Vous faites peut-être partie des nombreux élus de CSE pour lesquels le processus des élections professionnelles est en cours ou qui vont très prochainement l'entamer. Le CSE, nouvelle instance imposée par les ordonnances Macron de septembre 2017, voit en effet s’achever sa première mandature de deux, trois ou quatre années selon ce qui avait été négocié dans vos entreprises. C’est le temps d’un bilan, mais c’est surtout l’heure de se projeter vers demain. Il nous semble important, dans le rôle de conseil qui est le nôtre, de vous alerter sur trois éléments pour vous préparer au mieux à votre nouveau mandat : la préparation au processus des élections professionnelles, les négociations sur ce sujet, et la préparation à la nouvelle mandature notamment par l’enjeu de la formation, mais pas seulement.
Article extrait de Décodage n°24 | Mars 2023
Les enjeux des élections professionnelles
Après avoir reculé de deux Chiffres juillet 2022 – DARES |
Préparer les élections professionnelles dans son entreprise, c’est bien sûr pouvoir réunir des collègues, les rencontrer et les inviter à intégrer les listes pour constituer une équipe d’élus qui pourra réaliser les missions qui sont attendues auprès des salariés et qui fera face à la direction. Mais s’y préparer c’est également connaître de nombreux aspects pour éviter de tomber dans des pièges ou éviter des écueils qui pourraient vous coûter cher pendant le mandat à venir.
Connaître les règles applicables au calcul des effectifs, le calendrier à respecter, les critères d’éligibilité, d’électorat, les règles concernant les différents collèges et la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes[1] vous permettra de bien préparer vos listes.
Connaître et anticiper les différentes modalités de vote et le déroulement du scrutin, c’est pouvoir proposer un processus électoral adapté à la réalité, à la situation de votre entreprise et surtout à vos collègues.
Maitriser les modalités de désignation du délégué syndical et le calcul de la représentativité syndicale est essentiel pour mener votre campagne et convaincre les salariés de soutenir les listes syndicales. Vous le savez, le poids dans le mandat et dans les futures négociations ne sera pas le même si votre organisation syndicale a recueilli 30 % des suffrages ou si elle en a recueilli 50 %...
Les enjeux des négociations dans le cadre du renouvellement des instances
Ces nouvelles élections professionnelles sont également l’occasion de négocier de nombreuses dispositions qui pourraient faciliter ensuite l’exercice de vos mandats et donc, ce que vous portez pour et avec les salariés.
Le protocole d’accord préélectoral tout d’abord, n’est pas à prendre à la légère. Il ne sert pas qu’à négocier sur les modalités générales d’organisation et de déroulement des opérations électorales (la date, l'heure, le nombre et la composition du bureau de vote) ou encore sur la répartition du personnel dans les collèges ou la répartition des sièges entre les différentes catégories de salariés. Ces dispositions sont toutefois importantes, car il faut pouvoir proposer un mode de scrutin adapté à la réalité de votre entreprise, des horaires de vote adaptés aux horaires des salariés, des lieux de vote en fonction de la géographie de vos établissements.
En effet, le protocole d’accord préélectoral peut également permettre d’obtenir l’augmentation du nombre de représentants et du nombre de leurs heures de délégation. Il peut permettre de revaloriser le statut des suppléants au CSE, en leur permettant d’assister aux réunions par exemple et en leur octroyant également un crédit d’heures qui pourra s'ajouter au cumul possible des heures des titulaires. Il peut permettre également d’abaisser ou de supprimer la condition d’ancienneté pour être électeur ou éligible, ce qui peut être très important dans le cadre de vos préparations de liste.
Concernant cet accord, il est important de connaître les clauses qui sont facultatives et celles obligatoires. Il est surtout important de savoir que toutes les dispositions de l'accord préélectoral ne suivent pas les mêmes règles de validité. En effet, certaines dispositions comme, par exemple, l’abaissement de la durée des mandats à moins de 4 ans, doivent être établies dans un accord collectif de droit commun[2]. Ensuite, autre exemple concernant l’organisation d’un scrutin hors temps de travail, pour être valable, cette disposition doit être établie par accord unanime[3]. Enfin, concernant la clause écartant la limitation du nombre de mandats successifs pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés, pour être valable, cette clause doit suivre la règle de la double majorité[4]. C’est également cette double majorité qui permettra l’adoption de l’accord préélectoral[5].
Si l'entreprise possède plusieurs établissements distincts, il sera également nécessaire de négocier le nombre et le périmètre des établissements distincts
(L 2313-2 et suivants). Cet accord ne peut être conclu que dans les conditions visées au 1er alinéa de l’article L2232-12 du Code du travail, c’est-à-dire avec les organisations syndicales représentatives ayant obtenu plus de 50 % des suffrages au 1er tour des dernières élections du CSE et donc avec les délégués syndicaux. En l'absence d'accord et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. À défaut, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.
Peuvent être négociés également par accord les modalités de fonctionnement et les moyens du CSE. Il s’agissait initialement dans le cadre de la première mandature des "accords de mise en place du CSE", ou "accords de base du CSE". Accord obligatoire uniquement pour la mise en place de représentants de proximité, il est cependant important, voire incontournable, car il vise à adapter les règles générales prévues par le Code du travail pour répondre aux besoins spécifiques du CSE concernant entre autres, la composition du comité, son fonctionnement, ses moyens et ses attributions. Il s’agit d’un accord dont la règle de validité est de droit commun, qui sera négocié par les délégués syndicaux au sein de l’entreprise ou à défaut avec le CSE.
En élaborant cet accord, vous devez avoir en tête que les dispositions relatives au CSE sont structurées selon un triptyque (mesures d'ordre public, champ de la négociation collective, dispositions supplétives) :
- Les dispositions relatives au CSE d'ordre public fixent des garanties minimales, qui ne peuvent être écartées par contrat ou accord collectif ;
- Lorsque les dispositions relatives au CSE se trouvent dans le champ de la négociation collective, une liberté est donnée à la négociation collective pour créer des modalités de fonctionnement du CSE adaptées aux particularités de l'entreprise ;
- Les dispositions supplétives s’appliquent en l’absence d’accord collectif.
Lorsque vous négociez, il est donc indispensable que vous connaissiez les dispositions supplétives qui s'appliqueront en l'absence d'accord, afin d'éviter de prévoir par accord des dispositions moins-disantes.
Cet accord peut comporter de nombreuses dispositions prévues par les textes, relatives au fonctionnement du CSE ou à ses moyens :
- La mise en place des représentants de proximité et leurs attributions (L 2313-7)
- La commission Santé Sécurité et Conditions de Travail (L 2315-41)
- La création de commissions supplémentaires pour l’examen de problèmes particuliers (L 2315-45 et suivant)
- Les délais, modalités d’établissement du procès-verbal des réunions du CSE (L 2315-34)
- La fixation du budget concernant les activités sociales et culturelles (L 2312-81 et suivant)
- Les modalités et délais concernant des consultations récurrentes[6] et les consultations ponctuelles[7] du CSE (L 2312-19 et suivant et L2312-8)
- L’organisation, l’architecture, le contenu de la BDESE et les modalités de fonctionnement notamment : droits d'accès, niveau de mise en place de la BDESE pour les entreprises comportant plusieurs établissements (L 2312-21)
- Les délais concernant la remise des rapports dans le cadre du recours à l’expertise (L 2315-79 et L2315-85)
Mais ce qui n’est pas écrit n’est pas pour autant interdit, il est donc tout à fait possible de négocier de dispositions qui ne sont pas prévues par le code du travail, par exemple :
- L’abondement de l’employeur pour le financement de la formation économique du CSE, quand le budget de fonctionnement de celui-ci est insuffisant et ne permet pas de former tous les élus du CSE
- Des moyens supplémentaires pour la formation de tous
- La réalisation d'un entretien de début de mandat pour les suppléants
Obtenir des moyens supplémentaires pour comprendre vos missions et accompagner au mieux vos collègues, ce ne sont pas des moyens pour vous, ce sont des moyens pour eux !
Pourquoi négocier ce type d’accord, Même si le règlement intérieur du CSE Le règlement intérieur, sauf accord de l’employeur, ne pourra comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas des dispositions légales. |
Ces deux négociations sont donc très importantes, d’autant plus qu’il vous faudra porter votre attention sur des dispositions dont l'acceptation risquerait d'être périlleuse. Nous vous proposons trois sujets sur lesquels il vous faudra être vigilant.
Nous pensons tout d’abord à la réduction du nombre de représentants possible uniquement par l’accord préélectoral[8]. Dans ce cas, un garde-fou existe notamment par le fait que le nombre d’heures dévolues à chaque représentant doit augmenter corrélativement, afin d'atteindre au minimum le nombre d’heures global fixé par décret au regard de l’effectif de l’entreprise. Cependant, vous perdez ainsi des forces vives. Certes, cela revient à avoir moins d’élus et à avoir plus d’heures, mais vous le savez, il n’est pas toujours aisé de prendre toutes ses heures de délégation. Par ailleurs, il arrive souvent que le nombre de personnes composant la délégation s’amoindrisse tout au long du mandat.
Ensuite, comme vous le savez, à défaut d’accord d’entreprise, votre CSE doit être informé et consulté annuellement lors des trois consultations récurrentes (orientations stratégiques de l’entreprise, politique sociale, conditions d’emploi et situation économique et financière de l’entreprise)[9]. Il est néanmoins possible et fréquent que votre employeur vous invite, à modifier cette périodicité pour vous consulter uniquement tous les deux ou trois ans (sans pouvoir aller au-delà), ceci vous privant ainsi, notamment, de la possibilité d'être assisté annuellement d'un expert. Si la possibilité en revanche existe de pouvoir allonger le délai pour remettre votre avis, il sera également possible de définir, la liste et le contenu des informations qui seront nécessaires à la consultation. Mais attention, définir en amont les informations, c’est également restreindre l’information.
Enfin, le troisième sujet, dont le Président Emmanuel Macron veut faire la promotion dans son second mandat présidentiel, est la possibilité d’instituer par simple accord (ou par un accord de branche étendu pour les entreprises dépourvues de délégué syndical), un conseil d’entreprise[10]. Ce conseil d’entreprise a pour vocation de confier aux élus du CSE la prérogative dévolue initialement aux délégués syndicaux, à savoir celle de négocier, en plus des prérogatives initiales du CSE. Le mandat de délégué syndical n’est pas supprimé pour autant, en revanche il ne négocie plus. Très peu d’entreprises ont pour le moment mis en place ce conseil d’entreprise, ce qui nous semble être une bonne chose. Les représentations syndicales au sein des entreprises et au sein des CSE participent à la force nécessaire pour "assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions"[11].
Les enjeux de la formation dans la nouvelle mandature, mais pas uniquement
Se préparer à sa nouvelle mandature, c’est dans un premier temps organiser son équipe, se connaître, se répartir les tâches en fonction des appétences, envies et moyens de chacun. Certains seront plus à l’aise dans la relation avec les salariés, d’autres face à la direction, d’autres encore dans la rédaction ou les recherches juridiques. Certains préféreront s’occuper de la gestion des œuvres sociales, quand d‘autres souhaiteront se concentrer sur les questions de santé et de sécurité et conditions de travail. Tous les élus, qu’ils soient titulaires, ou suppléants seront légitimes, car élus.
Il y a de la place pour tous, à vous de faire en sorte que chacun la trouve.
Qu'il s'agisse des élus pour lesquels la confiance des salariés est renouvelée, ou des nouveaux membres élus du CSE, si la mission que vous vous donnez semble évidente "défendre les salariés !", il est plus complexe de savoir comment s’y prendre. Si l’envie et la conviction sont sans nul doute présentes, et si la pratique vous permettra d’acquérir des compétences certaines, les connaissances nécessaires ne sont pas innées, elles s’apprennent. Les attributions des représentants du personnel évoluent et les thématiques sont de plus en plus complexes, la réglementation et les règles changent, il est important pour vous de vous mettre à jour.
A-t-on le droit de ... ? Jusqu’où peut-on aller ? Est-ce vrai que l’employeur a le droit de ... ?
Il est fort probable que vous vous soyez posé ce type de question. En connaissant les réponses, c’est moins de temps perdu à se les poser et plus de temps consacré aux problématiques des salariés. De nombreux moyens peuvent être mobilisés pour vous aider dans vos mandats à venir (assistance juridique, assistance expertise, inspection du travail, syndicats, etc.), mais votre formation est également incontournable. Si de nombreuses formations sont possibles sur des sujets variés, deux formations sont prévues par le Code du travail, c’est-à-dire, qu’elles sont de droit, l’employeur ne pourra s’y soustraire.
La formation économique des membres de CSE d'entreprises de plus de 50 salariés[12], d’une durée maximum de 5 jours (qui peut se dérouler en deux fois avec l’accord de l’employeur), portera sur la connaissance de base des attributions qui vous sont confiées et pourra également porter sur les enjeux et conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Si les textes prévoient cette formation uniquement pour les titulaires du CSE pour lesquels la durée de formation sera imputée sur les congés de formation économique, sociale, environnementale et syndicale[13], les suppléants pourront cependant y participer par accord d’entreprise ou sur la prise d’heure de délégation. Cette formation est prise en charge par le budget de fonctionnement du CSE.
La formation santé sécurité et conditions de travail (SSCT) des élus du CSE[14] (sans limite de seuil d’effectif) portera quant à elle sur les attributions relatives aux questions de santé, de prévention, etc. Elle s’adresse à tous les membres du CSE (titulaires, suppléants, membres ou non de CSSCT, réfèrent en matière de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes, et les représentants de proximité s’ils sont présents dans l’entreprise).
La durée de la formation est également imputée sur les congés de formation économique, sociale, environnementale et syndicale et sera prise en charge financièrement par l’employeur (pour les entreprises de moins de 50 salariés, la prise en charge peut être prise par les OPCO[15]). Pour un premier mandat la formation sera de 5 jours, pour un renouvellement de mandat elle sera de 3 jours, sauf pour les membres de la commission santé sécurité (si elle existe) qui bénéficient également de 5 jours. Étant donné que la question se pose parfois, il nous paraît nécessaire de préciser qu'autant pour les formations économique et SSCT que pour d’autres formations que vous souhaitez réaliser, le choix de l’organisme de formation relève de la décision seule des élus. Cette règle s'applique également aux formations prises en charge par l'employeur.
Nous vous conseillons donc, en début de mandat, d’élaborer un "plan de formation" des membres du CSE.
En effet, la formation des représentants du personnel, se pense, s’organise, se prévoit. Faire un état des lieux de ce à quoi vous avez droit, de qui peut en bénéficier, du budget vous disposez. Établir des priorités comme former les nouveaux élus dans la première année par exemple, ou prévoir au moins une formation spécifique pour tous, selon les sujets que vous rencontrez.
La formation des membres du CSE |
Dans le cadre des élections professionnelles (et de manière générale dans le cadre de votre activité), il faut penser également à être transparent auprès des salariés sur vos actions d’élus. Cela est important : informez-les que vous vous formez ! D’une part cela permettra de montrer aux salariés que vous vous formez pour faire au mieux ce qui est attendu de vous, et d’autre part, cela peut rassurer de potentiels candidats pour les élections à venir, de savoir qu’ils seront formés.
Connaître ses droits à la formation et dire qu’il faut se former n’est pas suffisant, car il s’agit d’une évidence pour vous, mais malheureusement, souvent la formation n’est pas une priorité individuelle ni collective. Manque de financements sur le budget du CSE, manque de temps, difficulté d’articuler les missions de représentants avec son emploi au sein de l’entreprise, etc. Ce dernier point est important à prendre en compte dans le cadre d’une nouvelle mandature.
Il est courant que de nombreux élus s’empêchent, ou n’osent pas prendre leurs heures de délégation préférant par dépit travailler les soirs et les week-ends sur les tâches liées aux mandats de représentants. Et comment recruter de nouvelles personnes volontaires pour le CSE s’ils voient les élus en surcharge de travail ? Il ne s’agit pas d’une problématique liée au mandat, il s’agit d’une problématique d’organisation du travail dont la responsabilité incombe à l’employeur.
Le saviez-vous ? L’entretien de prise de mandat peut vous aider dans cette difficulté. Au début de son mandat, le représentant du personnel titulaire, le délégué syndical ou le titulaire d’un mandat syndical bénéficie, à sa demande, d’un entretien individuel avec son employeur portant sur les modalités pratiques d’exercice de son mandat au sein de l’entreprise au regard de son emploi[16]. Par accord d’entreprise, le suppléant pourrait bénéficier de cet entretien.
Cet entretien est de droit, l’employeur ne peut s’y soustraire si le représentant en fait la demande. Il ne peut se substituer à l’entretien professionnel et est l’occasion d’aborder la question de l’articulation entre l'exercice du mandat et l’activité professionnelle notamment concernant la charge de travail. Remplacement du salarié élu absent, modification de l’organisation, redistribution des tâches, ajustements des objectifs à réaliser qui peuvent impacter la rémunération, etc. Cette adaptation devra dans l’idéal être communiquée aux responsables et surtout aux collègues afin que cela n’entraîne pas une surcharge pour les autres.
Le sujet des élections professionnelles, du renouvellement des instances, peut être bien plus vaste et complexe que l’on pourrait imaginer. Que ce soit sur les connaissances à acquérir, les actions à anticiper, les droits dont vous pouvez bénéficier. Ne restez pas seuls.
En synthèse tableau relatif aux accords conclus pour les élections professionnelles :
En synthèse tableau portant sur les accords relatifs au fonctionnement et aux moyens du CSE :
En synthèse tableau portant sur les accords relatifs à l'information-consultation du CSE :
Quelques décisions récentes de la Cour de cassation relatives aux élections professionnelles
L'employeur fixe unilatéralement les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote, faute de protocole d'accord préélectoral ou de saisine préalable du juge (Cass. soc., 18 mai 2022, n° 21-11.737) : Il appartient à l'employeur de fixer unilatéralement les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote, faute de protocole d'accord préélectoral ou de saisine préalable du juge à ce sujet. Si un syndicat souhaite, après la proclamation des résultats, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur et demander à ce titre l'annulation des élections, il doit :
Règles de suppléance en cas de remplacement d'un élu titulaire du CSE absent (Cass. soc., 18 mai 2022, n° 21-11.347) : La Cour de cassation rappelle que la priorité est donnée au critère d’appartenance syndicale. Ainsi, lorsqu'un membre titulaire du CSE est absent, il est remplacé par un élu suppléant de la même catégorie professionnelle et appartenant à la même organisation syndicale. En l'absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d'une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale. À défaut, le remplacement est assuré par un suppléant d'un autre collège présenté par cette même organisation. À défaut, le remplacement est assuré par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale.
Il appartient au syndicat qui invoque la violation par l'employeur de son obligation de neutralité d'en rapporter la preuve (Cass. soc., 18 mai 2022, n° 20-21.529) : Lors du dépôt des listes de candidats, si un syndicat estime qu'un employeur a manqué à son obligation de neutralité en favorisant un autre syndicat, il lui revient de démontrer que la liste litigieuse avait été effectivement déposée de manière tardive. |
Le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral (Cass. soc., 1er juin 2022, n° 20-22.860) : La Cour de cassation affirme pour la première fois que le principe d'égalité face à l'exercice du droit de vote est un principe général du droit électoral. En cas de recours au vote électronique, l’employeur doit prendre les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet. Dans le cas contraire, il s'agit d'une atteinte au principe général d'égalité face à l'exercice du droit de vote, constituant à elle seule une cause d'annulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le résultat.
En cas de recours au vote électronique et en l’absence de salle de vote, les résultats du scrutin peuvent être publiés par tout moyen (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 20-21.992) : En matière d'élections professionnelles, est conforme au principe de publicité du scrutin garanti par les textes, la publication du résultat par affichage dans la salle de vote ou par tout moyen permettant l'accessibilité de ce résultat, dès sa proclamation, à l'ensemble du personnel au sein de l'entreprise. Ainsi, en cas de recours au vote électronique et en l’absence de salle de vote, les résultats du scrutin peuvent être publiés par tout moyen : dès leur proclamation, les résultats peuvent être affichés et largement diffusés au sein de l'entreprise à destination de l'ensemble du personnel.
Lors de la consultation des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise non majoritaire, les salariés ont la faculté d'exprimer un vote blanc ou nul (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-60.107) : En vertu de l'article L. 2232-12 du Code du travail relatif aux conditions de validité d'un accord collectif et aux principes généraux du droit électoral, la Cour de cassation considère que lors de la consultation des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise non majoritaire, les salariés ont la faculté d'exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique. Dès lors que cette faculté est ouverte à tout électeur en application de sa liberté fondamentale de voter, il importe peu qu'elle n'ait pas été prévue par le protocole préélectoral.
Tant que la proclamation des résultats n’est pas intervenue, le délai de contestation ne court pas (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-11.691) : La Cour de cassation rappelle qu'en vertu de l'article R. 2314-24 alinéa 4 du Code du travail, le délai de quinze jours pour contester la régularité des élections des membres du CSE central ne court qu'à compter de la proclamation des résultats. Dès lors que l'employeur n'établit pas la date à laquelle le procès-verbal (de la réunion au cours de laquelle avait eu lieu le vote) a effectivement été dressé et les résultats du scrutin proclamés, il en résulte que le délai de recours contentieux ne commence pas à courir.
En cas de répartition des sièges et du personnel dans les collèges électoraux, la Dreets n'intervient qu'à l'issue d'une négociation loyale (Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 21-11.420) : Ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n’a pu être conclu que l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
Délai pour agir en cas de contestation des élections en raison du périmètre des établissements distincts (Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-17.286) : La requête en annulation portant sur les résultats des élections qui fait suite à la contestation du périmètre des établissements dans lesquels les élections ont eu lieu, lequel n'est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les 15 jours suivant la proclamation des résultats des élections. La requête formée dans le délai de 15 jours suivant le second tour de l'élection est donc recevable.
Les signataires d'un accord collectif sont libres dans le choix des critères fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts dès lors qu'ils permettent d'assurer la représentation de l'ensemble des salariés (Cass. soc., 1er février 2023, n° 21-15.371) : Au sein d'une société, le syndicat d'une catégorie de personnels contestait l'accord relatif à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts dans le cadre des élections professionnelles. Il souhaitait que, dans le périmètre des établissements distincts, soit créé un établissement à part entière représentant cette catégorie de personnels, alors que l'accord litigieux avait créé un établissement réunissant plusieurs catégories de personnel. La Cour de cassation pose le principe selon lequel les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l'entreprise sont librement déterminés par les signataires de l'accord d'entreprise ad hoc, à condition que ces critères soient de nature à permettre la représentation de l'ensemble des salariés. Pour la Cour, la représentation d'une catégorie spécifique de personnel au sein du CSE réunissant plusieurs catégories de personnel est assurée, d'une part, par l'élection de délégués appartenant à cette catégorie spécifique qui disposent de 20 sièges sur 58 au CSE de l'établissement alors même qu'ils ne constituent que 22 % des effectifs et, d'autre part, par l'existence dans ce comité d'une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) pour chaque catégorie de personnel.
Une candidature tardive est autorisée dès lors que la date de scrutin a été fixée unilatéralement par l'employeur (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-11.691) : Aucune disposition légale ne fixant un délai devant s'écouler entre le dépôt des candidatures et la date du scrutin, l'employeur, en l'absence d'accord préélectoral prévoyant une date limite de dépôt des candidatures, ne peut refuser une candidature déposée après la date qu'il a lui-même fixée qu'en justifiant sa décision au regard des nécessités d'organisation du vote.
Les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne constituent pas une cause automatique d'annulation de l'élection (Cass. soc., 1er juin 2022, n° 21-60.076) : Dès lors qu'il n'est pas établi que l'utilisation d'une seule urne au lieu de deux a faussé les résultats de l'élection, l'irrégularité commise dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne constitue pas une cause d'annulation. Par ailleurs, la présence de l'employeur à certains moments du vote, qui a assisté au dépouillement sans se départir de son obligation de neutralité, et qui s'est comporté en simple observateur du scrutin sans intervenir dans le déroulement des opérations électorales, ne constitue pas une cause d'annulation du vote. À moins qu'elles soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou si, s'agissant du premier tour, elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical.
Un syndicat ne peut pas demander l'annulation des élections au titre de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote s'il a déposé une liste de candidats sans réserve (Cass. soc., 18 mai 2022, n° 21‐11.737) : En l'absence de protocole d'accord préélectoral fixant les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales, il appartient à l'employeur, en l'absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer ces modalités. En l'absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l'employeur fixant les modalités d'organisation des élections et demander à ce titre l'annulation des élections.
Obligation de l'employeur de respecter les principes généraux du droit électoral lorsqu'il organise les opérations de vote électronique (Cass. soc., 1er juin 2022, n° 20-22.860) : La société qui ne prend pas les précautions appropriées pour que ne soit écartée du scrutin aucune personne ne disposant pas du matériel nécessaire ou résidant dans une zone non desservie par internet, porte atteinte au principe général d'égalité face à l'exercice du droit de vote. Une telle irrégularité constitue à elle seule une cause d'annulation du scrutin, quelle que soit son incidence sur le résultat. Ainsi, le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral. Le principe d'égalité face à l'exercice du droit de vote est un principe général du droit électoral.
En cas de vote électronique, les résultats peuvent être publiés par tout moyen (Cass. soc., 15 juin 2022, n° 20-21.992) : Selon le Code électoral, immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau. Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote. En matière d'élections professionnelles, est conforme au principe de publicité du scrutin garanti par ce texte, la publication du résultat par affichage dans la salle de vote ou par tout moyen permettant l'accessibilité de ce résultat, dès sa proclamation à l'ensemble du personnel au sein de l'entreprise
Vote électronique et accès à la liste d'émargement (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-20.047) : Après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d'émargement soient tenues à sa disposition.
Précisions sur les modalités de test du système de vote électronique (Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-17.076) : Le Code du travail ne prévoit pas que le test du système de vote électronique et la vérification que l'urne électronique est vide, scellée et chiffrée doivent intervenir immédiatement avant l'ouverture du scrutin. Par ailleurs, le code électoral qui prévoit que, dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter, le bureau de vote s'assure publiquement, avant le commencement du scrutin, que la machine fonctionne normalement et que tous les compteurs sont à la graduation zéro n'est pas applicable au vote électronique dans le cadre d'élections professionnelles. |
[1] Voir Décodage n°13
[2] Article L 2232-12 du Code du travail
[3] Article L 2314-27 du Code du travail
[4] Article L 2314-6 du Code du travail
[5] Pour plus d’information sur le protocole d’accord préélectoral, voir Décodage N°15
[6] Articles L 2312-17 et L 2312-18 du Code du travail
[7] Article L2312-8 et L2312-37 du Code du travail
[8] Article L2314-7 du Code du travail
[9] Articles L2312-19 et suivants du Code du travail
[10] Article L2321-2 du Code du travail
[11] Article L2321-8 du Code du travail
[12] Article L2315-63 du Code du travail
[13] Article L 2145-5 du Code du travail
[14] Article L 2315-18 du Code du travail
[15] Opérateurs de compétences, voir Décodage n°16