 30 % pour les invalides de 1recatégorie ;
- 50 % pour les invalides de 2ecatégorie ;
- 50 % majoré de 40 % pour les invalides de 3ecatégorie devant recourir à l'assistance d'une tierce personne.
La pension d'invalidité est versée jusqu’à ce que son bénéficiaire atteigne l'âge de la retraite, à savoir 62 ans pour les personnes invalides.
L'allocation supplémentaire d'invalidité
Les invalides n'ayant pas l'âge légal de départ en retraite et touchant une pension d'invalidité peuvent bénéficier d'une allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) dont le montant varie selon la situation matrimoniale et les ressources (articles L. 815-24 et suivants, L. 816-1, R. 815-58 et suivants et D. 815-19 et suivants du Code de la Sécurité sociale).
Pour bénéficier de l'ASI, il faut :
- habiter en France de façon permanente ou au moins 6 mois dans l'année ;
- avoir des ressources qui ne dépassent pas un plafond mensuel (au 1er avril 2024) de :
- 56 € par mois pour les personnes seules ;
- 1 24 € par mois pour les personnes en couple (mariage, Pacs, concubinage) ;
- percevoir une pension d'invalidité.
La prévoyance
La protection sociale complémentaire, ou prévoyance, complète les prestations de la Sécurité sociale qui couvrent les risques de décès, d'accident et de maladie d'origine professionnelle ou non, ainsi que la maternité, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'inaptitude et le chômage (articles L. 911-1 et L. 911-2 du Code de la Sécurité sociale).
Elle peut être mise en œuvre par l'employeur qui souscrit un contrat d'assurance collectif pour ses salariés. Dans ce cadre, il a par exemple l'obligation de mettre en place une complémentaire santé d'entreprise dont le but est le remboursement des frais médicaux.
Lorsqu'un salarié invalide est couvert par un contrat de prévoyance souscrit par son employeur qui prend en charge l'invalidité, sa pension d'invalidité sera complétée par la prévoyance.
En cas de cessation de contrat de travail, les salariés couverts par un contrat de prévoyance peuvent bénéficier du maintien gratuit de cette couverture, s'ils ont droit à l'assurance chômage (article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale). La durée de maintien des garanties ne peut pas excéder 12 mois.
En synthèse sur l'invalidité :
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